- Un film de John Carpenter (2010).
- The ward sur Cinetrafic.
- Distribué par la Metropolitan Filmexport.
- Sortie en dvd le 1er février.
En 1966, dans l'Oregon, Kristen est arrêtée par la police après avoir mis le feu à une ferme. Murée dans un état de stupeur, le corps couvert d'ecchymoses et incapable d'avoir le moindre souvenir de ce qu'il s'est passé, Kristen est enfermée dans un hôpital psychiatrique pour jeunes filles. Au sein de l'institution, les autres détenues : Emily, Sarah, Zoey et Iris, vivent toutes dans la terreur d'un fantôme qui aurait été vu la nuit dans les couloirs. Kristen, qui est bien décidée à s'échapper, n'y prête aucune attention mais va bientôt comprendre que la créature qui hante l'institution détient peut-être la clé pour comprendre son passé...
Un film de Carpenter est toujours un évènement en soi, même pour un petit film considéré comme mineur. De fait, les cinéphiles nourrissent toujours les plus vives attentes auprès d'un cinéaste avec lequel ils ont vécu le plus souvent. Pourtant dans mon cas, croyant le réalisateur définitivement rangé, je n'attendais plus grand chose de Carpenter et ne nourrissait aucune attente spéciale. J'avais adoré Ghosts of mars, y voyant à nouveau une preuve de la fougue de Big John à travers une pure série B de SF décomplexée mais voilà, ça remonte à un certain temps (2001). Une décennie quasiment. Puis John réapparaît, livre des petites broutilles plus ou moins sympathiques dans la série Masters of horrors, redisparaît... Puis voilà que The ward arrive, un peu issu des limbes alors que je n'y croyais plus.
Avant de commencer, faisons un petit apparté sur Big John. Les cinéphiles le savent, son cinéma propose constamment des personnages rebelles et en marge de la société et de ses lois. Snake Plisken par deux fois essayait d'éviter les corvées d'un régime dictatorial pour finir par le court-circuiter plus ou moins largement (surtout très largement on dira même pour Los Angeles 2013). Jack Crow n'était pas spécialement un personnage tendre et sa dégaine comme son équipe de chasseurs de vampires dans le film éponyme avaient tôt fait d'en faire presque un chef de bikers. Sans oublier Invasion Los Angeles et son pamphlet contre la société de consommation, la flic junkie et le black gangster de Ghosts of mars (qui rejouent une sorte de remake SF d'Assaut --avec alliance forcée face à un ennemi en surnombre qui les accule)...
Bon on va pas tous les citer non plus. Toujours est-il que, suivant cette thématique chère à l'auteur, il n'est pas étonnant de voir ce qui a pu intéresser le réalisateur dans un script pourtant moyen (on va y venir). La dernière fois qu'on avait vu un hôpital psychiatrique chez Carpenter, c'était pour y voir un Sam Neill complètement à l'ouest dans l'Antre de la folie assister à la fin du monde (1994). Notre bon vieux John Trent (!) s'imposait comme personnage rebelle au début du film, dans le sens de celui qui se révolte contre la croyance populaire, l'effet de masse, avouant n'avoir jamais lu un des livres de Sutter Cane, considérant ça avec plus ou moins de mépris comme de la littérature bon marché. A la fin du film il devenait un second rebelle dans le sens d'unique survivant à lutter et échouer vainement de plus en plus contre l'invasion de la fiction de Cane. L'unique homme encore sensé et à l'abri en Amérique était juste bon à être interné, jugé fou alors qu'il n'était que prophète.
The ward est tout autre et sur de nombreux point puisqu'on assiste pas à la fin d'un monde mais à celle de la psychée d'une patiente mais pas que. Là aussi une personne jugée différente et internée plus ou moins pour le bien d'une société qui tourne bien mauvaise ou du moins pourra-t-on le penser. Et là aussi quelqu'un qui essaye de se rebeller contre le système et les normes (ici, l'hôpital psychiatrique et ses "geoliers"). Mais voilà, plus de jeu sur la fiction propre à théoriser ici (tiens pour simple info, l'asile de L'Antre de la folie n'en était pas un, ce qui n'est pas le cas ici, c'est un authentique service de psychiatrie où tout un étage a été mis quasiment au service du réalisateur), place à un script tombant par trop dans la facilité.
