L'oeuf de l'ange
Une jeune fille fragile parcourt un monde obscur et dangereux. Sa survie semble dépendre d'un oeuf mystérieux qu'elle transporte...
Pour l'amateur d'ovnis visuels et sonores que je suis, L'oeuf de l'ange, aka Tenshi no tamago de Mamoru Oshii fait figure de ces nombreux graals inconnus que je cherche inlassablement afin de nourrir mon goût de l'étrange. Le film est non seulement rare mais introuvable en DVD dans nos contrées francophones qu'il faut se tourner vers l'import avec le misérable espoir d'avoir une piste de sous-titres (raté). Enfin il faut savoir aussi que j'apprécie tout particulièrement le cinéma de Mamoru Oshii. Je crois que cette dernière donnée joue car l'on a affaire ici à ce qui s'avère son film le plus hermétique dans une histoire obscure et bardée de multiples références religieuses (*).
S'adjoignant le caracter design du fabuleux illustrateur japonais qu'est Yoshitaka Amano sur ce qui n'est que son troisième film alors, Oshii se permet tout et n'importe quoi avec l'effet de fasciner ou rebuter d'emblée le spectateur cinéphile suivant sa propre sensibilité. Coup de pot j'appartiens à la première catégorie, voyant dans ce film tortueux (laborieux diront certains mais il ne faut pas spécialement en attendre grand chose et surtout pas une histoire basique où la narration irrait de A à Z) à l'incroyable beauté contemplative, l'occasion de me torturer les méninges plus que de coutume. Car le film et mes propres réflexions m'ont poursuivi pas mal plusieurs jours après le visionnage.
On peut y voir beaucoup de choses comme pas du tout. Le cinéaste donnant des "indices" de deux types, soit dans les rares dialogues du film, soit visuellement dans ce qu'on voit ou perçoit à l'écran. Et au spectateur ensuite de coller les bouts comme il le peut. Pour moi j'y vois des références au déluge (d'ailleurs le refuge de la jeune fille est comme une espèce d'arche ou de musée --clin d'oeil d'Oshii à la séquence du musée de La jetée d'ailleurs non ? C'est troublant...), une humanité sur le déclin, voire quasiment inexistante (ce sont littéralement des fantômes qui essaient de chasser d'autres fantômes... de coelacanthes !), une représentation de Jesus Christ en la personne du jeune garçon (l'arme qu'il porte sur son dos qui a la forme d'une croix... mais aussi les stigmates de ses mains, caché par les bandelettes)... sauf qu'il ne serait pas vraiment là en rédempteur de l'humanité mais comme diable tentateur (il se montre à la jeune fille sur l'un des chars organiques (Cronenbergiens) qui parcourent la ville et ne reste qu'avec elle uniquement pour qu'elle fasse éclore l'oeuf). Sur une gravure, Un humain avec des ailes... Un démon ? Le squelette d'Icare conservé dans la pierre comme Han Solo dans sa carbonite ?
Mine de rien toutes les théories qu'on élabore sont pour beaucoup dans l'appréciation de l'oeuvre sans quoi pour parler crûment, on s'y ferait quand même méchamment chier, ce qui ne fut heureusement pas mon cas (et puis sinon la chronique serait plus courte hein). Mais la beauté des images et la fabuleuses musique prolongent une expérience inédite pour peu qu'on y adhère. Je vais me faire taper sur les doigts mais grand film.
Et pour que je ne sois pas le seul à pédaler dans la semoule et pour les plus courageux, vous pouvez voir le film ici. :)
(*) Je pense aussi que le fait d'apprécier les casse-têtes graphiques d'Andreas en BD, voire les oeuvres de Marc Antoine Mathieu aide pas mal. Je dis ça, je dis rien.