Déambulations de noël et dernières chroniques...
J'ai mis du temps à apprivoiser Paris.
Ce fut pourtant un premier coup de foudre quand j'étais au lycée. Un lycée d'arts graphiques à l'époque situé dans la capitale, ce qui me faisait aller et venir en train alors chaque matin et soir vu que des écoles de dessin en banlieue parisienne, ça ne court pas les rues. Ce qu'on pourrait prendre comme un lourd désavantage s'était pourtant mué très vite comme une source d'enchantement évident. Bien sûr se lever tôt pour aller en cours est quelque chose de difficile quand on est une jeune endive pubère aux boutons foisonnants et qui ne raffole que d'une seule chose à cette heure ténue de la mâtinée : dormir. Et pourtant, comment ne pas se prendre en pleine tronche le flash des couleurs d'un Paris qui lentement s'étire alors qu'il fait encore nuit à 7,8h en hiver ? Marcher dans les rues et flânner avant de rejoindre le lycée avec dans ma poche gauche un lecteur cd portable et souvent un disque sélectionné en fonction du "regard sonore" véhiculé soit par le rideau d'obscurité se levant alors, soit l'esprit de la ville en elle-même (Paris à la nuit ou au petit matin avec la musique de Blade Runner par Vangelis, ça fonctionne admirablement), soit ma propre humeur, vous ne pouvez pas imaginer la puissance de ce simple bonheur. Ou peut-être bien que si justement si vous me lisez.
Je marche toujours dans Paris, mais moins pour mon propre profit malheureusement. Grandir implique qu'il faille s'insérer dans le monde compliqué du travail, lequel grapille une part importante de temps quand il ne vous enlève pas un peu de ce petit coin de jardin carré d'enfance que vous avez réussi difficilement à protéger durant l'adolescence. En revanche, j'essaye de garder un regard frais, presque gamin (et je revendique cette part juvénile d'imaginaire un brin naïf) sur ce que je vois, le paysage urbain et parisien en fait partie. Je suis donc moins amoureux de Paris mais elle garde un certain charme à mes yeux et la voir briller dans les yeux d'autres personnes aide aussi à nettoyer et rafraîchir son regard. J'ai donc mitraillé un peu récemment avec l'envie d'essayer de capter une part de cette magie que l'on cherche dans les boules de sapin et les guirlandes... transposé d'une certaine manière dans les décorations des boutiques de Paris.
Et j'ai sélectionné au final une petite mosaïques d'images qui, j'espère, vous toucheront un peu. N'hésitez pas à cliquer pour agrandir tout ça...
Et puis pour faire bonne figure un dessin de Noël en ce jour spécial !
Bon, il faudrait que je le mette sur mon blog dessin et réactive aussi ce dernier qui prend à nouveau la poussière, tss tss...
Et comme c'est la dernière fois que je pourrais en profiter vu que je vais être pris dans les jours à venir, quelques dernières mini-chroniques de l'année !
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Jeudi 19 décembre, pour fêter les 25 ans du film, Le Grand Rex avait organisé une projection de la version remastérisée d'Akira, l'occasion était trop belle de se revoir le film sur un grand écran. Même si j'avais acheté le Blu-ray ces derniers temps et que j'avais pu le voir sur un écran déjà pas mal impressionnant, une projection au cinéma livre la vraie force du film et l'on se retrouve à nouveau happé et fasciné par ce festival de couleurs comme un gamin.
Comme en 1988, c'est à nouveau le choc. La violence des situations côtoie l'incroyable beauté, couleur et précision des décors qu'un Otomo perfectionniste supervisa jusqu'au troisièmes et quatrièmes arrière-plan avec un pinceau aux poils presques microscopiques (le making-of sur le DVD Pathé révèle formidablement le maître au travail). Et quand ce n'est pas au fond qu'une vie perceptible naît (on pourrait presque discerner les bureaux, les chambres des hôtels dans les immeubles, tous ces détails incroyables), c'est au premier plan dans les détails qu'Otomo met dans les personnages qu'on est subjugué. Pensant connaître le film par coeur, je me suis par exemple concentré sur le reste de la bande de motards à Kaneda qu'on voit dans la première partie du film. J'éviter de jeter un oeil à Tetsuo ou Kay pour scruter les autres personnages pour voir avec bonheur qu'eux aussi ne sont pas délaissés et vivent dans le plan-même.
