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Chroniques visuelles
8 août 2012

Et pour quelques Marker de plus...

Comme je l'avais laissé entendre ici, un peu de Chris Marker encore en rab, que je sors de mes souliers...

 

 

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Chats perchés (Chris Marker - 2004).

Image Image



Le cinéaste (écrivain, résistant, documentariste, poète, voyageur, explorateur du web... et j'en passe), se proposait d'évoquer à la fois un étrange chat jaune souriant et omniprésent sur les murs tout en dévoilant deux à trois années assez chargées en France. Manifestations (anti-Raffarin, pro-Raffarin, sans-papiers, guerre en Irak et mensonges de Bush et la clique Blair and co --note pour moi-même, c'est fou ce qu'on manifeste en France:mrgreen: ), disparitions (Schwartzenberg mais surtout Marie Trintignant où Marker ne juge jamais Bertrant Cantat, tout au plus constate t-il désolé la tragédie), une tendresse toujours actuelle pour les matous (même, surtout, ceux en graffitis, de Mr.Chat mais aussi un petit chat dans le métro "qui promène son humaine") mais aussi la jeunesse, en passant par un lynchage rapide de l'équipe de France ("11 milliardaires qui tapent sur une balle", phrase appelée à devenir culte), toujours dans ce style qui alternes idées et faits. On sent un ton toujours aussi précis et acéré même si, surprise, la voix s'efface devant des cartons très Godardiens. Ce qui n'empêche pas la concision brillante des tournures. Si l'ensemble a parfois quelques longueurs, il demeure que cette "synthèse" du début des années 2000 sur le monde (même si l'on parle essentiellement de la France) reste toujours passionnante, caustique et drôle.
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Level Five (Chris Marker - 1997).


"Un jour je donnerai à Chris tout ça (...). On verra bien ce qu'il en fera lui, l'as du montage !"
(Catherine Belkhodja dans Level Five)


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D'emblée, Level Five se pose comme un défi et une réflexion, à la fois sur l'Histoire (on prend le point de départ d'un curieux jeu vidéo sur la Bataille d'Okinawa pour entrer dans d'étranges méandres) et la technologie (à travers l'idée même d'un jeu vidéo à plusieurs niveaux --levels--, Marker fait un parallèle saisissant et avant-gardiste avec le monde et une nouvelle fois, le Japon, pays qui semble le fasciner autant que la Russie). Le film/documentaire --à l'instar des niveaux, on navigue entre un mélange des genres, une confusion savamment entretenue qui passe autant par la narratrice/héroïne qui raconte son histoire (elle se lance dans le jeu vidéo suite à la mort de son mari, espérant trouver des réponses. On a connu des deuils qui prenaient des chemins de traverse autrement moins complexes il est vrai) que l'Histoire elle-même (des détails sont livrés, abondant sur la bataille d'Okinawa. Lettres d'Iwo Jima, c'est presque mignon à côté j'aurais envie de dire...) ou un portrait en creux de Chris Marker (qui parle pour la première fois à l'écran (2) !)-- anticipe même sur l'internet naissant en proposant le concept du OWL (Optional World Link) (1).
L'OWL, basé sur l'idée de réseau tel que William Gibson l'énonce dans son Neuromancien et que Marker cite même explicitement dans le film tient à la fois d'une sorte de gigantesque "chat" de conversation du net en direct comme d'un prémisse-même d'internet. Pour surfer dessus, pas forcément besoin d'un pseudo, mieux vaut prendre un "masque", se bâtir une autre identité. Et puis il y a les niveaux qui correspondent autant à un mode de vie qu'une éthique morale et spirituelle, comme une communauté avec ses grades sur le réseau OWL, comme un forum Classik avec ses modérateurs, ses administrateurs, ses forumeurs... Avec en toile de fond inquiétante, cette question au délà de la considération spirituelle : "Rien n'atteint le level 5. Faut-il être mort pour atteindre le level 5 ?" (3)


