Les chroniques de fond de tiroir (5)
Second volet du diptyque sur la guerre du pacifique par Eastwood, celui qui m'intéressait bien plus que la version américaine (bien que je l'ai aussi en dvd, pas encore vu), vu qu'Eastwood est un grand cinéaste humaniste et qu'il se frottait à l'histoire d'un peuple dont il n'est pas issu, j'en salivais d'avance. Et au final, un certain respect se dégage du film. Eastwood laisse les choses venir dans une première partie qui montre l'installation de la base, des galeries, les différents protagonistes qui se mettent en place avant les ravages brutaux (pas mal brute, en effet...) de la guerre dans la seconde partie. 2 personnages en imposent clairement, le colonel Nishi (ancien athlète aux J.O) et le général Kuribayashi (formidable Ken Watanabe qui jouait auparavant dans "Le dernier samouraï". Je me disais bien que sa tête me disait quelque chose, cet homme dégage un charisme incroyable. A surveiller de très près donc). Mais le reste des personnages sont très bien construits et développés aussi, notamment Shimizu que Saïgo prenait pour un espion (alors que c'est tout autre). La photographie dans des tons vert/bleu/gris délavés est assez belle et m'évoquait "le soleil" de Sokourov (au passage, les seuls tons lumineux ressortant à la fin du film seront un coucher de soleil magnifiquement neutre face à tout ce qui s'est passé). Il y a d'ailleurs là aussi la volonté de traiter le sujet par un humanisme et une rigueur peu vu auparavant même si Sokourov c'est quand même encore plus abstrait et à part. La comparaison n'allait d'ailleurs que dans le sens d'un même sujet traité par des cinéastes occidentaux : l'empire du soleil au plus fort de la guerre, sauf que bon l'un traite d'un point de vue vaste là où un autre choisit de développer l'intime d'un être considéré comme un dieu vivant.
Un bien beau film.
L'affiche, magnifique et terrifiante (cliquez pour la voir en plus grand) annonce bien la couleur : Cloverfield sera sans aucune pitié. Cauchemar terrifiant de 11 septembre transposé dans des contours de SF apocalyptique à la Godzilla filmé intégralement par un camescope dans la tourmente, le film se propose de suivre l'itinéraire chaotique de jeunes New-Yorkais fêtards qui n' auront pas spécialement la chance d'être là au bon moment. Véritable trip de producteur, rêve de gosse ultime (on voulait un vrai film de monstre, on l'a eu !) qui se propose de filmer l'horreur au plus près : comme les civils on ne saura quasiment pas d'où sort la créature, ni à quoi elle ressemble, le réalisateur et toute son équipe ayant le bon goût de la cacher jusqu'a la fin dans un état d'esprit Lovecraftien à savoir : Moins tu en voit, plus tu auras peur. Et tous les grands films d'horreur jouent de la suggestion à merveille, on le sait. Et pour accentuer la terrible impression de réalité, aucune musique (sauf pour le générique final où l'on redescend sur Terre : ce n'était qu'un film. Mais quel film !), les bruitages et effets sonores (Skywalker sound) mais aussi effets spéciaux sont poussés à fond. L'aspect même un peu granuleux du camescope (bien sûr on sait que ce n'est pas filmé comme un dogme danois avec un simple camescope, façon Festen ou Les idiots mais on marche bien dedans) joue beaucoup car les créatures (oui, y'en a une grosse, terrifiante mais aussi des petites qui tiennent de l'arachnide. Ami arachnophobes, passez votre chemin, voulez-vous ?) peuvent même apparaître floues dans l'image, redoublant la sensation d'inconnu. Et en plus y'a pas vraiment de happy-end, j'applaudis.
Clairement l'un des meilleurs films fantastiques de ce début 2008 qui s'annonce hallucinant et bourré de bonnes choses.
Second volet de sa fameuse trilogie du début des 60's, La Notte est le 7e film d'Antonioni et comme le précedent et le suivant, poursuit ses experimentations innovatrices sur des histoires de couples qui finiront plus ou moins mal. Malheuresement, le visionnage fut entaché par de très mauvaises conditions (dont la fatigue et une VHS usée à mort. ) et le ressenti perso de quelques longueurs, ce qui n'entache en rien la technique magistrale d'Antonioni qui filme d'une main de maître les errances symétriques de son héroïne (c'est magnifique, je n'ai retrouvé un équivalent que dans la bande dessinée notamment les cadrages parfois très cinématographiques d'Andreas ou chez Moebius mais aussi leur façon de construire leurs cases. A ce titre, Antonioni est bien un peintre des images dans son cinéma comme il l'était aussi par occasion pour son plaisir dans la réalité. Mais son cinéma avait gagné de cette formidable experience visuelle). D'ailleurs Jeanne Moreau, Mastroianni et Monica Vitti sont parfaits et la fin est sublime à pleurer. Je me demande si cette lecture de lettre n'aurait pas influencé Wim Wenders dans la fin de "Der Himmel über Berlin" (et Wenders co-réalisa "Par délà les nuages" en 1995 avec Antonioni, d'où le fait que je me pose la question) où les amoureux posent un "contrat" entre eux deux, bourré de sincérité, d'idéal et d'affection(*).
