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Chroniques visuelles
28 décembre 2008

Altered States

altered_statesjaquette

Le scientifique Eddie Jessup (William Hurt) croit fermement à d'autres stades de la conscience aussi réels que la réalité quotidienne que nous percevons. Utilisant un caisson isolé privant toute facultées sensorielles en y ajoutant de puissantes drogues hallucinogènes, il commence à explorer d'autres perceptions.... Qui commencent dangereusement à le changer...


Avant toutes choses, je m'excuse du peu d'images de qualité à fournir vu que le film n'existe qu'en zone 1 assez rare à trouver et que si mon lecteur dvd est bien dézoné pour lire toutes les zones de n'importe quel pays, ce n'est certainement pas le cas de mon pauvre ordinateur qui ne lit que des zones 2 (france, japon, Angleterre, Canada). Du coup je n'ai hélas pu faire aucune capture d'écran à proprement parler de ce film étrange et très intéressant à mi-chemin entre le fantastique, le drame et l'horreur pure et j'ai dû piocher à droite, à gauche sur des sites aussi divers et intéressants que pauvres et moyens. Je ne sais pas si je l'ai déjà dit et ça a tendance à me froisser mais je trouve peu de sites ou blogs qui proposent des captures de films intéressantes, qui donnent envie de le voir, qui font baver, qui mettent en avant sa plastique, son sens du visuel ou décomposent un mouvement, son ouverture (un site intéressant sur les ouvertures de films ici néanmoins)... Généralement on a droit à des captures de films banalement dignes de certains magasines de film, c'est dire. C'est nous qui avons la maîtrise de l'internet les gens, faut pas hésiter, voyons ! Allez, allez, hop, hop, on est cinéphiles, on est passionnés, on veut montrer nos petits chouchous, nos Bogarts, nos Indys, nos aliens du placard ! agnaaa

Il est d'autant plus frustrant que mes images trouvées ne rendent aucunement compte du film qui dans ses effets spéciaux (assez hallucinants malgré un montage parfois clippesque) tente (et y parvient presque avec une certaine maestria) d'atteindre le niveau visuel de la séquence aux étoiles de la dernière partie de 2001 de Kubrick. Mais bon, tant pis, on fera avec. C'est comme essayer de raconter un sketch de Desproges ou Coluche alors qu'on y a pas assistés et que c'est un copain qui nous a tout racontés, c'est dire la difficulté de cette chronique.

ALTEREDSTATEScouv
La couverture signée du talentueux George Underwood. Ses oeuvres valent le coup d'oeil.

Adaptant le livre, devenu assez rare, de Paddy Chayefsky en 1980, presque 10 ans après sa sortie et dans son style grandiloquant et baroque, Ken Russell ("Tommy" des Who en film) tient pourtant à respecter l'époque si propice à l'histoire, celle de 1969 sur la côté ouest, le temps des drogues et du LSD. Altered States (Au délà du réel en français, cf affiche en addendum plus bas) ne s'en cache pas, c'est un film sur la drogue. Pas celle qui se s'injecte dans les veines comme chez Burroughs (Junkie, Le festin nu...) pour créer la dépendance, le bien-être (...et la mort) mais plus l'Acide et le LSD qui provoquent des altérations diverses des synapses, occasionnant selon chacun un ralentissement (ou accélération) des perceptions, des hallucinations, des trips divers qui peuvent sacrément secouer. Certains ont eu très peur (Philip.K.Dick raconte avoir vu un visage qui le suivait partout, ne le quittait pas pendant plusieurs jours, expérience ressentie par les paumés du terrible "Substance Mort" où Dick, dans l'autobiographie SF la plus sincère et douloureuse ne fait que raconter, à peine maquillée, sa vie et celle de ses amis de l'époque à Orange County en Californie), d'autres ne sont jamais revenus (Syd Barrett, le regretté ancien leader guitariste des Pink Floyd).

