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Chroniques visuelles
10 février 2016

Les filles au Moyen-âge

 

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Bercés par le récit d'un vieil homme érudit, des enfants d'aujourd'hui se retrouvent transportés au Moyen Âge. Les garçons sont des rois, des moines et des chevaliers. Les filles, des conquérantes, des savantes, des héroïnes. Dans ce Moyen Âge méconnu, elles leur tiennent tête et n'ont de cesse de s'émanciper

 

Second long-métrage d'Hubert Viel après un Artémis, coeur d'artichaut passé encore plus inaperçu, ce petit film curieux dans la production hexagonale se révèle non seulement un petit ovni rafraîchissant aussi bien drôle que mélancolique qu'un vrai coup de coeur dans un début d'année pour l'instant pas forcément des plus intéressants personnellement de par ces choix originaux et très décalés qui détonnent, forcément et un sujet qui me tient à coeur depuis un moment, à savoir l'émancipation des femmes en des périodes souvent troublées. Et les études des dernières années montrent qu'au Moyen-Âge, la gent féminine ne restait pas tout bonnement à s'emmerder au foyer, près d'un chaudron familial. Je me permet de me reciter (cf chronique de La comtesse, sur ce blog).

 

"Dans un ouvrage prétendument sérieux, paru dans les années 1970, nous sommes tombés sur la phrase suivante : "Le Moyen-Âge est particulièrement antiféministe." Allons bon ! Nous ne savions pas que le MLF existait dès cette époque, et donc, qu'il avait déjà des adversaires... Cet anachronisme a tout de même un intérêt, qui est de nous éclairer sur l'état des préjugés au siècle dernier concernant le Moyen-Âge : non seulement c'est le temps de l'obscurantisme, mais c'est aussi celui de la misogynie --ce terme nous paraît plus approprié-- ultérieurement dénoncé par les tenants de la libération de la femme au XXe siècle. Or, une relecture rigoureuse de l'histoire médiévale montre que non seulement la femme n'est pas l'être soumis que nos contemporains se plaisent à imaginer, mais qu'elle bénéficie de libertés pour le moins inattendues, dans le domaine privé comme dans la vie publique."

(Historia n° 688, avril 2004, dossier Femmes du Moyen-Âge.)

 

Ici, à travers des gamines qui font office de passeuses pour le spectateur (sur la voix de Michael Lonsdale en "papy Maestro" --oui, oui, celui des séries Il était une fois...), le film nous révèle tour à tour dans une fiction mi-historique, mi documentaire, mi sociale (la fin m'a un peu tristement serré le coeur puisqu'elle fait subtilement le trait avec l'époque actuelle où la condition féminine mais plus grandement, la condition humaine, en prend un sérieux coup dans l'aile) des femmes au Moyen-Âge avant que l'église ne décide de resserrer les boulons à l'approche de la Renaissance. On suit donc tout autant les destins de Hildegarde de Bingen, que de Jeanne d'Arc, que des pharmaciennes ou des nonnes qui enseignèrent la poésie et l'écriture à une époque où les enfants de plusieurs classes sociales pouvaient se mélanger un petit peu. C'est évidemment souvent drôle sans en rajouter, absurde très souvent (le gag de la lapidation joué par les gamins suivant l'évolution de la punition faite aux femmes sur plusieurs décennies !), instructif, fin.

 

 

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Qui plus est, techniquement c'est filmé dans un 16mm qui bascule de la couleur au noir et blanc avec un grain et des plans souvent soignés (et de toute beauté). Les jeunes acteurs s'en donnent à coeur joie (on se demande même s'ils comprennent la portée féministe et humaine qui souffle sur le film. Une séquence où une apothicaire du Moyen-Âge rencontre un costard cravate du XXème siècle aussi haut qu'elle comme trois pommes qui lui explique les vertus --empoisonnées-- du capitalisme, ça n'a pas de prix), c'est très bien documenté (basé sur des ouvrages d'historiens que sont Régine Pernoud ou Jacques Heers, la musique navigue entre électro minimaliste et folk orchestral.

 

Viel se fait même plaisir en incorporant une animation (très proche du classique La linea) en fin de film qui évoque les dessins symbolistes des vitraux et portiques d'églises comme s'ils étaient réalisés et animés par des enfants. L'ensemble est un régal qui croise l'impertinence des héroïnes Miyazakienne à un humour parfois proche des Monthy Python pour une petite leçon d'histoire pas piquée des vers. Et même si Potemkine distribue visiblement très mal ce petit film, s'il passe près de chez vous, n'attendez pas plus ! Bon sang, voyez-le ! :)

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Commentaires
P
Il ne passe pas chez moi. Peut-être dans quelques semaines dans mon ciné de quartier, qui sait ? J'espère parce que tu me donnes très très envie de le découvrir :D
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