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Chroniques visuelles
27 mai 2013

The plague dogs

 

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Deux chiens, Snitter et Row, s'évadent d'un laboratoire de recherche et essaient de survivre avec l'aide d'un renard futé, The tod. Alors que le directeur du laboratoire essaie de cacher cette évasion, des brebis sont retrouvées mortes. Une rumeur se répend alors : les chiens seraient porteurs de la rage...

 

Nouvelle découverte grâce au programme DVDtrafic de Cinetrafic en collaboration avec l'éditeur Les films du paradoxe, que je remercie tous deux. Voilà un film difficile à décrire, aussi difficile d'en parler que de trop le dévoiler. Déjà, à l'instar de certains fleurons de l'animation anglaise telle que Watership down (La folle escapade du même Martin Rosen) et Quand souffle le vent (qui n'étaient d'ailleurs pas de francs moments de rigolade), The plague dogs n'est pas le genre de dessin animé (ici) que je conseillerais aux jeunes enfants. C'est un film d'animation qui aborde un sujet dur en ne faisant aucune concessions, ce qui en fait paradoxalement un trésor noir indispensable dans le monde de l'animation parce qu'il prend le courage de secouer le spectateur face à des thématiques peu abordées généralement. Même si à sa vision vous n'en ressortirez pas forcément indemme.

 

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Dès l'ouverture, on comprend qu'on rentre dans un univers désespéré quand on voit l'un des deux protagonistes canins du film nager jusqu'à l'épuisement pour finalement se résigner à couler et se noyer, peu de temps après, c'est un mignon petit bichon dont le cadavre sera retrouvé dans l'une des nombreuses cages qu'on portera dans un incinérateur. Les dix premières minutes se passent dans un laboratoire perdu au plus profond de la campagne anglaise où Snitter (le petit fox-terrier) et Rowf (un croisé labrador) sont victimes quotidiennement d'expériences scientifiques comme de nombreux animaux. Snitter a subi une opération au cerveau qui ne lui permet plus totalement de distinguer la réalité de ses propres souvenirs (ce qui occasionnera plus tard d'étonnantes courtes scènes en négatif) là où Rowf subit régulièrement un entraînement visant à voir jusqu'où sa propre endurance peut aller à la surface de l'eau, qui, on le comprend, prend une tournure tragiquement Syssiphéenne : A chaque fois qu'il commence à se noyer, il est repêché par les laborantins qui constatent froidement en cochant leurs petits papiers que le chien continue à survivre et tenir plus longtemps, repoussant toujours un peu plus la limite de sa mort programmée de cobaye. De fait, quand Rowf s'échappe avec son compagnon, il peut survivre pratiquement deux heures dans l'eau mais il a fini par développer une aversion pour celle-ci. Aversion qu'il sera forcé de surmonter dans un ultime sacrifice final.

 

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Si le film se pose brièvement en violent réquisitoire des expérience parfois inhumaines sur les animaux, ce thème n'est pourtant qu'un point de départ dans un film très riche qui va questionner aussi bien l'aspect philosophique (les deux aspects de l'homme constamment remis en cause par Snitter et Rowf. Le premier qui a vécu avec un vrai maître qui lui a d'ailleurs sauvé la vie un jour, sait ce qu'est la bienveillance humaine et persiste à dire qu'il y a du bon en l'homme. Le second qui a toujours vécu en laboratoire a finit par développer une haine farouche des "blouses blanches". Pour lui, l'être humain ne peut qu'être dangereux, tout au moins doit-on s'en méfier) que politique (les scientifiques qui réchignent à mettre au courant de l'évasion des chiens et rejettent un temps la faute sur le gardien du chenil, les hauts responsables qui ne veulent absolument pas se mouiller vis à vis du centre d'expérimentations comme des accidents liés aux chiens) de la nature humaine.

 

 

A cela s'ajoute un troisième point de vue plus abstrait et global qui permet de fondre ceux de Snitter et Rowf en un mélange cohérent où jamais l'un ne domine sur l'autre. C'est un point de vue à hauteur de chien, animal, confus, où l'Homme est soit aperçu de loin, soit dans la pénombre, soit juste en partie (le bas du corps), soit en voix-off qui, loin de platement surligner ce qui se passe à l'écran (le syndrôme 300 : Je cite cet exemple frappant à la fin du film : Voix-off : "Léonidas sentit la sueur lui couler sur le cou". A l'écran bêtement Léonidas de dos et en gros plan avec la goutte qui dégouline lentement. Merci bien mr Snyder, on est pas des bêtes hein. Revenons d'ailleurs à celles qui nous concernent ici), permet de situer ce qui se passe en parallèle chez les humains tandis que nos chiens parcourent la campagne. Il y a donc d'une certaine manière un point de vue de l'homme sur les animaux qui est ici fourni mais qu'il soit officieux (les rumeurs prononcées dans un bar, ce couple qui pense que les chiens ont la peste et préfèrent leur laisser une poule à dévorer plutôt que de se salir les mains) ou officiel (la voix de la télévision qui est censée informer un minimum le peuple), il n'indique jamais en fait un jugement personnel sur les chiens. Cela, Rosen le laisse logiquement au spectateur.

