Le quatrième pouvoir
Paul Jensen, journaliste, quitte Berlin pour Moscou où un poste l’attend au sein d’un tabloïd russe. Là-bas, il va faire une rencontre surprenante, celle de Katja, une jeune moscovite qui lui propose de diriger une rubrique dans son propre magazine. Cette proposition va entraîner des événements étranges dans la vie de Paul. Accusé de complicité de terrorisme, il tombe dans un engrenage sans fin…
Dennis Gansel semble passionné par le thème du pouvoir qu'il me semble creuser tranquillement de film en film. La vague déjà abordait ce thème en traitant du danger d'une autocratie qui résonait comme un constat d'un passé dangereusement brûlant et toujours aussi tentant pour les apprentis dictateurs actuels et je suppose qu'on doit retrouver une idée de domination/soumission à une puissance établie (et plus proche du surnaturel) avec les femmes vampires de Nous sommes la nuit. Je tiens à noter d'ailleurs que le titre français "le quatrième pouvoir" est bien plus juste que son titre original, Die vierte macht qui signifie Le quatrième état, soit comme nous le découvrons dans le film, la puissance des services secrets russes, tentaculaires, quasi-invisibles et pourtant bien là, à la censure d'une bonne partie des libertés. Mais comme je l'écris, les services secrets ne sont pas le thème principal du film et Gansel ne cherche pas tant à l'exploiter qu'à le faire entrer en résonnance avec l'histoire en en faisant une toile de fond... sacrément inquiétante.
Du coup, une fois dévoilé le thème central du film, aussi mince que celui de The ghost writer et pourtant aussi vital que celui-ci, à l'instar du film de Polanski, une paranoïa s'installe, avec des moments de tension parfois assez tendus (la fin) et si Gansel n'atteint pas encore l'Art de son maître, il réussit à installer une ambiance assez prenante avec presque rien. Très peu de scènes d'action ainsi dans le film (mais assez bien foutues) mais des regards, des sous-entendus qui en disent long et installent un malaise constant. Avec peu de moyens, le cinéaste adopte sur place un système D pour filmer à la sauvette en haute définition ces comédiens (ayant décrêté aux autorités comme il le dit dans le making-of, qu'ils filmaient une histoire d'amour !), s'introduisant parfois dans certains bâtiments quand les concierges et gardiens ont le dos tournés pour voler des plans quand ils ne reconstituent pas une partie de Moscou en Allemagne dans des quartiers de Berlin ayant gardé la froide architecture communiste. Le résultat est assez bluffant et témoigne d'un certain savoir-faire. Pas de doute, même s'ils ne signent pas un grand film, Gansel et son équipe sont sacrément doués.
Si Moritz Bleibtreu m'a semblé un peu buté et possédant un jeu pas assez développé à mon goût et sans doute le fait que l'histoire suive plus ces pas qu'elle ne s'attache à retranscrire l'enquête sur laquelle son père et lui travaillaient (encore un film que je visionne sur les problématiques relations père-fils. Dois-je y voir un message ?), j'ai vraiment apprécié la présence du vétéran Rade Serbedzija (on le voit partout dans plein de seconds rôles de X-men le commencement à Eyes wide shut en passant par Batman Begins, c'est fou. Et on ne le reconnait pratiquement jamais tout de suite) ainsi que la belle Kasya Smutniak (d'origine polonaise) qui délivre les scènes les plus belles et touchantes, semblant porter l'âme russe du film sur ses épaules.
Au final, un film plus qu'intéressant, recommandé, passionnant et assez prenant pour l'ambiance qu'il met en place, sans doute pas si éloignée de ce qui peut sans doute se tramer en Russie même si le film indique se baser sur des faits fictifs. Sans doute pour mieux se protéger et dénoncer en parallèle le quotidien des journalistes dans l'actuelle Russie.
- Disponible en DVD, Blu-ray, et bipack depuis le 18 février 2013. Distribué par BAC films.
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Dans les bonus, BAC films nous délivre un chouette making-of fait maison lancé himself par un Gansel hilare qui se lave d'emblée les dents en pleine campagne allemande face caméra. Et cela fait rudement plaisir car le bonhomme, d'un naturel joyeux et communicatif nous décrit bien plus efficacement que le module "les dessous du tournage" avec une énergie et une bonne humeur constante, revenant avec bonheur sur toute la création du film à la première allemande... avant de finir épuisé dans son lit en smoking, coupant la caméra et nous disant au revoir ! Rien que ça me donne envie de voir ses autres films, j'aime ces modules pas prises de tête et où l'on sent la sincérité d'un travail effectué avec passion. "La fin alternative" introduit une note plus sombre et triste, comme si tout devait se finir abruptement. Une fin possible tout compte fait, aussi réaliste malheureusement que la fin du film. Enfin 3 bandes-annonces, dont celle de La vague. Pour l'anecdote, le réalisateur fait un caméo comique à la toute fin de son film !