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Chroniques visuelles
11 août 2007

THX - 1138

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L'Humanité vit sous terre dépendant d'une autorité qui a proscrit l'amour et exerce un contrôle total sur la vie des hommes. La reproduction s'opère en laboratoire et les individus sont nommés par des numéros de série. Mais un mâle, THX 1138 et une femelle LUH 3417 n'absorbent pas la drogue prescrite et font l'amour. Découverts, ils tenteront de s'échapper...


En 1970, George Lucas, étudiant fraîchement émoulu de l'université de Californie se voit approché par Coppola pour réaliser son premier long-métrage. Ce dernier a bien sûr remarqué le court métrage précédent du jeune Lucas, THX-1138 4EB, justement nominé meilleur court-métrage universitaire, et lui propose de le financer via American Zoetrope sa propre société de  production là où la puissante major de la Warner assurera la distribution. Bien sûr, pas fou, Lucas saute sur l'occasion et Coppola lui donne un budget de 777 000 dollars et 77 cents (le 7 est le chiffre fétîche de Coppola il faut dire), le laissant tout à fait libre du moment qu'il ne dépasse pas son budget. De cette totale liberté, Lucas reprend son court-métrage en enlevant le "4EB", rallongeant et approfondissant le scénario déjà bien inspiré des société totalitaires et dangereuse que l'on retrouve dans la Science Fiction, 1984 et Le meilleur des mondes en étant les parfaits exemples.

Mais Lucas va aller tout aussi loin que ces deux classiques de la littérature SF, voire plus loin en portant le film a un haut degré d'abstraction, en faisant un pur objet plastique tant filmique que sonore, point de départ expérimental et anti commercial qui lui servira pourtant amplement ensuite sur Star Wars. D'abord il commence avec Walter Munch son co-scénariste et preneur de son de constituer une banque sonore : les sons doivent être la transposition de cet univers futuriste, la transposition d'un monde qui n'existe pas...Pas encore du moins puisque Lucas le place dans un futur proche, ce qui ne doit pas les empêcher d'être à la fois reconnaissables et inconnus a la fois, accentuant l'impression de malaise froid de la partition bien ambiante de Lalo Schifrin. Procédé qui resservira grandement sur Star wars (ah les fameux tirs ou le bruit du sabre laser)...

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Bienvenue dans un monde où les rapports émotionnels et les sentiments sont bannis...

Ensuite bien sûr la partition de Schifrin. A cette époque, Lucas n'a pas encore rencontré Williams pour sa fameuse saga, il ne le rencontrera pas encore non plus sur son film suivant, American Graffiti, savoureuse peinture nostalgique des 50-60's et il faudra attendre 1977 et la sortie d'Un nouvel espoir, épisode IV de la saga Star Wars (qui n'avait pas vraiment de numéro il faut dire, ce n'est qu'après le succès de ce dernier que la trilogie se mettra en place...) pour que la collaboration commence alors. En 1970 pour son premier long métrage, Lucas a donc Lalo Schifrin qui suit les intentions du cinéaste a la lettre : construire une musique en accord avec un monde froid et glacé. Le compositeur crée donc des compositions ambiantes fascinantes où de courtes nappes de synthés sont portées par des choeurs féminins désenchantés avant de lentement maintenir une tension jusqu'a la fin du film où brusquement jaillit comme point d'orgue une relecture d'un morceau de Jean Sebastien Bach dans les 3 dernières minutes finales. Un effet impressionant soutenant émotionnellement la fin du film avec une majesté encore peu vue auparavant.

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THX et les androïdes policiers de cette cité-état...

Plastiquement Lucas plonge le tout dans une architecture déjà existante (Orange County en Californie, où vivait encore justement un certain Philip.K.Dick. Je me demande si c'est un hasard...) mais en prenant bien soin de modifier au possible ce que la caméra filme : les cadrages changent toutes données (cadrages très Kubrickiens de toutes beauté souvent), les couleurs n'ont pas vraiment le droit d'être : ainsi le blanc domine tant géographiquement (l'étonnante pièce blanche qui sert de prison a THX ou autres "déviants" et ainsi supprime toute notion de relief : la pièce semble sans fin !) qu'humainement (l'absence de sentiments et de ressenti, les vêtements blancs). Mais surtout Lucas pousse l'abstraction le plus loin qu'il peut se le permettre. Les images de synthèses n'existent pas ? Qu'importe, on peut toujours modifier le reste ! Pour accentuer le malaise, tous les comédiens et figurants ont le crâne rasés, produits vivants d'une société qui standardise à outrance : les aliments et cadeaux sont dans des losanges de couleurs sans marque, les divertissements sont les mêmes pour tous (blagues stupides ou l'envie malsaine de voir un flic-robot corriger un pauvre être), les drogues-médicaments absorbées le sont aussi, la religion se résume a raconter a un enregistrement pré-établi et une icône de visage ayant perdu toute signification sa vie et le travail doit sûrement être le même pour les 3/4 de cette société : bosser dans une usine qui construit leur androïdes flics et anges gardiens. Une société qui se fournit elle-même le moyen de se fouetter donc.

