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Chroniques visuelles
26 juillet 2008

Rois et Reines

kingandqueen  Si vous avez regardés un peu mon "bilan" très nimportenawak, vous avez donc dû voir que j'ai plus qu'apprécié le film de Desplechin. Je suis en général très regardant sur nos propres films, considérant qu'après la "révolution" de la Nouvelle Vague, quelque chose à été pris en compte, cette très large politique des auteurs qui, en grande partie, a émergée du giron de la revue des Cahiers du cinéma. Desplechin n'y échappe pas, ancien chroniqueur au même titre d'ailleurs qu'Assayas et Téchiné et si on veut remonter encore plus loin, les indispensables parrains que sont Truffaut, Godard et toute la bande de cette fin des années 50 qui ne demandait qu'a exploser à l'écran, ce qu'elle fit pour le bien et le mal du cinéma français, changé à vie.

Desplechin est donc un auteur au sens propre et son film (son cinéma) s'avère donc plus que riche, de cette richesse dont on fait les grands vins, les grandes fresques, les bons jeux vidéos cultes ou les films qui 40 ans plus tard ne prennent nullement une ride. Dois-je donc désigner ce film comme un chef d'oeuvre au vu de l'éloge sur laquelle je m'engage ? Certes non. Mais par là même, je tenais à vous faire part de ma joie. Joie en grande partie dû donc à la richesse du film, son style alerte, sa narration, les astuces dont Desplechin peut se servir, et surtout son intelligence. On ne le dit jamais assez, donc je vais le faire radicalement et d'une manière certes assez extrêmiste : en général, le cinéma Français est stupide. Parce que depuis 1959 et Les 400 coups (*) + A bout de souffle sans oublier avant celà des génies épars et trop isolés (Renoir, Bresson, Cocteau...), le cinéma français n'avance pas. N'avance plus. Ne reste donc qu'une poignée d'auteurs, de vrais auteurs (**), des grands, des rieurs, des gouailleurs, des gens qui ont le sens des mots, ces mots bien français, ce vocabulaire dont même les américains nous envient. A votre avis, quel est le meilleur moment de cet incroyable nanar (***) qu'est Matrix Reloaded ? Pas les cascades et affrontements dont le gamer (et j'en suis un) sait horriblement bien que c'est pompé sur un bon vieux Tekken ou Street Fighter des familles (****), non. Tout bonnement ce passage surréaliste au possible où dans un Américain très bon pour un frenchy, notre Lambert Wilson adoré se lance dans une tirade de jurons en français tellement grotesque qu'elle en devient passionnante.

la_reine

Rois et Reine donc, est un vrai film. Un vrai film Français, de cette intelligence et de cette subtilité dont on peut en être fier. Et non, ce n'est pas un film français au sens où les autres films français courbent l'échine et ne donnent plus qu'une soupe, toujours la même au spectateur (pour les non-convaincus, lisez le rapport de Pascale Ferran). Résultat, le cinéma français s'enlise et va de plus en plus mal, mais là, je conviens que je schématise. Revenons au film de Desplechin pour ce qui ne devait être au départ qu'une chro de fond de tiroir ne deviennent en fait une véritable chronique, emporté par ma décision de défendre ce film, bec et ongles. Donc, un film doué de plusieurs niveaux de richesse. Déjà dans son histoire qui entrecroise une femme (une Reine) et plusieurs des hommes qui gravitent autour d'elle (les Rois) : enfant, ancien amant, père, nouvel homme dans sa vie. Le ton est donné, par ces qualificatifs de noblesse, chacun des personnages est amené à avoir une certaine profondeur qui les place nettement au dessus de la foulée (comprendre : ce à quoi nous ont habitués les films français de ces 20 dernières années). Desplechin ose, au point de laisser le spectateur sur la route (dans ces raccords très brusques au montage, on est surpris par le ton dès le départ avant de s'y habituer par la suite). Notre cinéaste veut évoquer un rêve ? Il place des images d'archives pour illustrer celà en plein dans le film avec une brusquerie réjouissante. Un poème de Yeats se rattache à la situation présente ? Il sera dit par la bouche même d' Amalric avec même un sous-titrage en dessous pour montrer le sens et le jeu de mot provoqué.