Level five s'avère une somme aussi importante que Sans Soleil, le chef d'oeuvre de Chris Marker. Mais aussi, avec La Jetée, il s'agit sans doute du film le plus étrange et noir, désespéré et pessimiste sur la disparition et la mort. Un grand film donc ? Non, hélas et ce pour quelques défauts mineur qui pourtant entravent grandement le film. Aussi prophétique et riche soit-il, on échappe pas à des bidouillages d'images et d'expérimentations vidéos qui, si elles passaient adroitement dans Sans Soleil (elles étaient justifiées au nom, et de la technologie nouvelle, et, d'un hommage sensé aux connections que créent le cinéma. Dans Sans Soleil, les bidouillages informatisées étaient une manière d'évoquer une nouvelle zone à la Tarkovski, une zone tournée vers le futur où chacun pouvait penser accéder un jour prochain), font grandement tache ici, vieillissent mal.
On sent bien sûr le besoin de Marker d'essayer d'aérer son récit morbide (des japonaises qui se jettent dans les ravins filmées par la caméra en parallèle avec le premier homme qui va tenter de voler du premier étage de la tour Eiffel au début du 20e siècle avec ce regard vers la caméra de celui qui sait qu'il va mourir, que le pari est impossible mais qu'il faut le tenter pour le second comme la première, histoire d'honneur, d'humilité, de valeurs alors impossibles actuellement. Sans compter les soldats qui brûlent les grottes où se sont réfugiés les japonais ou cet homme en feu filmé en document d'époque et que L'Histoire ne juge pas de préciser qu'en fait il a survécu, ce que Marker explique posément...), mais rien à faire. Même si Level five reste une fiction riche et qui frappe là où il faut, le fait d'aller dans toutes les directions au travers de petits bidouillages ne le dessert pas forcément au mieux. Un grand Marker toutefois il faut le préciser.








(1) OWL, la chouette. L'un des deux animaux préférés de Marker avec le chat.
(2) En 1997, il avait donc 76 ans (né en 1921) et malgré la voix éraillée d'outre-tombe qui surprend, il n'en garde pas moins sa tête et son intelligence géniale sur les épaules. 8) 
(3) En me relisant je m'aperçois que Marker fait aussi un clin d'oeil caché à un autre réseau, celui de Vidéodromeautre avatar d'une nouvelle technologie bien plus en margeet anticipe du coup d'un certain Avalon de Mamoru Oshii, même si ce dernier est aussi une porte ouverte vers le Stalker de Tarkovski. Connections, connections... on y reviendra prochainement...Un jour ou un autre...

 

 

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Commentaires
N
Ah ? Maïwenn et Isild Le Besco chez Marker ? J'avais jamais vu ça... o_O
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B
Critique qui me donne bien envie de découvrir le film, d'autant, si je ne m'abuse, je n'ai jamais vu la mère de Maïwenn et Isild Le Besco dans un film.
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N
Hello Dasola,<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne sais pas si ça se mérite... Je suis habitué à voir des films de ce genre de cinéaste depuis tout jeune. Question de regard je suppose. J'ai plus l'impression avec la foule de remake ou de blockbusters sans compter les reboots qu'on encourage plus le public de nos jours à un cinéma plus facile d'accès mais dans le mauvais sens du terme. Ce n'est pas de l'élitisme, juste une question de proposer du grand spectacle qui continue d'allier action et réflexion, ce que le batman de Nolan fait admirablement. Donc... je ne sais pas... :D<br /> <br /> <br /> <br /> En revanche, je regrette que peu d'oeuvres du bonhomme soient disponibles en dvd. Une perte pour le monde du cinéma et de la culture en général...
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D
Bonjour Nio, bel hommage à Chris Marker. J'ai vu Level 5 quand il est sorti. Ce fut une expérience que je ne regrette pas. C'est un cinéma qui se mérite quand même. Bonne journée.
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