Familles je vous (h)aime...
Pour le nouveau Ciné-club de Potzina, je me suis dit que j'allais faire les choses un peu différemment à travers une espèce de chronique méta-sociologique regroupant plein de mini-chros inside (qui m'aime me suive).
Le thème donné, de la famille, est vaste et le nombre de films qui en traite est assez élevé, je pourrais presque dire que chez nous c'est une certaine spécificité française. Mais la "famille" peut en soi se comprendre de différentes manières. Il y a la famille biologique (je sens que la manif pour tous frappe à ma porte, dégagez bordel), la nouvelle famille recomposée (divorce (*), 2 papas ou 2 mamans ou 3 papas et un couffin --coucou Coline Serreau), celle qui peut se comprendre au niveau métaphorique (la mafia, une équipe, un gang, une fratrie).
De mon côté, j'ai toujours pensé que les films de Wim Wenders traitaient de la famille, ou souvent d'une manière de la percevoir, la reconfigurer, la varier. Je pense à la famille de cinéma de L'état des choses par exemple. Les voilà tous ces gens, réunis sur un tournage, sous l'égide d'une figure (pas forcément paternaliste en fait) régnante, le réalisateur. S'il sait ce qu'il fait, il ne pourra protéger son film et les gens y travaillant de l'arrêt du tournage puis de l'érosion de tout ça dans le temps. Au sein de tous ces gens, il y a bien de vraies familles au sens biologique sur le tournage. Wenders y adjoint surtout une notion cinématographique à plusieurs échelles (avec même 2 papas mentors dedans --vous voyez qu'on touche à quelque chose d'universel hé !-- qui sont Samuel Fuller et Roger Corman. Mais on pourrait même mettre l'influence d'un 3ème papa --ouuuh ça devient chaud là-- avec l'ombre de John Carpenter qui plane sur le film, si, si).
The state of Things - Wim Wenders (1982)
Evidemment on peut se référer directement à Paris-Texas ou Alice dans les villes qui, sous couvert du road-movie ne parlent au fond que de ça : la famille. De celle qu'on essaye de reformer dans le premier comme une quête impossible au second qui voit en plus se dessiner presque l'image d'une réunion inconnue (si Travis, le héros de Paris-Texas est bien le papa du petit Hunter, le photographe d'Alice n'a lui, aucun lien de parenté avec la petite fille). C'est en fait le premier qui s'avère le plus réussi et l'on peut penser qu'Alice est comme une sorte de brouillon à venir, ou plutôt d'ébauche fort bien foutue de la grande oeuvre qui en découlera. On peut aussi ressentir l'ébauche d'une famille au sens de groupe uni dans Faux mouvement même si le film reste flou sur ce fait, préférant dessiner les humeurs de son cinéaste sur le point de commencer à s'exiler d'Allemagne (ce sera les "films d'errances et instables" qui vont de 1976 à 1982 approximativement).
Je vois aussi bien une famille dans l'équipe des Avengers que dans une bande de moutons, c'est dire. Concernant les Avengers, c'est une constatation faite sur le second film, L'âge d'Ultron. Le premier mettait côte à côte des héros qui ne se connaissent pas. Dans le second, comme l'écrivait bien justement Alain de The movie Freak, on à l'impression d'être "comme à la maison". Plus que des potes, Marvel a réussi avec son univers et ses arcs narratifs à presqu'en faire des membres de la famille (en admettant que vous ne soyez pas allergiques aux films de super-héros (**)). Je n'ai pas ri (***) aux blagues concernant l'aspect désuet de ce brave Captain America dans le début d'Avengers 2 (le fait de ne pas jurer), mais la cohésion de l'équipe à ce moment là, les fameuses vannes gentillettes pour charrier le moraliste Steve Rodgers et la petite fête qui s'ensuit prouvent une évolution des choses entre eux, et celà même si Whedon a pour le coup plus de mal à traiter de chacun des personnages dans la grosse machinerie. Pour reprendre l'ami Alain, on est "flattés de se sentir complices", tout à fait et même si ces scènes ne durent pas, c'est sans doute ce qu'il y a de plus réussi dans un gros film un brin inégal.
Et quitte à concilier actualité et thème familial, le film de Shaun le mouton s'avère rentrer tout à fait dans cette case. Déjà c'est l'archétype du film familial (rien de péjoratif là-dedans) qui regroupera tout le monde devant l'écran des aventures de ce petit mouton facétieux apparu pour la première fois chez Wallace et Gromit. Oui toi là, ramène ta mamie devant le film, elle va kiffer grave sa race. Et puis même les tous petits peuvent voir série (car Shaun a ensuite eu sa propre --et excellente-- série après l'épisode W et G) et film car aucun dialogue, juste des braillements étranges et cocasses qui promettent l'universalité de la chose à tous (****). Quand au traitement de la famille, je pourrais ressortir les métaphores universitaires et un brin psychanalytique en écrivant que le berger il est comme un papa pour eux (et donc que blabla, quête du père perdu --en ville hein, il est pas mort), que le chien Blitzer est comme un cousin sympa mais en fait bah, tout se voit, se capte inconsciemment à l'image et s'accepte d'autant plus.
Je pourrais évoquer à nouveau Un conte de Noël de Desplechin que j'aime beaucoup. Grand film sur la famille qui, comme souvent chez le cinéaste procède d'un basculement des points de vue (le plus haï de la famille n'en est pas moins le plus jouissivement sympathique) sous couvert d'étude anthropologique des caractères humains. Ou bien Bergman qui a abordé constamment le délitement du couple mais aussi l'univers de la famille (La "sequel" Saraband à Scènes de la vie conjugale. Sans oublier l'oeuvre magistrale Fanny et Alexandre) par petites touches (la peur de la naissance du bébé à venir et même plus globalement d'être père dans L'heure du loup) quand elle n'englobait pas un film entier. Ou bien récemment, le glaçant Under the skin qui nie toute notion de famille littéralement à travers une scène radicale avec un bébé sur la plage...
Mais entre nous, puisqu'on est en famille hein, je pense qu'on vient d'en dire pas mal non ?
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(*) La manif pour tous nous emmerde avec ses pseudos-considérations d'un papa et d'une maman mais franchement le vrai problème c'est le divorce et non statufier sur un modèle qui a prouvé qu'il pouvait évoluer à l'heure actuelle. Le divorce touche n'importe quelle famille, qu'elle soit constituée d'un papa et d'une mama ou 2 papas ou 2 mamans. Je crois que le vrai problème il est là, non pas dans l'acceptation d'une nouvelle structure familiale (il n'y a que les rétrogrades qui à ce stade ne font plus que regarder dans le rétroviseur), mais quand celle-ci, quelle qu'elle soit, casse. Parce que là les conséquences et les problèmes psychologiques commencent véritablement.
(**) Bon courage pour survivre dans ce cas là parce qu'on en a encore pour un paquet d'années à en manger en salles, huhu.
(***) En fait même en VOST ça ne m'a pas décroché un sourire mais bon.
(****) On a toujours dit que Tintin était une série de 7 à 77 ans. Enfonçons le clou, Shaun le mouton, série et film, c'est pour 3 à 103 ans. :)