Et encore plein de choses d'une créativité, d'une subtilité et d'une inventivité au service du film que je n'ai vu que jusqu'alors dans le cinéma français que..... dans le cadre de La Nouvelle Vague. Et peut-être aussi dans Dans Paris ou d'Honoré hélas ne tente que recréer servilement à notre époque tout ce que La Nouvelle Vague a déjà livré voilà plus de 40 ans (n'hésitant pas a reprendre des idées et cadrages issus de chez Truffaut et Godard), ne faisant marcher le film que par petits bouts en plus d'un début franchement détestable (j'avais envie de donner une bonne paire de claque à Duris). Rois et Reine va largement (et heuresement) beaucoup plus loin en ce sens que contrairement au film d'Honoré, il y a un respect du public qui consiste à prendre ce dernier pour quelqu'un d'intelligent. Une démarche assez proche du cinéma de Truffaut au fond, je cite :

  • "La critique est catastrophique, tout comme l'accueil public (*****). Pensant sauver le film, Truffaut décide de retirer toutes les copies et de le raccourcir de 15 minutes. Cette autocensure, étonnante de la part d'un auteur, témoigne d'une humilité sincère : "L'idée de faire perdre de l'argent à autrui m'est insupportable. J'aime assez mon travail pour le croire interessant, pas assez pour le croire indispensable ou irréprochable." (Extrait du livre : François Truffaut par Cyril Neyrat aux éditions Le monde/Cahiers du cinéma.)

  En cette phrase, Truffaut rejoint Sartre et l'idée que "Tout homme qui se croit indispensable est un salaud". Desplechin ne se croit pas indispensable mais il veut faire accepter ses idées et il le fait avec une sincérité énorme qui manque à bien d'autres films ou auteurs d'aujourd'hui (dont Honoré pour moi). Donc, Rois et Reine n'est nullement nombriliste, bien au contraire et si l'oeuvre peut paraître hermétique, c'est parce qu'elle rayonne de l'intérieur et que les rayons sont tout bonnement dardés sur notre rétine. Accepter ces rayons, c'est accepter humblement ce que nous propose ce fou de Desplechin.

les_rois

Ensuite, l'autre raison de voir ce film, ce sont les acteurs. Si Emmanuel Devos peut légitimement faire grincer des dents (bon, ok, elle n'est pas aidée non plus par le rôle mais quand même ... Niveau jeu d'acteur, c'est guindé, peu naturel, elle se force presque. Et sa voix ! Autant la voix de souris de Mariel Hemingway dans Manhattan ne me gênait nullement et entretenait un charme supplémentaire, autant là.... ça bloquait....), on est content de trouver dans un second rôle Catherine Deneuve mais surtout, l'énorme, le géant, Mathieu Amalric, qui casse tout sur la barraque et emporte le film vers les sommets. Amalric, disons le franchement est formidable dans ce rôle de macho non dénué d'humour et de cervelle, volontairement provocateur (j'étais plié de rire en l'entendant parler des femmes devant une Deneuve-psychiatre atterée), enjoué, montagne d'énergie à la fois régressive et bigrement intelligente (le monologue quasi-final de l'épilogue entre Amalric et le fils est un morceau de bravoure à lui tout seul), un modèle clairement. Un grand, très grand acteur. Quand je le vois bouger, je pense au débridé Klaus Kinski dont le jeu hypertrophié pouvait paraître grotesque mais qui faisait partie de la vie même de l'acteur. Amalric est pareil : quand il joue, il vit, sa présence illumine l'écran.

Oui, je lui dresse un pont en or, je lui déclare mon amour enfiévré mais croyez-moi, cet acteur est immense. Les autres à côté de lui s'effacent. Déjà grand dans un rôle secondaire chez Spielberg (je me demandais qui était cet acteur que je trouvais très bon dans Munich) où il éclipsait sans mal Attal et Kassovitz, le film de Desplechin lui permet de faire éclater son talent avec un naturel incroyable. D'ailleurs, Amalric est le grand méchant du prochain James Bond avec Daniel Craig. Je ne vous cache pas que j'irais rien que pour Amalric, c'est dire. Quand à Desplechin, je regrette d'ailleurs d'avoir loupé son "Conte de Noël" terriblement réjouissant où l'on retrouvait Amalric et Deneuve. Bref, un acteur et un cinéaste à suivre de très près.

