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Chroniques visuelles
15 janvier 2012

Si vous vous Cabret trop, utilisez les pansements Hugo.

 

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Ce jeu de mot magnifiquement nul était inévitable tant il a trotté dans ma tête depuis un moment.

J'aurais dû mettre Hugo Cabret dans mon top de fin d'année tant sa simplicité et son amour de la cinéphilie (comme souvent chez Scorsese mais ici c'est carrément ze gross déclaration) débordent de toutes part pour m'atteindre finalement en plein coeur. Car je ne le cache pas, j'ai adoré Hugo Cabret. Le style visuel, doux et éthéré; les acteurs tous au diapason (on a envie de serrer dans ses bras le jeune Asa Butterfield, que Chloë Grace-Moretz soit --une fois de plus après Kick Ass-- notre petite soeur idéale, que Jude Law soit toujours là pour nous protéger, que Ben Kingsley se mette à tourner des films...); l'hommage au cinéma muet (de Méliès of course mais aussi Chaplin, Lloyd et tant d'autres) mais aussi à une Paris idéalisée qui est autant symbolisée par sa gare Montparnasse à la fois réelle comme fantasmée (où Scorsese rejoue le grand déraillement du train qui ravala sa façade en 1895) que ses rues qui bien souvent, par le biais de l'imaginaire d'Hugo deviennent autant de rouages et de veines où la lumière (l'électricité comme la symbolisation de l'invention, de la magie des premiers temps) révèle tout.

 

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Ma plus grosse crainte, c'était la 3D. Comment Scorsese allait-il faire pour adapter le roman graphique (sublime) de Brian Selznick en en faisant pas qu'une simple illustration ? Comment tirer parti d'un moyen qui continue encore bien souvent de se révéler gadget entre les mains d'autres ? La 3D avouait judicieusement Herzog aux cahiers du cinéma lors de la sortie de son film La grotte des rêves perdus, il faut la penser. Simple comme tout, mais encore faut-il justement accorder du temps à cette pensée dans un monde où tout va dorénavant très vite. Trop vite. A ce jour curieusement (c'est un avis subjectif mais je pense que d'autres l'approuveront sûrement), seuls une poignée d'auteurs de cinéma s'y est frotté et y a réussi. Cameron, Wenders, Herzog... Finalement Scorsese comprend comme les autres le bénéfice de la profondeur qu'on peut en tirer (plan-séquence hallucinant qui rentre dans la gare par l'extérieur --de là où partent les trains-- avant de longer les quais en ligne droite, frontalement jusqu'à arriver à Hugo) sans chercher à vouloir en faire trop (le bidule qui vous rentre dans la gueule).

 

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Visiblement le film divise pas mal les cinéphiles une fois de plus, comme toute la production Scorsesienne des années 2000 au fond, depuis le grand tournant de Gangs of New-York. Et au fond c'est bien compréhensible si l'on y regarde de plus près. Déjà, a y regarder de plus près, le chemin de l'ami Martin prend des voies ouvertes et constamment surprenantes, en mutation depuis une décennie. Déjà, Gangs of New-York, fresque ambitieuse, grand film malade pour les uns, chef d'oeuvre pour les autres, irruption de Di Caprio nouveau comédien fétiche du cinéaste reconnue par tous. Un Di Caprio qui va grandir et muter au rythme de son parcours Scosesien avec Aviator peu après. Aviator, un biopic déguisé d'Howard Hugues. Scorsese aime les bipics, ce n'est pas nouveau, même s'il dépasse l'aspect purement bio (Aviator, c'est pas Ray hein) pour constamment bâtir une fiction démesurée dont il a le secret. Kundun aussi était un biopic déguisé. Et n'oublions pas La dernière tentation du Christ et Raging Bull, qui ne cachaient nullement leurs atours. Puis les Infiltrés. Un énième film de gangster Scorsesien. Un remake surtout à la base, nuance qui ne cache pas l'intérêt cinéphilique de son réalisateur pour tous les cinéma (voir ses documentaires sur le cinéma italien et le cinéma américain) et la volonté de recréer intelligemment, de partir d'une base existante qu'on va remodeler profondément. Shutter Island et Hugo Cabret partent aussi de bases existantes puisque tirés de romans. A nouveau la volonté de rester fidèle tout en se démarquant. Et surprendre une fois de plus car ici, nous ne retrouvons pas Di Caprio, preuve s'il en est que Scorsese ne se contente pas d'univers figé dans ses propres marques.

