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Chroniques visuelles
10 mars 2008

L' Oiseau au plumage de cristal.

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L'oiseau au Plumage de cristal de Dario Argento (1969).

Un jeune écrivain américain se voit entraîné dans le sillage d'un tueur en série s'attaquant à toutes les jeunes femmes de la ville....

Pour un premier essai, c'est un coup de maître. Le réalisateur propose ici un Giallo (films italiens mi-horrifiques/mi-policiers) fait main doté d'une histoire ingénieuse à tous points de vue tant dans ses cadrages (cf, les plans symétriques en champ/contrechamp dans l'escalier en capture d'écran plus bas), ses scènes déjà anthologiques (on sent que Dario a le sens du spectacle) qui se ramassent à la pelle (j'aime assez le "rasage façon ascensceur" personnellement. agnaaa ...D'ailleurs la scène en question est vue à travers les yeux de la victime et je ne sais si c'est moi mais j'ai l'impression que la vitesse de défilement des images et à ce stade ralentie comme si --sans trop faire de spoilers-- le champ de vision de la victime mourait lentement, affectant ses sensations) et le scénario qui se permet déjà de bien bonnes idées que le réalisateur réutilisera pour notre bonheur dans ces films à venir. Par exemple, la psychanalyse sur laquelle Argento construit judicieusement ses personnages d'assassin, héros ou victimes et la question du traumatisme (ou Trauma pour faire écho à un autre de ses films...) qui remonte à la surface, déclenchant souvent (mais pas toujous) une certaine pulsion de meurtre, de malaise et de mort dans tous les cas et dont le réalisateur se sert à la fois d'indice dans l'enquête tant pour le héros que le spectateur.

Spoiler (in white). Une certaine chansonnette dans Profondo rosso, voire un dessin par exemple. Ici un certain tableau (cf photos plus loin).

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Champ/contrechamp. Symétrie. Gouzi, gouzi, où qu'il est le tueur farceur ?

Et c'est sur ce jeu de l'indice caché ou découvert qu' Argento joue intelligemment sur le suspens (et le pauvre spectateur, hem). Par exemple, notre écrivain se rappelle avoir vu quelque chose d'étrange qui le hantera pendant quasiment tout le film, jusqu'a ce qu'il comprenne et que le film démarre dans une nouvelle direction, emportant notre surprise. Ici un souvenir fugace comme un étrange rêve de deux personnes luttant dans une galerie d'Art contemporain, dans un autre film, un tableau entraperçu brièvement, clé centrale au final du meurtre d'une jeune medium ("Profondo Rosso"). Ce sera encore un indice apparement maigre et presque indécelable à l'écoute (un bruit étrange sur une bande magnétique provenant d'une conversation enregistrée par le commissaire entre le héros et l'assassin) qui donnera une nouvelle direction.

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Enfin, il y a le fait que nous verrons à de nombreuses reprises le point de vue subjectif de l'assassin (tout comme dans ses films suivants) et tout est fait clairement pour qu'on le sache et qu'on s'identifie en plus du héros à l'assassin lui-même que l'on "verra" pratiquement dès le début du film (et ce pour mieux nous désorienter mais aussi pour garder le rythme et relancer continuellement le suspens). D'abord un code de reconnaissance de celui-ci : c'est quelqu'un qui aime le cuir (c'est d'ailleurs le seul à porter des gants noirs en cuir de tout le film. agnaaa ). On aime beaucoup le cuir chez Argento d'ailleurs mais là tout est posé pour qu'on sache ce qu'est l'assassin sans savoir à quoi il ressemble exactement. Juste une silhouette noire comme les ténèbres. Ensuite, le réalisateur établit un lien entre les futures victimes et la vision de l'assassin. Une jeune fille photographiée dès le début se retrouve ensuite en cliché noir et blanc sur le bureau du meurtrier. A partir de là on comprend que l'on aura affaire à la vue subjective de l'assassin à plusieurs reprises, comme si dans le film, comme dans d'autres films du réalisateur, le regard pouvait tuer. Et inversement, on peut tuer le regard (cf "Opéra" --toujours d'Argento-- et sa méthode de supplice près des yeux....brrr...). Plus loin, une paire de jumelle fournira au montage un lien entre le champ de vision du tueur, la victime et l'appareil photo...

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L'appareil photo, les jumelles, yeux secondaires du tueur.

Et si l'assassin photographie ses victimes à loisir (en prenant leurs photos on pourrait même penser qu'elles sont déjà mortes à l'avance, comme si il emprisonnait leurs âmes mais peut-être que je m'avance trop...), on peut en penser qu'il a déjà tout prévu ou presque : chaque meurtre est l'occasion d'un rituel qui se poursuivra dans d'autres films d'Argento, comme si tout restait dans une certaine continuité chronologique. Par exemple, ici on ne verra jamais l'assassin mettre ses gants (dans "Profondo Rosso" si), il est déjà habillé, prêt à commettre ses meurtres. Hésite sur l'arme à utiliser (il a l'embarras du choix parmi tous ses couteaux mais bon je chipote...) dans une logique qui relève tant du sadisme que de la maniaquerie. L'assassin fait durer le plaisir. Jouissance de l'instant avant le passage à l'acte.