Et dire que je voulais faire de mini-chroniques rapides par manque de temps et d'un mal de tête assez prononcé (je ne supporte pas la chaleur alors avec ce temps je suis gâté, d'où des migraines et le fait que le blog soit un petit peu vide en ce moment, désolé) et voilà ce que j'obtiens. Tss, tss, je suis pas sérieux.

 


 

(*) Il faudra bien que j'en parle de celui-là un jour ici. Et message pour Benoît, moi je lui met 5/5 aux 400 coups hein ! :)

(**) ... Pialat, Audiard, Blier, Assayas, Kahn, Ferran, Desplechin....

(***) ... si, si Matrix Reloaded ne brille pas spécialement pour moi par ses qualités narratives mais son degré comique hautement prononcé. C'est très drôle Matrix Reloaded hein. D'ailleurs toute la trilogie Matrix peut être vue au second degré, je vous assure. Rigolade garantie. Spécialement sur Matrix Revolutions.

(****) Disponibles sur de bonnes vieilles consoles à pixels que sont la mégadrive, la playstation 1... Si vous ne voyez pas le parallèle entre le film et les jeux vidéos de combat, je vais vous aider, il n'est pas dans les prises mais dans les mouvements de caméra qui restituent pleinement "l'aire de combat" comme dans un jeu vidéo. C'est tout particulièrement flagrant dans Matrix reloaded pour le combat sur le camion : la caméra tournoie légerement en un mouvement de spiral qui nous présente "l'arène" comme dans certains jeux de combats. Quand j'ai vu ça, j'ai hurlé.... d'énervement.

(*****) Passage tiré du livre à propos des "Deux anglaises et le continent", superbe Truffaut très Bergmanien dans sa seconde partie où le cinéaste se fait une joie de ne rien nous épargner tout en gardant le délicieux climat romantique imbibant la première partie du film. Surprenant Truffaut que j'ai vu il y a quelques jours et grandement aimé.

 

Prochains films français que je chroniquerais ici : 2 films de François Truffaut tiens. Et pas des moindres.... A suivre donc.

 

 

 

EDIT, 4 ans plus tard : Je me suis demandé si je devais changer ma chronique mais non je vais la laisser comme telle après tout. Bon sang, j'étais un peu bête et méchant alors, j'espère n'être resté que méchant finalement aujourd'hui. Donc, comme il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis comme on dit, non le cinéma français n'est pas stupide. J'étais énervé, je le reconnais. Depuis j'ai pas mal vu de films de notre charmante culture et je relativise pas mal mon propos. Je regrette juste que le spectacle basique souvent le dispute au film plus construit et réfléchi aussi bien envers le grand public que les élites ou nantis. Je vois souvent des films faits comme des téléfilms ou formatés d'office pour la télévision et je le déplore un peu. Quand à ne juger que par le cinéma d'auteur, effectivement je fais fausse route, il faut aimer à la fois ce cinéma comme tous les autres, sinon on rétrécit sa lucarne et on finit par rester borné et sans horizon. Par contre ne comptez pas sur moi pour réévaluer le cinéma d'Honoré. gneee

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Commentaires
N
Merci mon cher Patch' ! As tu vu "un conte de noël" ? J'aimerais assez le voir celui-là, tout comme Esther Kahn. Bon en fait, tout ce qui a trait à Desplechin et Amalric m'interesse désormais bien plus qu'une bonne partie du cinéma français actuel. :)
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P
D'accord avec tout ce que tu as dit!<br /> Desplechin est effectivement, avec Ozon à un degré moindre, l'un des héritiers les plus directs de la "Nouvelle Vague". Je le suis depuis "La Sentinelle", étrange film avec son histoire de tête coupée et décomposée dont la thématique me rappelait un peu "Macabro" (le seul film potable de Lamberto Bava), et depuis j'essaie de ne pas le lâcher. <br /> J'ai vu récemment ce "Rois et Reines" à la télé, et j'ai été conquis par la finesse du trait dans cette peinture de personnages ambivalants, tour à tour attachants et détestables - comme nous le sommes sans doute tous à des degrès divers, ce qui donne au film une grande vérité de ton, et là encore on pense à Truffaut...<br /> Quant à Almaric, t'as raison, il est géant!
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