 

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Car si je ne sais dans quelle mesure Martin Rosen --qui en est venu à l'animation "par hasard" (en remplaçant le cinéaste initial de son film précédent)-- adapte avec fidélité le livre de Richard Adams (dont était aussi tiré le précédent film, issu des Garennes de Watership Down), il arrive intelligemment à créer une empathie du spectateur avec les toutous (ce n'est pas uns simple personnification qui est opérée ici) tout en ne cachant pas leur profonde part animale qui finit lentement par ressurgir avec la nécessité de survivre (principalement à la faim). Déjà, les animaux parlent, ou tout du moins pouvons nous les entendre, mais leurs conversations ne sont jamais rabaissées à quelque chose qui tient de l'animal tel que nous pouvons nous en faire basiquement une représentation (et qu'on peut observer dans plusieurs dessins animés à la télé), au contraire. Elles évoquent leurs besoins présents et d'une certaine manière, une certaine forme de spiritualité (faut-il encore croire en l'Homme ?). Je n'en ai pas vu d'équivalent dans l'animation si ce n'est à un degré bien moindre dans cette remarquable série qu'était Les animaux du bois de quat'sous que france 2 et france 3 avait diffusée dans les années 90 (là aussi quelque chose inspiré/adapté de plusieurs romans britanniques pour enfants et adolescents, de Colin Dann d'ailleurs).

 

Si les chiens doivent se nourrir, ils finissent par tuer des brebis mais Rosen ne filme pas l'acte violent de chasse qui en résulte. Au début, les chiens, aidés du renard, mettent en place une stratégie qui consiste à faire tomber les bêtes du haut. Par la suite et poussés par la faim, les deux chiens tuent littéralement des moutons mais l'on ne verra jamais une bête mourir d'un coup : juste du sang qui coule sur l'herbe pour finir dans la rivière. Ou bien un travelling où rapidement, couverte quelques flocons de neige, on distingue des os qui dépassent. On remarque aussi dans un court plan, les chiens qui urinent contre des arbres, en pleine nature, le plus innocemment du monde. Là encore Rosen ne dénigre pas leur part animale là où un autre cinéaste aurait passé ça. Plus subtilement (et je trouve ça assez fort car cela ramène à la nature de plus en plus sombre et tragique de l'histoire), les chiens reviennent comme le feraient des animaux, sur les mêmes lieux qu'ils ont déjà visités. A la différence des humains, leur nouveau territoire est dorénavant ancré en eux et l'on recroisera plusieurs fois un cercle de menhirs (2 fois, ce que Snitter remarque dans un dialogue), un pont (à l'automne et plus tard en hiver, recouvert de neige), une cabane abandonnée (où le sniper qui est chargé de discrètement les éliminer pour le compte du laboratoire remarque leurs traces dans la neige qui en partent)... Avant qu'avec l'aide du renard, ils ne finissent par briser leurs habitudes et réellement fuir beaucoup plus loin.

 

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Ce qui nous amène à un déchirant final (euphémisme, tout le film l'est d'une certaine manière et ce, dès son début) dans cette fin subtile ouverte et brillamment laissée au spectateur. On peut au ton du film penser tout autant à une possible utopie sombre dans l'espoir d'une certaine délivrance (l'illusion comme dernier réconfort avant la fin) que la réelle possibilité d'une île --Houellebecq sors de mon corps-- (elles sont bien plus légion autour de l'Angleterre qu'autour de notre territoire héxagonal. Plus précisément le film se déroulant dans la région du Lake district, un des plus grand parcs d'Angleterre, il y a l'île de Man (!) à côté pour une distance à traverser qui est un peu plus supérieure à celle de la Manche entre Folkestone ou Douvres d'un côté et Calais ou Boulogne sur mer de l'autre. Mais d'un autre côté, qu'est-ce qui ne nous dit pas que le train emprunté par les chiens ne va pas directement traverser le Yorkshire-et-Humber tout près ? Dans ce cas ce sont les méconnues îles de Farne, endroit idéal et rocheux pour les chiens puisqu'il n'y a pas vraiment d'âme humaine qui y vive --un phare. Automatique ?). Mais même en se bordant d'illusions (comme moi qui ai halluciné sur une certaine photographie qui se rapproche de la fin du film et montre une rive au loin de lake district, par delà le gigantesque lac --le plus profond d'Angleterre-- de Bassenthwaite lake), il y a fort à parier qu'il s'agisse de la première option : Le "time and tide" aux allures de gospel bouleversant d'Alan Price qui rythme le générique de fin et qu'on entendait brièvement au début du film pouvant servir de douloureux indice. Grand film noir d'une puissance évocatrice et qui, en dépit d'un graphisme rugueux et somme toute trop réaliste en regard de l'animation actuelle, n'a pas pris une ride.

 

Le film, distribué depuis le 10 mars 2013 par les films du paradoxe en DVD ne contient pas de bonus, il est livré tel quel en VOST et même si la qualité finale laisse un peu à désirer par moment, on ne peut que remercier l'éditeur d'avoir eu le courage de le sortir chez nous sans quoi nous aurions hélas encore dû attendre une éternité (à sa sortie en 1982, le film fut un four et fut d'ailleurs charcuté de plusieurs plans, censuré et raccourci, ce qui n'enlève en rien sa force). C'est dire comme il appartient à la catégorie presque culte des films à découvrir au plus vite au moins une fois dans sa vie !

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Commentaires
B
Voilà qui titille ma curiosité et me donne fortement envie d'aller voir de plus près ce qu'il en retourne...
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