Un divan à Tunis (2020)
Après avoir exercé en France, Selma, 35 ans, ouvre son cabinet de psychanalyse dans une banlieue populaire de Tunis. Au lendemain de la Révolution, la demande s'avère importante dans ce pays « schizophrène ». Mais entre ceux qui prennent Freud et sa barbe pour un frère musulman et ceux qui confondent séances tarifées avec "prestations tarifées", les débuts du cabinet sont mouvementés...
Voilà un film que je voulais voir en salles et que j'avais malencontreusement loupé. Du coup quand j'ai remarqué que Diaphana Edition Video (ils ont aussi une page facebook ici)venait de le sortir en DVD et Blu-ray depuis le 25 août (ainsi qu'en VOD), j'étais dès lors bien partant pour rattraper mon retard et je ne l'ai pas regretté !
État des lieux de la société tunisienne après le printemps arabe, le film est surtout une belle galerie de portraits (ceux des personnages que sont Baya, la coiffeuse et Olfa la jeune rebelle sont des plus succulents) où le ton est légèrement grossi pour nous faire sourire. Et ça marche. Sans non plus que l'on rit nécessairement comme des baleines, on suit avec un certain plaisir les aventures et (surtout) mésaventures de Selma (Golshifteh Faharani) qui tente de se faire sa place dans son pays natal après plusieurs années d'études en France. Un retour que beaucoup ne comprennent pas (en particulier ses proches), La France étant pour eux synonyme de territoire de liberté, d'Eldorado comparé à une Tunisie qui n'a rien à apporter.
© Carole Bethuel et Diaphana
C'est une des saveurs du film : jouer sur le constat entre le retour de Selma dans son pays natal où elle passe quasiment pour une immigrée et dans le même temps pour une intellectuelle qui aurait réussie (d'où qu'on comprend encore moins les raisons de son retour même si elle l'expliquera brièvement à Olfa : la concurrence qui ne laisse peu de place aux nouveaux psychanalystes en France). L'autre étant de jouer régulièrement sur le décalage entre une psychanalyse visiblement inexistante dans le pays et ce à quoi elle pourrait être associée par erreur, le canapé de notre chère Selma étant un lieu plus indiqué dans l'esprit de beaucoup pour des conversations entre amies ou des relations plus charnelles entre amants.
© Carole Bethuel et Diaphana
En grattant bien sous le vernis, on s'aperçoit que le portrait de la Tunisie n'y est pas toujours rose mais que la réalisatrice (dont c'est le premier film après un court-métrage prometteur, « Une chambre à moi » (2018) regroupé en bonus sur le DVD, bonne idée) arrive à faire passer le tout avec un peu d'humour et pas mal de tendresse pour tous les personnages de ce qui peut presque s'apparenter à un film choral. Comme on dit souvent, le diable est dans les détails, mais quand on y regarde bien, ceux-ci se révèle souvent croustillants, des policiers sans moyens à l'oncle qui cache son alcool dans la canette de coca (apparemment vu que la religion musulmane l'interdit à ce que j'ai compris) en passant par l'employée administrative qui vend à la sauvette plein de sous-vêtements féminins sur son lieu de travail.
Et si certes, le film ne sera pas classé dans les meilleurs films de tous les temps selon les spectateurs, il n'en reste pas moins sur l'instant un bon petit visionnage agréable que je recommande à tous les curieux (et adorateurs/trices aussi probablement de l'actrice principale) ! A noter dans les bonus du DVD, le commentaire audio de la réalisatrice ainsi que son sympathique premier court-métrage et les scènes coupées du film. Ces dernières n'apportent en soi rien de plus à la trame principale de l'histoire, on sent qu'elles ont été retirées souvent pour rester dans une bonne durée d'une heure trente de film sans que le rythme en pâtisse. Du coup c'est une bonne petite cerise sur le gâteau si vous avez aimé ce dernier, ça prolonge l'aspect éminemment sympathique qui ressort au final d' « Un divan à Tunis ».
Chronique faite en collaboration avec l'éditeur Diaphana ainsi que le site de Cinetrafic où vous pouvez d'ailleurs retrouver les grands films à venir en 2021.