Malgré tout, le film n'atteint pas pour moi les deux piliers qui l'encadrent que sont L'Avventura (encore que ce dernier a de ses longueurs par moments. C'est en plus le film le plus long du réalisateur italien...) et L'éclipse (je considère ce dernier après un revisionnage récent comme un incroyable chef d'oeuvre). Peut-être qu'un revisionnage dans de meilleures conditions, allez savoir...
... Je ne vais pas réïtérer ce que j'en ai dit chez Dasola, car j'ai bien aimé Juno. Certes, ça se regarde gentiment, ça ne vole pas spécialement haut mais l'important était avant tout de se faire plaisir et j'en avais grand besoin quand je l'ai vu à ce propos. Ellen Page est mignonne, tout le monde est gentil, elle choppe un marmot dès le premier rapport (mais c'est quoi cette jeunesse qui ne met pas de capote et ne choppe pas la chtouille ? Tss, tss...) mais réussit à trouver un couple à qui le passer. Et puis elle fait de la guitare et use de répliques bien sympathiques qu'on peut sortir en cour de récré comme au boulot (c'est plus risqué néanmoins). Bon après, comme on dit, la critique est aisée, non pardon, la réplique est facile. Juno ne se hisse pas au sommet des meilleurs Woody Allen mais se laisse agréablement voir et fait plaisir. On est content mais on n'achetera pas forcément le dvd (ou Blu-ray)...
On termine cette "chro rapido" (pas si rapido que ça... Je dois encore me retenir pour vous parler de nombreux autres films tels que Carnival of souls, Zabriskie Point, et autres Kurosawa... argggnnn...) par le film de monstre de Mars. Après le monstrueux Cloverfield (au positif hein. Si j'avais eu plus de temps, je me le serais revu encore et encore. N'est-ce pas edou ? ), voici The mist (cliquez aussi sur l'image, l'affiche est assez belle) par un rescapé du genre, amateur de Stephen King, Frank Darabont. On est content de le voir, on avait un peu perdu de ces nouvelles après La ligne verte et The shawshank Redemption. Et le monsieur est en pleine forme et toujours aussi amateur de Stephen King pour notre plus grand plaisir. Et on frôle quasiment une certaine jouissance quand on sait que le monsieur adapte ici la fameuse nouvelle "Brume". Quasiment l'une des meilleures nouvelles de King, la plus Lovecraftienne en diable (pour résumer très rapidement : des monstres se cachent dans une étrange brume venue d'on ne sait où et isolent les habitant d'une petite ville dans un supermarché. Plus le huis-clos se resserre, plus la peur et la paranoïa monte : Comment faut-il faire pour survivre ? Comment sortir (on ne voit rien à l'extérieur, c'est la mort assurée) ? Cette brume s'est-elle étendue au reste du monde ?...). Et de plus, le film se permet des clins d'oeils respectueux à l'autre grand film de monstres du type "on sait pas trop à quoi ça ressemble, ça a pas de forme concrète", je veux parler de The Thing de John Carpenter, déjà cité dès le début du film (l'affiche du film de Carpenter dans la chambre du "héros", c'est imparable !). Vous ajoutez à celà des personnages bien construits dans l'ensemble (bon on a envie de foutre des baffes à la rédemptrice chrétienne qui nous remonte les bretelles avec la fin du monde et tente de convertir les brebis égarées. Et quand elle y passe à la fin du film, tout le monde dans la salle à applaudi, moi de même !)) et une ambiance inquiétante qui monte progressivement pour aboutir à une fin très osée, très amère, qui n'est pas vraiment un happy-end. Bravo, il fallait oser.
C'est d'autant plus courageux que le film à été boudé en Amérique (beh oui, ça ne se finit pas bien, il n'y a pas de montage hystérique comme dans certains films d'action du moment, là au contraire ça prend son temps et le Djeunz de base, il s'endort --le gland !), donc seulement distribué dans une quarantaine de salle ici-même. Et encore ! Et encore, face à l'invasion de gros machin qui sentent une étrange odeur tel Astérix ou le caricatural (encore que...) Bienvenue chez les Chtis, il commence à perdre des salles. Alors amis du fantastique, s'il vous plaît, allez le voir, c'est une petite perle qui vaut le coup.
(*) Je me le revois prochainement le Wenders normalement.