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Chroniques visuelles
2 décembre 2007

Scanners (v.2)

Votre serviteur s'est récemment précipité pour voir le nouveau Cronenberg peu de temps après sa sortie sans oublier toutefois de se faire un petit revisionnage de quelques films. Pour l'occasion et comme je suis d'un naturel chiant et enclin a embêter mon pauvre lecteur (courage lecteur, je t'aime !), je vous fait une chronique pas spécialement nouvelle mais annexe à une autre chronique du film. Un nouveau visionnage avec de nouvelles données, une chronique donc assez différente de l'engouement presque enfantin ressenti sur l'ancienne et pourtant, la passion reste, elle se replace juste dans le contexte de la filmographie du cinéaste canadien. Donc, si vous n'avez vu qu'un seul film de Cronenberg, cette chronique ne vous aidera guère hélas...


Thème du duel final/générique de fin du film à télécharger et écouter pendant la lecture.(cadow' bonux)

C'est quoi un télépathe ? En quoi consiste la télépathie ?

Un télépathe, semble nous dire Cronenberg, c’est, un être qui non seulement peut entendre les pensées des autres mais aussi en retour donner ses pensées, les imposer. Entendre les « volontés » des autres mais aussi pouvoir donner les siennes, les faire sienne à l’autre. Chez le cinéaste canadien, la pensée devient ainsi, plus qu’un pouvoir, un outil supplémentaire à l’homme. Il avait ses bras, sa logique, ses sens, désormais chez les Scanners, c’est la pensée qui fait Loi et devient ainsi une arme non seulement chez les Scanners mais aussi le restant de l’humanité.

attentiooon

Allo chérie ? Je t'appelle du boulot là, je vais pas pouvoir rentrer ce soir...

ayayaiiiiie

Bon chérie je doit te laisser, ça va couper là...

bibouuuum

Allo chérie, ça a cou...*SPLORCH*.

Car le cinéaste évite tout manichéïsme. Foin de méchant télépathe et gentil humain : il y a des dissentions et désaccords même chez les Scanners : entre ceux qui se mettent sous couvert de la « protection » de Darryl Revok sous peine de mort (une protection presque maffieuse. Revok en récupérant Vale ne fait que ça : « agrandir la famille ». On est loin d’A History of Violence et pourtant…), les autres qui résistent (Kim Obriest et ses amis) et ceux qui se réfugient dans une certaine neutralité (Benjamin Pierce, solitaire avouant : « j’ai des amis…Mais je n’en veux pas. »), le cinéaste décrit au mieux des points de vue largement plus intéressants que dans un simple film Hollywoodien.

Le héros lui-même est un Scanners indécis qui ne provoque pas forcément l’empathie du spectateur : bien sûr on peut gagner fait et cause pour sa quête mais on sent que le cinéaste ne nous livre pas tout dès le départ (bien sûr le tournage chaotique et les deux morts ont forcés le cinéaste a écrire et tourner au jour le jour mais le film y gagne une cohérence et en sort finalement grandi). Vale nous reste froid et mystérieux mais finalement n’a rien à envier des autres personnages de l’univers du cinéaste, comme eux c’est un marginal, un solitaire.

artoptica

La création comme ultime refuge face aux semblables. On la retrouvera dans Faux-semblants ("les instruments pour mutantes" du docteur sont une partie de lui-même. Il n'hésitera pas a tenter de les récupérer après les avoir vus dans une vitrine.)...

Car tous les personnages chez Cronenberg sont seuls bien souvent malgré eux, qu’ils soient artistes (eXistenZ avec Allegra Geller qui tout comme le Benjamin Pierce de Scanners s’isole complètement dans la création ou bien William Lee qui « s’exile » en Interzone puis en Annexie), scientifiques ou médecins (Faux-semblants, La mouche), voire simples personnages dont la vie bascule d’un moment à l’autre (Dead Zone, A history of violence, Vidéodrome…). Le personnage Cronenbergien ne peut qu’être face à lui-même, sa plus grande peur au fond, car en lui-même il porte le vide et la mort, inévitable quand celle-ci n’est pas finalement le signe d’un renouveau (Vidéodrome) ou d’un dépassement de soi (Scanners et son final hallucinant qui évoque presque d’une certaine manière la téléportation bien avant La mouche, sauf qu’ici ce n’est pas dans un lieu… ou bien les frères Mantle de Faux semblants qui trouvent dans la mort pourtant une certaine immortalité chez le spectateur : leur « pietà » formée est aussi émouvante que celles de notre passé historique et il n’y a finalement que dans la mort qu’il retrouvent ce lien coupé entre eux).