Et puis je ne rappelais pas qu'il y avait une telle fluidité à l'oeuvre dans le film. Bien sûr la création du manga en lui-même et son passé de dessinateur donnent à Otomo une certaine expérience mais je me suis retrouvé en train de jubiler devant les idées de détails, les compositions, les cadrages et bien sûr le montage. Comme dans une BD, Otomo s'amuse avec l'enchaînement des plans, rebondit à loisir, sélectionnant ce qui lui permet de travailler en un film de 2h une saga qui prend 6 gros tomes (14 en couleurs si vous aimez vous ruiner dans les affreuses couleurs informatiques froides de chez Glénat pour les anciennes éditions) avec une fin parallèle au manga aussi fascinante et brillante que dans ce dernier. Par exemple ça a l'air tout bête mais voilà un exemple simple en quelques captures ci-dessus : un révolutionnaire qui traîne l'un des enfants-mutants. Ils passent devant plusieurs écrans de télé où une bête pub pour des aliments pour chiens (dans un style plus que cartoon) défile. Gros plan sur le haut de l'enfant emmené de force, ce dernier regarde l'un des écrans. Juste après qu'il a disparu de l'image, les chiens de la pub montent à l'assaut de la table où on va leur livrer leur nourriture. Très vite et en un instant, plan symétrique où ce sont deux vrais chiens prêts à bondir à l'assaut du rebelle qui a kidnappé le gamin. C'est simple, concis, efficace. Et le film de continuer à chaque fois durant chacun de ses plans à insuffler une force et une magie, bref une âme. Merci Katsuhiro Otomo.
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Voilà un rejeton du western-spaghetti qui se savoure à nouveau comme à sa sortie, avec beaucoup de plaisir grâce à Wild Side. Succès public en 1966, il était curieux que le film ait disparu depuis ce temps du monde des cinéphiles, le combo Blu-ray/DVD/Livre du film est une fabuleuse surprise d'autant plus intéressante que le film est très bon. A la chasse à l'homme primaire que sous-tend la poursuite du péon Cuchillo (Tomas Milian) par Jonathan Corbett (Lee Van Cleef) s'impose une petite réflexion sur les apparences (Cuchillo a t'il vraiment violé et assassiné une petite fille ?) et la suprématie américaine avec un suspense à couper au couteau. Sans surprise, les personnages principaux sont charismatiques et fascinants et plus le film avance, plus les motivations véritables des uns et des autres ressortent à la lumière, jusqu'au duel final (en fait trois duels finals). C'est basique mais prenant, grandiose dans son écriture comme ses plans et sa musique signée Ennio Morricone. Très grand film à redécouvrir sans tarder ce Colorado de Sergio Sollima.
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Rendez-vous avec la peur de Tourneur est un autre pilier du cinéma qui lui, n'a heureusement pas été oublié par le temps vu que le film est reconnu --et à juste titre-- comme une oeuvre importante et passionnante encore aujourd'hui. En revanche il a subi les malheureux coups de ciseaux de l'hypocrite censure sur le territoire américain quand ce n'était pas pour des questions de rythme saugrenues (cette volonté malheureusement encore trop actuelle de vouloir aller au plus vite pour dire l'essentiel très vite en oubliant que c'est en prenant le temps d'instaurer un climax et une ambiance, de laisser vivre les personnages qu'on nourrit quelque chose de fondamental. Une remarque qui, soit-dit en passant ne vaut pas que pour le cinéma hein, je dis ça, je dis rien...). L'édition blu-ray/DVD/Livre de Wild side a le mérite de mettre à la fois la version US archi-répendue, et celle voulue par le réalisateur à l'époque et sortie telle quelle en 1957 en Europe alors heureusement (seulement sur le blu-ray). En plus de ça, comme pour Colorado, tout est remastérisé, l'image est sublime, le son est bon et le livre est archi-passionnant. Le cadeau de Noël ou d'anniversaire type.
Il y a quand même quelque chose d'embêtant à Rendez-vous avec la peur et qui l'empêche d'être un chef d'oeuvre, seulement un très bon film. Et ce quelque chose, tout le monde s'accorde à le dire, spectateurs comme cinéphile, voire Tourneur même, c'est le démon en lui-même. Initialement le cinéaste voulait le suggérer le plus possible ce qui n'était pas de l'avis du producteur du film. Normalement si cela avait été Val Lewton avec qui Tourneur avait pu avoir carte blanche en grande partie pour des films tels que Vaudou ou La féline, il n'y aurait eu aucun problème sauf qu'entre-temps Newton n'était plus de ce monde... et Jacques Tourneur tombe sur un imbécile brasseur de vent (tout le monde le dit, c'est assez ironique à la lecture du livret comment le personnage du producteur est décrit par tous les propos livrés sur lui) qui accepte de produire le film. Mais en rajoutant le fameux démon. Et pas en des plans très courts non, des plans qui s'attardent et laissent à voir le masque caoutchouc qui était déjà kitsch à l'époque. Cela dit, situé en début et en fin de film, et vu le savoir-faire de Tourneur qui enchaîne à la pelle une bonne poignée de scènes assez magiques pour l'époque, le film arrive à surmonter cette "gaffe incroyable" (dixit un critique de l'époque) et tient miraculeusement sur ses deux jambes, passionnant de bout en bout jusque dans un face à face final dans un train où l'urgence guette dangereusement. Pas un chef d'oeuvre (putain de démon dévoilé qui gâche bien les scènes) mais néanmoins un très bon film.
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Et sur ce, un joyeux noël à tous !
Oops, boulette.