Après un générique sublime (les 4 premières captures que je ne résiste pas à vous mettre) et une première partie posant agréablement les bases, le film s'englue un peu dans un film d'horreur déjà vu et revu maintes fois jusqu'à justifier ses petites incohérences et lourdeurs (il y a de l'orage quasiment tous les soirs, cliché mode repéré, hohoho) par le twist final auquel on pourra adhérer ou non. Personnellement ça ne m'a pas gêné (j'y ai vu presqu'un clin d'oeil à la fin de Prince des ténèbres) et ça colle assez bien avec l'ambiance et l'état d'esprit "bouh, fais mois peur" mais fallait-il passer par ce qui a précédé ?
Parce que le film n'est pas spécialement mauvais. Même que sans être fabuleux, on passe sur l'instant un bon moment. Car derrière un script revu maintes fois un peu partout (le producteur dit que c'est Les autres d'Amenabar qui lui a donné envie de produire The ward. J'ai souri, j'avoue) et la volonté de Carpenter de faire un simple petit film d'horreur (citons les mots du maître lui-même dans la présentation de son film en bonus : "Un film old school par un réalisateur old school". Derrière ça, on sent un réalisateur qui n'apprécie pas spécifiquement les films horrifiques récents du type de Saw ou Hostel --confirmé à demi-mots par le producteur au passage-- et voudrait finir tranquillement sa carrière en se faisant plaisir avec des petits films. Une sorte d'invitation voilée au spectateur à sans doute faire le deuil d'une période d'âge d'or du fantastique/horrifique que John doit lui aussi pas mal regretter), la mise en scène reste sublime et des plus soignées.
Je ne dirais pas que je me suis raccroché à la mise en scène du réalisateur tellement le script en faisait parfois un peu des caisses mais j'ai été agréablement étonné que sur ce point, le maître n'était pas prêt à être enterré tout de suite. Travellings somptueux, jeu sur la suggestion (on voit pas trop de scènes sanglantes dans The ward, excepté une tentative de suicide qui tourne très mal et rappelle que comme pour Ghosts of mars, John peut parfois s'en donner méchamment à coeur dans l'hémoglobine), cadrages parfois de toute beauté, montage son/images aux petits oignons, fondus-enchaînés (hop juste au dessus, la façade de l'asile en contreplongée --je pense à l'église byzantine de L'antre de la folie un instant avec ce genre de plan, tiens-- en pleine nuit qui enchaîne avec le plan au petit matin dans la cellule d'une Kristen un peu K.O. Fondus-enchaînés liées là aussi à l'enrobage et la mise en scène du script en y repensant) le cinéaste se permettant même de petites expérimentations visuelles (quand Kristen a pris une piqûre, des électrochocs ou des cachets, l'image se trouble comme "cryptée" ... ou bien le plafond que voit Kristen sur sa civière est comme dilué et trouble) plus ou moins réussies.
En définitive, The ward n'est pas mauvais, au contraire, c'est pas mal et ça se laisse même très bien regarder (mention spéciale au casting féminin et à une Amber Heart qui porte son rôle avec beaucoup de conviction). Seulement c'est un film mineur dans une filmographie n'en comptant pas spécialement beaucoup (de mon point de vue) et l'on attendra toujours un peu plus de l'ami John. Un bon film du samedi soir donc, comme son réalisateur le voulait mais bon, John, la prochaine fois, accepte un meilleur scénario si possible. J'aimerais que tu puisses finir ta carrière sur un grand truc. Est-ce trop demander ?
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Un petit mot sur les bonux. Peu de bonus pour un petit film comme ça (au passage merci à Metropolitan pour l'image soignée du dvd, de toute beauté) mais heureusement de petites choses à se mettre sous la dent. Le making-of n'apprendra pas spécialement grand chose si ce n'est qu'on a un aperçu des méthodes de travail de Carpenter qui fonctionne en fragmentant son travail. Carpenter, fan caché de Bresson ? Que nenni mes amis, du moins pas encore. Ah oui, lui et son producteur sont très rouges alors que le reste de l'équipe a sans doute pensé à se mettre à l'ombre quand le soleil tapait fort. La présentation du film lors d'un festival, bonus très court s'avère plus intéressante car elle permet de renouer avec l'humour pince-sans-rire du réal. Sinon il y a un commentaire audio qui peut sans doute s'avérer des plus intéressants (celui de Ghosts of mars était à prendre au 30e degré quasiment). A tenter un soir donc...
Merci à Cinetrafic, la Metropolitan Filmexport et l'opération DVDTrafic pour le dvd !
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