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Chroniques visuelles
18 juin 2008

Alice dans les villes - 1974.

"Things behind the sun" de Nick Drake à télécharger et écouter en lisant la chronique (format mp4 / itunes).


affiche_Alice_dans_les_villes_1973_1

Philip, un journaliste allemand censé écrire un papier sur les Etats Unis connaît hélas le syndrôme de la page blanche. Doutant de tout face à ce pays qui le déboussole, il ne peut que prendre des polaroïds, cherchant à y démêler la réalité de ce qu'il voit espérant y trouver l'inspiration. N'ayant plus un sou en poche, il doit alors rentrer et c'est ainsi qu'a l'aéroport, il fait la connaissance de la petite Alice et de sa mère eux-aussi attendant un avion pour rentrer. Philip sert alors d'interprète pour cette famille ne comprenant pas un mot d'anglais mais en vain puisque tous les départs pour l'Allemagne sont annulés. Ne reste plus qu'un grand détour par la Hollande et l'attente d'une nuit en hotel pour Philip, la mère et sa fille. Bientôt, Philip se retrouve seul avec la gamine sur les bras. Commence alors un road-movie étrange et tendre pour deux marginaux...

En 1974, Wim Wenders réalise, en réaction à "la lettre écarlate", cet "Alice dans les villes", véritable remise en question de son travail cinématographique qui arbore ses principales préoccupations : le mythe de l'Amérique et de ses illusions, la fiction au sein du cinéma, les intéractions des différents médias au coeurs des relations humaines et bien sûr le rapport au vécu à travers les errances/itinérances de ces personnages dont Paris-Texas sera la brillante apogée.

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Il faut dire que le réalisateur Allemand (maintenant Américain, Wim a succombé à sa passion pour l'Amérique on va dire...) détesta profondément sa lettre écarlate, adaptation littéraire qui curieusement chez lui semblait des plus figées. Wenders se disait perdu au coeur d'une fiction dont les gens se fichent un peu. Il fallait recentrer vers quelque chose de plus Wendersien d'où cet Alice, parfaite réussite qui peut se voir comme le grand frère de Paris-Texas. Sur ce film, exit la couleur, place au noir et blanc (Robby Müller son directeur photo depuis toujours accomplit là un travail digne de Sven Nykvist, le chef op' du regretté Bergman même si les photos n'en rendent que peu compte) et à une histoire qui sort des cadres habituels. Quête existencielle et métaphysique tout en étant un road-movie tendre et sentimental (mais pas niais attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit) autour d'un photographe/écrivain/journaliste en quête de réponse (Philip Winter dont le nom et le personnage reviendra souvent dans la carrière de Wenders, sorte d'alter-ego de celui-ci au même titre que le Friedrich Munroh de "L'état des choses") et d'une petite fille boudeuse et têtue.

Quête qui permet à Wenders de questionner la photographie par le biais des polaroïds que prend Philip, lesquels lui offrent "une image toujours aussi belle mais une image vide" comme dira la petite Alice auquel Wenders, par ses dialogues donne quelques pistes de réflexions. Effectivement, l'image d'un monde ne peut se substituer vraiment à celui-ci et l'expérience du réel ne peut que se faire par le biais du vécu. C'est ce qui attend Philip en acceptant d'abord contre son gré, puis par jeu, de s'occuper de cette fillette qu'on lui a laissé sur les bras : En s'occupant de cette fille comme un père, il ne se replie pas en lui-même comme au début du film ou ne se réfugie pas dans les images mais s'ouvre bel et bien aux autres.

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Le film est d'une telle richesse dans ce qu'il offre qu'il donne de nombreuses pistes de réflexions en plus d'une histoire passionnante. En cherchant la grand-mère de la gamine (prétexte, on le comprendra bien vite plus tard), c'est seulement lui qu'il cherche. Quête d'ouverture, de la paternité, réflexion sur l'image, la photographie, road-movie contemplatif, illusion Américaine apposée à une Allemagne bien vivante, tout donne le tournis en grattant sous le vernis filmique. Il faut noter aussi une musique à la guitare accoustique très proche du folk débroussaillé d'un Nick Drake période Pink Moon ou du Nick Cave de "L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford" , très belle, calme et mystérieuse, fascinante. On est une fois de plus pas loin du Ry Cooder de Paris-Texas, d'où le "Grand frère" de celui-ci.

Mais plus que tout, c'est un superbe film qui mérite d'être redécouvert.

Et par chance, le dvd sortira enfin chez nous avec 3 autres Wenders réedités (mais encore jamais sortis en dvd !) vers septembre-octobre 2008. La fin de l'année s'annonce grandiose je le sens.

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Commentaires
P
Je l'ai vu il y a trèèèès trèèès longtemps et j'avais adoré. Tu me donnes envie de le revoir tiens... :D
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N
Oui il paraît. :)<br /> Moi c'est l'inverse, pas encore vu d'Ozu mais le fait que Wenders l'admire, m'incite à me pencher là-dessus...
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R
Pas encore vu un film de Wenders, mais un adorateur d'Ozu est logiquement un type bien.
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