Les chasses du comte Zaroff (1932)
Le Comte Zaroff, aristocrate décadent réfugié
dans une île tropicale, est habité par la passion de la chasse à
l'homme, "le gibier le plus dangereux". Zaroff provoque des naufrages
afin de s'approvisionner en nouvelles victimes, qui finissent
invariablement dans sa salle de trophées. Mais un jour il va se trouver
face à Robert Rainsford, un autre chasseur de fauves d'une habileté
égale à la sienne...
Dans
le genre survival-chasse à l'homme, impossible de ne pas mentionner
celui-là, réalisé par Ernest B. Schoedsack (qui s'associera un an plus
tard avec Meriam C. Cooper pour donner la créature velue que l'on sait
tous et qui enchantera un petit garçon nommé Peter Jackson bien des
années plus tard...). Ce film se propose d'aller à l'essentiel (la
chasse à la survie), sans fioriture et malgré les différents remakes
que l'on put en faire, il ne sera égalé véritablement que par Predator de John Mc Tiernan qui à l'instar de son personnage de Zaroff propose une créature qui n'a rien d'humaine.
Bien
sûr, le comte Zaroff (très bon Leslie Banks) est tout ce qui peut
ressembler à un homme, du moins en apparence. En réalité, il est un
être machiavélique et cruel qui profite de ses hotes pour s'en servir
pour, la seule chose qui vaille encore d'être vécue selon lui, la
chasse à l'homme, sa passion, sa vie. Face à lui, on remarque deux
autres personnages importants en la personne de Joel Mc Crea, chasseur
arrogant et sûr de lui qui se retrouve soudain du mauvais côté de la
barrière (d'où son aveu hélas tardif de comprendre enfin ce que
ressentaient les animaux qu'il traquait) et Fay Wray, jeune blonde
lucide et terrorisée que l'on retrouvera bien sûr un an après dans la
grosse production poilue de Schoedsack et Cooper.
Que
puis je dire de plus que ce film qui a maintenant plus de 74 ans tient
encore très bien la route et qu'on ne s'y ennuit nullement ? En 1932,
on est encore en pleine influence expressioniste et l'année d'avant
était sorti un incroyable film marquant d'un certain Fritz Lang. Le
point commun entre Zaroff et M le Maudit tient justement en ces détails
qui sont pourtant déjà une synthèse parfaitement digérée : même si on a
pas de Peter Lorre ici, Leslie Banks en profite pour faire aussi de
gros yeux inquiétants et le réalisateur exploite très bien son décor :
la teinture avec le centaure kidnappant la femme faisant écho à la
statuette sur la porte d'entrée du château du comte ainsi que
l'atmosphère onirique développée par la jungle (des morceaux de cette
même jungle resserviront pour le film très poilu de l'année d'après).
Tout
le film va sans fioriture à l'essentiel (ce qui explique d'ailleurs
hélas son unique point faible, sa courte durée de 63 minutes) et les
scènes incroyables (pour l'epoque mais je les trouve encore bien
foutue) se succèdent et marquent durablement le spectateur :
l'explosion du navire et l'attaque des requins sur les rares survivants
(de vrais scènes de requins insérées brièvement dans le film, une chose
que refera Spileberg pour Jaws en mettant des images de vrai requin
blanc mêlées à Bruce, le requin mécanique), la porte du château et sa
statuette blessée d'une flèche (qui annonce la fin de Zaroff), la scène
du "piège Malaisien" (qui sera reprise dans Predator justement), la traversée du tronc d'arbre (reprise sur le film d'après avec le gros truc poilu),
la salle des trophées (que l'on ne verra que très brièvement à travers
"2 trophés" furtifs mais qui laissent au spectateur le soin de faire
fonctionner l'imagination d'un coup), la poursuite (avec vue subjective
des plantes qui s'écartent)...
Je
voudrait aussi mentionner une idée que je trouve excellente avant de
terminer cette chronique, celle du générique du début. Le film commence
sur le plan de la porte du château de Zaroff avec une main qui vient
frapper un coup. A chaque coup (3), les titres et phrases du générique
apparaissent comme issus d'une résonnance ou du son formé contre le
bois (un peu comme si on mettait presqu'une bulle de BD ici), ce qui
m'a bien grisé et annonçait bien le film.
Voilà, je n'ai plus qu'a vous souhaiter une excellente séance et bon film.
P.S : Ouf, j'ai réussi a ne pas mentionner le titre du film poilu de 1933. C'était pas facile pourtant....