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La violence est plus suggérée (spoiler ici avec l'image et la légende in white : Pas de trace des coups sur le corps, pas de blessure sanguignolante montrée mais l'effet de gerbes de sang reste non seulement des plus efficaces et beau aussi d'une certaine manière ) que réellement montrée dans ce premier film (on a pas le "palpitant" transpercé à la sauce Suspiria, si vous voyez ce que je veux dire, hem....) mais le peu vu rappelle que chaque coup donné fait mal et que la victime souffre atrocement. Quand à la musique, cette première collaboration avec Morricone se révèle des plus intéressantes notamment par le motif fredonné par des voix (enfantines ?), accentuant volontairement le malaise ou l'ambiance du film.

Au final, un premier film attachant, complexe, palpitant, une enquête policière horrifique excellament bien menée.



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Commentaires
N
Hé hé... Il faut dire que j'aime beaucoup cet Argento que je préfère même à son film suivant "le chat à 9 queues" qui manque un peu de rythme et pousse parfois (le coup du lait m'a fait mourir de rire. Peut-être que ça passait mieux dans les 70's ?) --on sent aussi qu'il y a eu des coupes, l'intrigue a parfois des trous !--. Heuresement comme toujours, ce cher Dario ne manque pas d'idées (Ahhh, le coup du train... Ou bien, le méchant avec les cordes de l'ascenseur, brrr...), mais pour le coup, "l'oiseau au plumage de cristal" lui est supérieur, pour le rythme mieux géré bien sûr et puis aussi parce qu'il pose les bases du style Argento. Ce n'est pas pour rien que j'ai fait souvent allusion à "Profondo Rosso" qui s'en rapproche un peu je trouve. Après, "Profondo rosso" à un rythme plus lent et se double d'un immense hommage à Antonioni. J'y vois là le film Antonionien d'Argento (et pas que pour la réutilisation du comédien de Blow-Up mais aussi le rythme du film, toute la thématique de la vision, de ce qui est perçu ou pas, m'enfin j'y reviendrais plus en détail un jour --quand j'aurais le dvd huhu--, y'a énormement de choses à dire sur Profondo Rosso. Et apparemment, je suis le seul à avoir décelé certaines choses --par exemple, le lien avec la peinture moderne--), c'est dire !<br /> <br /> Mais je m'égare, nous parlions d'oiseaux à plumage de cristal... Ahhh "Ténèbres"... Sais tu que je l'ai cherché en occaz sur Paris avec "Phenomena", y'a encore 2 jours, en vain ? Sais-tu aussi que la B.O des Goblins sur "tenebres" fut samplée par un groupe électronique récemment (je pourrais te passer le morceau mais je ne sais pas si tu aimerais, that's the problem) ? Une belle forme d'hommage mais qui aurait être largement plus poussée je pense (et c'est un fana de musique électronique qui parle)...<br /> <br /> Bon je sens que je diverge (et pour reprendre Desproges : "Dix verges, c'est énorme !), je vais aller manger moi, tiens...<br /> <br /> See you soon Patch'.
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P
Oui, c'est bien sympa de revenir un peu sur la blogosphère et de trouver de l'Argento chez les copains.<br /> Excellente initiative, de revenir sur ce premier opus, considéré la plupart du temps comme une oeuvre de jeunesse sans grande envergure, et qui est à mon sens bien plus fondatrice que certains ont bien voulu le dire. Se situant à l'orée des seventies (1970), "L'Oiseau au Plumage de Cristal" est un film charnière dans l'histoire du giallo, capitalisant sur les acquis mis en place par Mario Bava (auquel Argento est plus que redevable d'un point de vue esthétique, comme je tente de l'établir dans une chronique à venir) tout en magnifiant le genre en poursuivant l'oeuvre du maître pour en porter les thématiques et le style visuel à un niveau indépassable. A ce titre, Argento est à la fois le rénovateur du giallo, en ce qu'il assure le passage du genre dans la modernité des seventies (et c'est à ce titre que "L'Oiseau..." est un film important) en même temps qu'il en sera le fossoyeur: en effet, avec "Les Frissons de l'Angoisse", il crée une sorte de "Mont Everest" insurpassable à partir duquel le genre ne pourra que se répéter et décliner, ce qui ne l'empêchera pas de donner un ultime renouvellement au genre avec le superbe "Ténèbres", qui d'une certaine façon décrète la fin du giallo en le stylisant à l'extrême - à ce sujet j'ai coutume de dire que "Ténèbres" est au giallo ce qu'"Impitoyable" est au western. Entre temps, on est passé dans les années 80, le giallo est mort ou peu s'en faut, de même d'ailleurs que le cinéma de genre italien qui manifeste ses ultimes convulsions.
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