Le vase de sable (Nomura - 1974)
Au début des années 70, l'inspecteur Imanishi enquête sur le meurtre d'un homme dont on ignore l'identité. L'unique indice qui va aiguiller notre enquêteur et son jeune adjoint, c'est le mot "Kameda", prononcé dans un bar (entendu par une hôtesse), avec un fort accent du Nord. S'agit-il d'un lieu ? D'une ville ? D'une personne ? L'enquête s'annonce des plus ardues...
Nomura, encore ! Et non, je ne suis pas parraîné par Wild Side et la Fnac au passage.
Le vase de sable (ou Sand castle plus logiquement) a semble-t-il été l'un des plus gros succès du box-office nippon durant les années 70 mais restait encore inconnu jusqu'a aujourd'hui dans nos contrées. Ce qui, au vu de ce remarquable film alternant policier et drame est tout bonnement incompréhensible. Car je me range aux côtés de ceux qui chantent ses louanges. Pour un peu, on tenait presqu'un chef d'oeuvre (quelques longueurs et trop d'informations livrées au spectateur au milieu du film risquent de le perdre), en l'état, c'est un très grand film. Démarrant par une enquête presque banale dans sa première heure, le réalisateur (qui adapte tout comme pour L'été du démon, le romancier japonais Seichô Matsumoto) montre minutieusement le cheminement retranscrit par les enquêteurs pour arriver à leurs fins.
Cette première partie du film qui m'a un peu fait penser à Entre le ciel et l'enfer d'Akira Kurosawa (et pas que parce que Nomura a été son assistant) se montre peu avare en détails et opérations prodiguées par les inspecteurs. Parfois même, c'est l'intuition ou le hasard qui font avancer l'enquête tel ce sublime passage esthétique où une jeune femme laisse tomber par la fenêtre d'un train autant de petits flocons de tissu... qui se révèlent en fait la chemise du meurtrier. Tâchée de sang, il lui fallait s'en débarasser, mais pas par lui-même, cela l'aurait facilement inculpé. Non, par sa maîtresse.
On pourrait penser que l'enquête s'avèrerait retorse mais pas du tout puisque le nom du coupable et ce qu'il est sont livrés au milieu du film tant par les inspecteurs que le spectateur un tant soit peu ingénieux. Reste à déterminer le mobile qui a poussé à l'acte et c'est là que bascule la seconde partie du film dans le drame flamboyant, le mélodrame génial et bouleversant sans que jamais cela ne remette en cause l'aspect policier du film ou le rythme et la tenue du film dans son ensemble.
Et toute cette seconde partie s'avère un flashback immense dans le passé, dans un Japon au sortir de la seconde guerre mondiale, dans les années d'après guerre, où il fallait survivre comme on le pouvait. Adroitement Nomura finit par mêler questionnement sur l'Art et le prix du sacrifice exigé en lieu et place de l'histoire de vies qui s'entrecroisent, se bousculent, s'éliminent, afin de survivre, de continuer à vivre, de trouver l'inspiration. Impossible de ne pas être retourné en larmes par la fin, humaniste et intelligente au possible, monument de sensibilité auquel même les plus endurcis ne pourront échapper.
Le vase de sable, tout comme l'été du démon est un film magnifique, l'un des plus beaux du cinéma japonais des années 70.