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Chaîne de construction d'androïdes-flics...

Et surtout Lucas prend bien soin de pousser l'abstraction jusqu'au scénario même : rien ne sera laissé au spectateur pour comprendre comment on/cette société a pu en arriver là (malgré de rares indices que si l'on creuse, fouttent encore plus les boules en y réfléchissant) et surtout, il n'y aura pas de "méchant". Cette société est sans émotions, sans espoir, un méchant indiquerait au possible une tentative d'humanisation et personnification du mal ce qui n'a pas lieu d'être ici. Ainsi si l'on arrêtera les poursuites envers THX peu de temps avant la fin, ce n'est pas a cause d'un quelconque ordre venant d'un possible grand manitou mais simplement parce que le budget alloué a sa poursuite a été dépassé ! De même, quand THX est jugé, ce n'est pas par une personne mais bien une communauté : "les masses pour les masses" comme le scande l'un des nombreux slogans publicitaires issus de cette monstrueuse cité blanche.

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La grande scène de poursuite finale, la vitesse étant l'une des marottes préférées de msieur Lucas. Un goût que l'on retrouvera aussi plus tard sur Star Wars...

Evidemment avec un tel film poussant a bout toutes les notions narratives et filmiques tout en se réclamant une expérience tant sensorielle que filmique, on peut se douter que l'écho auprès du grand public fut catastrophique. Il le fut effectivement, la Warner subissant un taux d'audience tellement bas qu'elle confisqua les bobines pour faire des coupes dans le film, laissant Lucas profondément choqué et énervé. Il se dit par la suite que tout moyen pour échapper aux diktats des majors serait de se bâtir un empire pour avoir le contrôle total de ses films et produits dérivés. Dans la tête du jeune réalisateur allait lentement naître "Lucasfilm" (ainsi que ILM pour les effets spéciaux et "Lucasarts" pour les jeux vidéos). American Graffiti serait le moyen de montrer malicieusement patte blanche aux studios avant de pouvoir frapper un grand coup avec star wars...

Mais jusqu'en 2004, Lucas n'avait pas oublié THX, bâtissant une réelle nostalgie et affection pour son premier né trop tôt arraché de ses mains, dans sa filmographie et les produits dérivés, les initiales et chiffres ressortiraient un peu partout (pour le bonheur des fans) : Ainsi dans la guerre des étoiles, Han et Luke vont chercher Chewie dans la cellule 1138. Dans l'empire contre attaque, on envoit les patrouilles Rogue 10 et 11 au secteur 38 (hem !) alors que dans American Graffiti l'une des plaques d'immatriculation a pour numéro THX - 1138 ! Enfin n'oublions pas que THX est ensuite devenu la norme de son et d'image crée au Skywalker ranch de Lucas pour de nombreux films a haut budgets...

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Les robots androïdes sans leurs tenues noires (opposées au blanc des citoyens, tiens je viens de remarquer ça, marrant...), une inspiration directe de l'androïde du Metropolis de Lang qui sera ensuite réutilisée sur C3PO...

En 2004, la Warner propose a Lucas de ressortir son premier film en version director's cut remastérisée spécial dvd et accessoirement ressortie en salles américaines (la ressortie en France en salles ne se fera qu'en 2006 et 2007). Il faut dire que depuis 70, la Warner a bien changée : de statut, de président, de buts. Ayant fusionné avec AOL et Time et s'étant bien fait du fric sur la trilogie cul-cul technolytique des frangins Wachowski, ils peuvent bien se le permettre. Lucas exulte et y'a de quoi : il peut enfin ressortir THX tel qu'il le voulait en 1970, les SFX numériques en plus.

J'en vois certain craindre le pire après les nouvelles versions de Star Wars et ils auraient tort. Star wars appelait à une surcharge tant graphique qu'émotionnelle là où THX appelle une certaine épure et le réalisateur est finalement resté bien sobre : Images restaurées, son poussé en 5.1, quelques couleurs et effets de transparence ici et là, deux trois ajouts de personnages ou créatures et baste. Comparé a la nouvelle Tatooïne grouillante de la version numérique de l'épisode IV, il n'y a vraiment pas de quoi en faire tout un cinéma.

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Près de 30 ans après sa sortie, le premier film du père de la guerre des étoiles demeure encore une incroyable expérience (addictive pour certains) fascinante au possible, un vrai film d'anticipation visionnaire maintes fois repris ailleurs ("the island" de michaël Bay et ses clones tous vêtus de blanc, ça vient d'où à votre avis ?) mais finalement jamais vraiment égalé et c'est tant mieux parce qu'il est très bien comme ça et se suffit à lui-même. Je ne vois que Brazil comme lointain vrai cousin et encore...




Annexes !


* Trailer 1971 de THX :

* Trailer de 2004 :

Et sur les trois liens suivants, vous avez l'intégralité sur You Tube de son court métrage (avec "4EB") :

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