Alteredstateseuuuh

"Scully, je les ai vus, j'te dis.
_ Mais oui Mulder, mais oui. Allez, maintenant, prends ton xanax ©, un suppo' et au dodo.
"

Altered States est un film qui se partage donc entre divers registres de genres comme la SF (les hallucinations mystiques avec ou sans les étoiles, les sauts dans le temps que subit mentalement/physiquement Jessup dans la seconde partie du film), le fantastique et l'horreur pure (les transformations de Jessup qui à la fin font vraiment peur) alternant avec le drame. Drame parce qu'avant tout, sous le vernis horrifique/SF, c'est tout bonnement l'histoire d'un homme qui, suite à la mort de son père d'un cancer à renié sa foi chrétienne pour se réfugier dans le savoir scientifique pour en revenir à la question : qu'y a t'il derrière la conscience ? Et si ce que l'on nomme dieu ou une quelconque divinité n'était pas plutôt la résultante de nos consciences qui ont peur de l'espace, du vide, de ce qu'il y a dans les ténèbres, par délà la mort et nos pensées ? Du fait qu'il veut des réponses pour trouver un sens à sa vie et à la destinée humaine, Jessup s'enferme dangereusement dans ses expériences sans s'apercevoir (mais nous on le voit) qu'il adopte de plus en plus les comportements du drogué dangereusement en manque : pas de recul, la volonté d'aller toujours plus loin, les doses plus fortes, se dépasser jusqu'a briser les limites...

altereeee

Je flotte au milieu des nuages avec des poissons dans le ciel. Tout va trèèèès bien.


C'est aussi un drame au sens où l'on voit la terrible déchéance d'un homme (les films préventifs sur la drogue devraient toujours intégrer les visions du junkie, quitte à basculer dans l'horreur pure, pour mieux nous montrer la gravité de la situation (*)) face à la femme qui l'aime à la folie (Blair Brown, actrice talentueuse que je découvre ici), qui l'a toujours aimé. Lui, il ne comprend pas ce qu'est l'amour, il ne peut le rationnaliser, ça lui échappe là où il a des résultats significatifs sur le cobaye qu'il est dans ses propres expériences. Elle, elle l'aime plus que tout, sa folie, son côté doux tout en étant timide et fort, son intelligence. Sans qu'ils le sachent, c'est de son amour que pourra naître une once d'espoir d'en réechapper, parce que jusqu'au bout et même si elle est contre les expériences qui deviennent de plus en plus inquiétantes et terrifiantes, elle le suivra...

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L'affiche japonaise. On se croirait devant un Stuart Gordon (les Portes de l'au-délà --from beyond--), c'est rigolo. Malheuresement ça spoile certaines choses du film, enfin bon...


Si dans sa première partie, Jessup a certaines visions mystiques inquiétantes (une bible imprégnée de sang, un bouc aux nombreux yeux échappés de chez Dick...), la part de réalité reste alors une balise sûre pour le spectateur. Le temps passe, Eddie se marie avec la femme qu'il aime. On sent que ça ne va pas durer. Celà ne dure pas en effet. Mais c'est lui qui a demandé le divorce alors qu'elle, elle l'aime desespérement. Il y a des ellipses, on s'en aperçoit qu'en voyant leur petite fille (Drew Barrimore, premier rôle, 2 ans avant E.T !). Il veut poursuivre ses expériences. Puis il part au Mexique et teste des drogues que même Blueberry ne testerait pas parce que ça fait bien peur (et là je regrette de ne pas pouvoir prendre des captures, les scènes mêmes clippesques à cause du montage font penser à un clip de Peter Gabriel et puis il y a des choses très belles comme sa vision, alors qu'il est isolé dans le désert, de sa femme nue, dans une position allongée mais avec le buste relevé, comme un sphinx. Pas un mot, pas une parole ne se passent et Jessup s'allonge alors lentement tandis qu'un vent violent se lève pour lentement les recouvrir de sable. Dit comme ça, ça n'a l'air de rien mais cette scène, de par sa poésie et sa composition --digne d'un rêve surréaliste-- fascine comme l'ensemble de tout le film). Rentré chez lui, il créera une synthèse de ces drogues champignonneuses pour les incorporer à son caisson isolé.