 

Et puis la cinéphilie parlons-on. Parfois j'aurais envie de caillasser moi-même les fans pour leur intolérance vis à vis d'un créateur quand il décide de ne pas répondre à leurs exigences et fausses attentes. Je connais, j'ai failli moi-même me caillasser quand j'ai vu le tournant qu'a opéré David Cronenberg à la fin des années 90. Avant d'évoluer et curieusement, d'appréhender beaucoup plus son cinéma. Scorsese n'a sans doute plus envie de faire un énième film de gangster, qui sait ? D'ailleurs il s'occupe déjà de la série Boardwalk empire (avec des gangsters, haha. Surprise) et il semble le faire très bien. Les reproches qu'on pourrait ensuite faire au film même en étant un cinéphile ouvert et dont Scorsese ne figure pas parmi les mentors à admirer (je me cite, Scorsese ne figure pas dans mes cinéastes préférés, eh oui ! Non, lâchez ce cageot de tomates avariées voulez-vous) : la lenteur et le manque de rythme, le fait qu'il ne se passe pas grand chose apparemment, que les personnages pourraient être ternes... 

 

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Mais bon sang, tout cela participe à l'ambiance et l'appréciation du film. Evidemment c'est subjectif mais quand on connaît la cinéphilie de Scorsese (notamment envers Antonioni ou Fellini, voir son voyage en Italie, magique), on sait qu'il va pas faire un film à 100 à l'heure. Scorsese est de l'ancienne école et comme les plus grands, il n'a rien à prouver. Le manque de rythme ? Si ce n'est au cinéaste on doit l'imputer au roman alors. Perso je n'y ai pas vu de manque de rythme ou de passage à vide mais un approfondissement des personnages qui prend le temps de dévoiler leur psychologie. Vous savez, ce truc qui manque à de nombreux films de nos jours, des personnages bien construits, touchants, humains. Et les émerveillements et joies de Hugo et d'Isabelle ont étés les miens. J'aime beaucoup le cinéma muet et j'y vois une source inaltérable de magie et de choses à découvrir, alors c'est un bonheur de voir Scorsese faire figurer dans son Hugo beaucoup d'extraits en tous genres, même des premiers temps (comme ce film muet où un homme avec son revolver tire sur vous, culte... quand on est un cinéphile connaisseur néanmoins). Et puis surtout du Méliès.

 

J'ai découvert Méliès en même temps que Chaplin, très tôt, en VHS quand ça ne passait pas à la télé sur FR3, France 3 en même temps que les Tex Avery. Soit le matin, soit le soir. Puis ma grand-mère a eu les Temps modernes en K7. Et Le Dictateur. Qu'est-ce que j'ai pu les voir étant gosse ces films. J'ai limite cru que le cinéma muet ne se limitait qu'a cela. Avant de me recevoir des coups en pleine gueule avec Lang et Murnau par exemple. Le succès d'un The Artist prouve qu'au délà du défi technique d'aujourd'hui (comme faire un film en couleur ou parlant devait être quelque chose d'incroyable et anachronique dans la première période du cinéma), on semble peut-être rechercher consciemment ou inconsciemment encore un peu de ce patrimoine du passé. Et ce passé, pour moi Scorsese l'a fait jaillir avec une incroyable douceur et humilité.

Hugo Cabret est le plus beau dernier film de 2011. Ou le premier grand film de 2012. 

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