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Chroniques visuelles
29 juillet 2007

Lemming

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Alain Getty, jeune et brillant ingénieur en domotique, et sa femme Bénédicte récemment installés dans une nouvelle ville, reçoivent à dîner le patron d'Alain, Richard Pollock, et son épouse Alice. Cette rencontre ne sera pas sans conséquences sur l'harmonie du jeune couple. La découverte du cadavre d'un mystérieux rongeur dans l'évacuation bouchée de leur évier n'arrange pas les choses et annonce l'irruption de l'irrationnel dans ce qui était jusqu'alors une vie bien rangée...


Pas facile de parler de ce film des plus étranges sans dévoiler forcément ce qui en fait son charme et lui confère une puissance d'éblouissement. Sur un rythme calme et hypnotique, épuré au possible (peu de musique, sauf des moments au piano, surréels), Dominik Moll filme la déchéance d'un couple dit "modèle" dans une petite mécanique huilée de précision qui se détraque impitoyablement.

Pourtant tout avait si bien commencé : cette brillante démonstration d'une mini caméra a hélice par Alain (très bon Laurent Lucas et son beau regard bleuté qui jouait déjà dans "Harry, un ami qui vous veut du bien" du même Moll) sous le regard bienveillant de son employeur (André Dussolier, pas mal dans ce rôle), et puis ce dîner, prétexte a faire plus ample connaissance. Mais la soirée dérape avec ce petit rongeur dans le conduit de l'évier mais aussi suite aux accusations énervées d'Alice (Charlotte Rampling dans une scène glaçante digne des meilleurs Bergman ou "festen"). A partir de là, les frontières entre réel et irréel se troublent imperceptiblement. Le lemming par exemple, semble revenir a la vie a rebours. Etait il vraiment mort ou pas ? Et pourquoi Bénedicte commence subrepticement a se comporter comme Alice ? Qui était vraiment cette dernière ?

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Le réalisateur ne donne aucune réponse, le film reste ouvert et libre à toutes les interprétations (ce qui en fait sa richesse) et ce, jusqu'a sa fin (un peu comme le "caché" de Haneke) en oubliant pas non plus de jouer sur un humour des plus sarcastiques (la fin justement !) malgré des situations franchement inquiétantes. Et pour immerger le spectateur dans ces dernières, Moll n'hésite pas a soigner ses plans et cadrages (on dirait du Antonioni), ses effets sonores (le côté Lynch), sa musique (peu de musique mais ça se rapproche étonnemment des "études" pianistiques de Gyorgy Ligeti) et se permet même de faire des clins d'oeil a l'Art (Getty et Pollock sont des peintres modernes) et surtout au cinéma, avec notamment 2 gros clins d'oeils au regretté maître Kubrick, d'une part avec le Pollock qui semble un étrange parallèle a Pollack (qui jouait dans eyes wide shut un personnage aux motivations cachées, aussi étrange que celui que joue Dussolier ici) mais aussi en nous bombardant allégrement de la fameuse valse du Danube bleu de Strauss issue de 2001. Enfin pour parachever le clou et rappeler Shining, gros plan sur une émission que regarde Alain, où l'on voit un homme avec une hache et l'espace sonore envahis brutalement par ce bruit du bois qui se fait déchiqueter et vole en éclats...

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Enfin !
Enfin, dans le cinéma français, on peut le dire sans faille, on a du vrai cinéma. Du cinéma qui ose, qui en veut, qui n'a pas peur de côtoyer David Lynch et où, inquiétante étrangeté rime avec peur et beauté.

Loin d'un cinéma franchouillard et d'une énième comédie peu drôle (le clou ayant été atteint dernièrement avec les bronzés 3, film à vomir définitivement --et si vous me trouvez dur, vous n'avez qu'a vous plaindre par un commentaire--), Moll comme ses rares congénères Haneke (Caché, petite bombe abstraite a retardement), Aja (son haute-tension, ovni dans le paysage cinématographique français) ou Olivier Marchal (pour ne citer qu'eux en exemple), ose et réussit.

Un cinéaste a suivre de très près et un film a applaudir définitivement pour l'un des meilleurs scénarios de ces dernières années. Bravo et je suis sincère, ça faisait longtemps que je n'avais pas été autant scotché par un film français.

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