Et c'est là que tout bascule lentement dans la folie noire et pure.

altereded2

Le caisson de Jessup, quasi-immergé. ça donne pas très envie de prendre des drogues, hein ? agnaaa

La folie, j'exagère. On a un film sur les drogues et avec un sujet de ce genre, autant aller jusqu'au bout, Russell s'en frotte les mains, il y va, il a des couilles et nous on tremble. Parce qu'a force de chercher une conscience primitive au plus profond de nos cellules, Jessup regresse de plus en plus à l'état de primate. Mentalement, il décriera au micro à travers son caisson, être en train de chasser une antilope puis la manger, goûtant la satisfaction totale que lui procura cet acte primaire et bestial. Puis, c'est l'état des cellules du corps humain qui iront dangeresement en arrière par la suite. Une nuit, Jessup se réveille, son bras est parcouru de fourmillements bizarres et quand il va se rafraîchir, son nez éclate en sang comme si toute sa configuration cranienne changeait brutalement. Prenant une douche, il remarquera que ses pieds ne sont plus humains mais un mixe entre l'humain et l'australopithèque (il y a toujours le gros orteil --la partie humaine-- mais un orteil écarté y a poussé par dessus !). Malaise. Puis plus rien. Des hallucinations ? Des scans de ses collègues inquiéts révèleront bien l'horrible vérité, à savoir que non, c'est bien en train d'arriver, ça bouge là dedans. Mais Jessup n'a aucun recul, il veut continuer, aller jusqu'au bout.

Un soir, sans que ses proches ne le sachent, il s'immerge dans le caisson.

C'est une main horriblement poilue et des grognements gutturaux qui le rouvriront lentement.... noes

S'il n'est pas exempt de défauts certains (le montage parfois tarabiscoté), le film fascine par son ambiance inquiétante et poétique et ne laisse personne indifférent. Grand film méconnu à redécouvrir donc.



Addendum.

Au_Dela_du_Reelfr

L'affiche française, assez fidèle.

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Des images du film qui ne rendent pas vraiment compte de ce qu'il est sauf pour deux, trois. (cliquouillez pour voir en plus grand)



(*) Je me répète aussi sans doute pour ceux qui ont parcouru mon blog de fond en comble comme l'ami Paul mais je ne considère pas Requiem for a dream comme un grand film sur la drogue. Mais un film comique à force de son sérieux de bon élève appliqué, de son grotesque, de son clippage, de sa caricature "d'honnêtes gens de l'amérique qui oulàlà, trop dure la vie, c'est sordide parfois ma bonne dame", oui par contre. Je me suis jamais autant marré devant ce film. On est à mille lieues de la claque monumentale que je m'étais prise en lisant le terrifiant festin nu de Burroughs, que j'en avais les jambes qui tremblaient en sortant du train chaque matin en allant à mon lycée et que je manquais de m'effondrer quand je ne commencais pas à être en pleurs.

 

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Commentaires
N
On m'en a parlé de ceux-là, je vais essayer un de ces jours de les voir, oui...
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P
Hum... Ca ne m'étonne pas vraiment que tu aies flashé sur les délires visionnaires d'"Altered States", Ken Russel investissant ici le genre fantastique après un cycle de biopics musicales ("Music Lovers", "Malher", "Lisztomania") dans lesquelles il a testé (avec plus ou moins de bonheur) les ultimes limites de son style qu'on pourrait qualifier de "baroque hallucinatoire".<br /> Effectivement, ceux qui ont fait l'expérience du LSD retrouveront ici, et dans la plupart des films de Russel, des sensations familières... A ce titre, Russell est un cinéaste très intéressant à approfondir, ne reculant devant aucune vision ni audace visionnaire, quitte à se casser parfois la gueule... Si ce n'est déjà fait, je te recommande chaudement ses deux chefs-d'oeuvres: "Les Diables" et "Love".
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N
Bonne année à vous deux ! ^^
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E
Salut, je tiens à te souhaiter une bonne année 2009 et à te présenter mes meilleurs voeux!
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P
"pour ceux qui ont parcouru mon blog de fond en comble comme l'ami Paul" xD<br /> <br /> Ce film m'a l'air pas mal ceci dit.<br /> Et faudrait que je lise Le Festin Nu (et que je vois le film de Cronenberg :D )<br /> Et je suis d'accord pour dire que Requiem fir a dream, c'est naze, voilà.
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