Animatrix (2)
Program
Ah ! Le voilà mon préféré, enfin l'un de mes préférés. Esthétiquement poussé dans une esthétique d'estampe sur le fond (on croirait l'épure des décors et des couleurs parfois sorties de chez un Gendy Tartakovsky) avec des dessins stylisés de Kawajiri (j'avais parlé du fascinant Ninja Scroll d'ailleurs en ce blog), on retrouve ce dernier à la réalisation et, cela n'est donc pas étonnant, des combats incroyablement maîtrisés et fluides. Dans son histoire, il est aussi intéressant que le réalisateur prenne le temps de développer ce qui n'est qu'un point de détail dans l'univers Matrix : la simulation.
Rappelez-vous, dans le premier Matrix, on enseigne à Neo une première fois les dangers de ce monde virtuel. C'est alors une simulation virtuelle, malléable à souhait qui permettait déjà de tester les limites du possible comme préfiguration à la fameuse matrice. Ici, un programme de simulation bloqué sur un Japon antique stylisé permet de revenir sur le conflit du choix entre le retour à la matrice ou rester avec la résistance. Simple mais traité avec une élégance fabuleuse qui permet de rester dans le cadre de cet univers tout en s'écartant. D'ailleurs, à partir de cet épisode, le scénario n'est plus signé par les Wachowski, une impression de liberté presque totale va commencer à planer.
Record du monde.
Encore un épisode où Kawajiri pose son style si reconnaissable même si ce n'est plus lui le réal ici aux commandes. Comme avec l'histoire du kid, une histoire presque banale où là aussi, un être humain arrive à sortir de la matrice par ses propres moyens (bon alors pourquoi l'Elu, Neo, il est obligé de se shooter aux médocs à la Lewis Caroll hein ? Tss, tss). Mais ici, c'est un surhomme qui décide de tester ses propres limites, et là aussi un point de détail intéressant, de tester les limites même de la matrice, cette dernière n'étant pas programmée apparemment pour qu'un certain seuil (ici une vitesse-record du monde posée comme frontière) soit dépassable. Tout l'épisode frôle la déformation, la transformation sous la course, ici ralentie comparée à la vitesse perceptible chez le kid, jusqu'à la caricature. On vise la démesure, l'excès, et ça en devient jouissif (oui, le mot est plus qu'utilisé de nos jours j'en suis désolé, ahem). Le visage se tord, les couleurs déjà primaires visent au dégradés, les personnages et leurs ombrages façon Sin City (la BD) auquel on aurait ajouté quelques teintes se simplifient, les agents de la Matrix sont représentés presque comme d'impitoyables predateurs, des sortes de vampires aux pouvoirs immortels (et quand on sait que les machines aspirent l'énergie humaine dans le monde de la matrice, c'est bien vu). Pour un peu, on frôlerait le génial.
Au-delà.
Au-delà (Beyond, pourtant un titre à la Lucio Fulci) est sans doute le plus beau graphiquement, le plus coloré et... le plus doux et tendre, presque amer (avec Matriculated). A la fois exercice de style comme vraie histoire, il pose la question inédite d'un bug même au sein de la matrice (dans le premier Matrix, c'était une reconfiguration du décor qui arrivait inopinément et instantanément dans ce même décor, recréant un répétition minime), là aussi développé pour devenir un vrai sujet. Ici le bug ne peut être reconfiguré de lui-même et ce sera toute une équipe qui devra investir le lieu-même, une maison abandonnée.
Maison devenue "la maison hantée" pour des gamins traînants, trop contents de pouvoir profiter des bugs de la matrice pour éprouver la gravité, la vitesse, la distortion temporelle et climatique (il pleut dans la maison à un moment comme dans un film de Tarkovski). Un lieu où chercher son chat trop curieux pour une jeune fille qui va, l'espace d'un moment entrouvrir une porte étrange basculant sur... du vide. Un vide qui lui renvoie sa propre conscience et possiblement une sorte de probable sortie à la matrice elle-même. Sans doute l'un des meilleurs moments des animatrix même si l'épisode ne fait pas partie de mes préférés. Mais il y a là quelque chose à creuser, c'est sûr.
Suite et fin au prochain post.