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Chroniques visuelles
17 janvier 2013

La petite Agnès Varda est grande (4).

 

7p., cuis., s. de b., ... à saisir (1984).

 

essai1

essai2

 

Sur le DVD des court-métrages d'Agnès Varda il y a un court (28 minutes) bien à part qui fait vraiment ovni. Le bidule est bien justement prénommé non pas de son titre issu d'une annonce immobilière (qui finalement résume bien l'objet) mais "l'essai". Un peu comme un artefact top secret qu'on aurait rangé au rebut, en cachette pour ne pas effrayer. Et il faut dire qu'on entre effectivement dans un autre univers où la découverte de ce qui semble un hopital abandonné donne à la Agnès plein d'idées qui vont dans tous les sens.

Il y a donc à la fois une voix-off, des acteurs qui incarnent une famille et cette idée de redonner sens et vie à un lieu (à la fois imaginaire comme réel). Et puis le temps qui s'écoule, inexorablement. La cinéaste crée donc la naissance du lieu en y mettant une petite famille qui vient d'aménager. Le père, bourgeois et borné, médecin réputé gagne bien sa vie. Tout ce petit monde grandit, les moustaches et cheveux blancs se développent, les marmots en plus s'additionnent, les servantes et bonnes se succèdent (avec une Yolande Moreau dont la présence réjouit). Et rapidement à l'emprise que le patriarche forme sur ses enfants devenus ados s'ajoute l'emprise et le malaise d'un lieu qu'on a jamais quitté, qui semble presque se détraquer lentement ("l'épilogue" montrera certaines pièces envahies de moisissure, plumes, poussières comme issues d'une autre dimension). Dans ce climat, seule l'aînée se rebelle contre le papa, les frangins, ambigüs, inquiets et peureux en faisant le moins possible.

 

essai3

essai4

 

C'est une expérience un peu à part qu'il est difficile de décrire. Les influences semblent fourmiller de partout et pourtant l'ensemble reste "cohérent". A un générique (d'ouverture ou de fermeture déjà ?) complètement godardien (plan fixe des portes du lieu et une voix-off qui énonce les techniciens), on navigue ensuite dans une bizarrerie qui rappelle presque le cinéma tchèque avec cette très belle image de mannequins féminins aux yeux fermés qui dorment : la poitrine articulée par un jeu de mécanisme se soulève et retombe lentement comme au rythme d'une respiration paisible dans le sommeil. Sans oublier les arrières-plans, le décor, d'autres marionettes. Et puis la grosse servante ou bien la Moreau qui fait la cuisine, fûme, cuisine des oeufs en crachant allègrement dedans pour que ce soit bien visqueux parce que "le patron il aime bien quand c'est liquide comme ça". Fellini n'est pas loin. On navigue souvent dans le surréalisme. Les lieux eux-mêmes semblent se doter d'une mémoire (en surimpression, des images des "anciens pensionnaires" qui évoquent des souvenirs heureux), traversés de fantômes. Quelque chose d'intemporel.

Un ovni, un bidule, un essai quoi.

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