Pourtant malgré sa solitude, le personnage Cronenbergien ne veut qu’une chose : entrer dans le groupe, la famille, vivre auprès de ses congénères. Un bonheur qui lui est souvent refusé ou imposé, forcé, quand il n’est pas brutalement interrompu. La petite Christie de The Brood n’avait pas demandée a entrer dans « la ruche » de sa mère pour être assimilée aux côtés de congénères peu humains pas plus que le dernier personnage pas encore contaminé de Frissons à la fin du film (scène de la piscine), quand a Tom Stall, il n’avait pas prévu que sa chère « famille » de la côte ouest remonterait jusqu’à lui pour le faire réintégrer de force le giron familial et meurtrier. Scanners n’échappe pas à cette donnée pendant une des scènes les plus significatives du film : Ayant rejoint le groupe de Kim Obrist, il sera convié a une certaine réunion de fusion des esprits en une seule pensée unique, comme pour créer déjà une autre chair par la fusion de la pensée, ne restera plus qu’alors a lui trouver un corps autre, au delà du physique (ce sera Vidéodrome si l’on veut…). Hélas ce bonheur sera brutalement stoppé…

Une seconde tentative de fusion forcée aura lieu vers la fin dans l’affrontement de Cameron contre Revok son frère (l’affrontement avec le frère…On retrouve ça dans A history of violence, tiens…). Là aussi la même idée de réintégrer la famille à défaut d’un groupe donné et là aussi une sorte de refus, comme si la famille signifiait la mort en elle-même (comme pour A history…Faux-semblants…).

catalepsiedegroupe

Le refuge dans le groupe et la punition qui va s'ensuivre...

Finalement le film s’inscrit très bien dans la filmographie du maître et amorce remarquablement bien le virage de Vidéodrome, 2 ans plus tard. La toute puissance de la pensée préparera à la nouvelle chair, pas forcément visible, qui évolue en dehors de l’image. Avant ça, The Brood et Rage évoquaient des transformations, des chairs nouvelles provoquées par l’homme et sa médecine (les greffes expérimentales de peau dans Rage, la « nouvelle médecine » dans The Brood) et Scanners n’y échappe pas. C’est un médicament donné aux femmes enceintes, l’éphémérol qui est à la base la cause de la naissance des Scanners. Cronenberg s’inspire là directement des ravages de la Thalidomide, ce médicament donné aux femmes enceintes entre les années 50 et 60 qui provoqua de graves malformations sur les fœtus et nouveaux nés (pas la peine que je mette de photos, on peut en trouver sur le net, c’est assez éloquent et impressionnant pas moments)…

On retrouve aussi le thème de la conspiration chère a l’auteur, que ce soit la mainmise et la concurrence de ces groupes pharmaceutiques industriels cités dans le film que plus tard une certaine Spectacular Optical ou une secte de Réalistes.



Et puis si on ajoute que le film est doté d’une certaine énergie folle, qu’il regorge d’idées a pratiquement chaque plan (la scène de la tête qui…, quand le cinéaste filme au ras du métro, la scène de scannage de l’ordinateur –brillante idée d’introduire au système informatique une certaine analogie avec le système humain-- , la poursuite de voitures et la fusillade incroyable qui s’y déroule, le sens caché du nom de Revok qui déroulé à l'envers donne "cover" comme la couverture que prend le personnage pour vendre de l'éphémérol ou bien l'idée de couvrir une autre âme --référence a la fin là aussi--…) , qu’Howard Shore y délivre une formidable partition où l’organique se mélange au mécanique et vous obtenez une petite perle formidable et un Cronenberg très sous-estimé qui gagne largement à être revu.

rarephotocoupee

Cette scène étrange où Revok maîtrise des soldat semble sûrement une scène coupée ultra rare. Quid d'une édition dvd digne de ce nom un jour ?

Quid des suites (car il y a eu des suites) ? Pendant longtemps j’ai voulu les voir par curiosité mais après être tombé sur certaines reviews dont le lien que je donne, j’aurais tendance à penser qu’on peut franchement les oublier…


Annexe : Affiches du film.

scannerrrrz

scannnnnnerzs

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