Les Autres
Ile de Jersey, 1945. Dans une immense demeure victorienne isolée, Grace élève seule ses deux enfants. Atteints d'un mal étrange, ces derniers ne peuvent être exposés à la lumière du jour. Lorsque trois nouveaux domestiques viennent habiter avec eux, ils doivent se plier à une règle vitale : la maison doit être constamment plongée dans l'obscurité et aucune porte ne doit être ouverte avant que le précédente n'ait été fermée. Pourtant, l'ordre rigoureux instauré par Grace va être défié par des intrus...
Je rattrape tant bien que mal mon retard face a de nombreuses personnes et potes avec ce film car si il y a bien un film dont on m'a tant parlé et que je n'avais pas pu voir jusqu'a présent, c'était bien The Others d'Amenabar, le réalisateur surdoué espagnol. Et pour rajouter une louche, je citerais ma moman que j'ai gavé récemment de Cuarron et Del Toro : "Ils sont forts ces espagnols." Bon j'avoue qu'elle disait la même chose quand on s'était vu une vague de films coréens pendant l'été (seul le pays changeait)...
The Others est un pur film de fantômes qui remonte à la source du fantastique et entretient rien moins que de troublants points de vue avec Les Innocents de Jack Clayton avec Deborah Kerr, tétanisante et diabolique adaptation du "tour d'écrou" d'Henry James dans les années 60. Une adaptation d'une rare intensité qui comme sa consoeur de la même époque "la maison du diable (chro' ici.) n'a pratiquement pas pris une ride. Diantre, vous dites vous. En effet, le parrainage est énorme (on retrouve des relations parents/enfants/gouvernante ainsi que des intrus fantômatiques) et plus ou moins revendiqué.
Un film qui donne envie de démarrer du bon pied le matin.
Mais là où le film fait fort c'est qu'il se situe dans la veine du renouveau fantastique qui a démarré au milieu des années 90 avec le 6e sens et les nouveaux films de fantômes japonais dont Ring dépoussiera brillament le genre. Genre qui au passage tourne un peu en rond a cause de Shimizu et ses Ju-on/Grudge. On peut aussi mettre Les Autres en relation avec un cousin proche tel que L'échine du diable de Del Toro. Deux films qui mettent en scène la problématiques des relations morts-vivants en faisant autre chose que de nous donner notre gamelle de "Boouuuh" tant attendus (même si côté frissons, on vient aussi pour ça et l'on est pas déçus) et plaçant les enfants au centre de l'enjeu.
Pour filer la frousse, Amenabar sait qu'il faut en faire le moins possible et exploite avec talent les bruitages (en plus de tourner, il réalise aussi la musique et le scénario, autant dire qu'il connaît et maîtrise son sujet à fond), cadrages et plans de l'Art de la suggestion. Enlevés les excès, ici tout est maîtrisé qu'on pourrait en tomber à la renverse. Et Amenabar ne fait pas que mettre en scène, non, il crée l'élement indispensablea tout bon film de fantôme réussi : Créer une ambiance. Votre film peut très bien être potentiellement a demi-réussi, s'il possède une ambiance, il y a de fortes chances que même dénigré, il trouvera son public dans les années a venir et pourra éventuellement devenir ce qu'on appelle ici bas, un film culte. Et ça, c'est pas rien.
Bref, Amenabar crée une ambiance. D'abord, il y a le château, lieu rêvé qui remplit a lui seul 50% du contrat, personnage muet et pourtant des plus important. Puis les éclairages, le décor noyé sous la brume, les feuilles mortes d'Automne (qui recouvrent des tombes) et laissent apparaître un arbre tordu en son milieu, pas si éloigné de celui du Labyrinthe de Pan. Arbre qui forme presque une main. Décorum, qu'on vous dit. Mais clairement maîtrisé.
Une bonne purée de pois comme l'affectionne mr John Carpenter.
Rajoutez à celà des acteurs une fois de plus formidables (Kidman joue très bien, reconnaissons le. Pour les enfants, j'ai trouvé que le garçon en faisait un peu trop) de justesse et une histoire qui ne dévoile tout ses ressorts que dans la fin même si, pourtant, l'amateur de fantastique qui a déjà vu de nombreux hurluberlus en chaînes et drap blanc sur pellicule ne peut que hausser hélas les sourcils, ayant plus ou moins deviné la fin ou du moins une partie de celle-ci ou l'intrigue principale. C'est d'ailleurs le même défaut que pour le 6e sens de monsieur Shyamalan : vu une fois, vous le revoyez peut-être une seconde pour mieux apprécier jusqu'où vous vous êtes fait duper, noter les détails, revoir le jeu des acteurs, mais après ? Après, vous connaissez "le truc", ce qui peut gêner une seconde vision.
D'ailleurs si vous remarquez bien et faites très attention, le court générique du film tout au début fait en dessins sépia, façon gravures de contes vous donne la solution mais aussi l'intrigue générale, clairement et sans détours. C'est néanmoins anodin, si vous n'y prêtez pas attention, ça ne gâchera pas votre plaisir de voir le film. J'avoue que je me demandais ce que faisait ce générique, mais je n'ai compris qu'a la moitié du film, sans que celà ne me gêne par la suite ni ne baisse l'intensité émotionnelle de la "révélation"....
Un morceau du générique qui heuresement ne vous en apprendra pas plus. Ou plutôt si, cherchez par vous-mêmes en analysant l'image...
Vous l'aurez compris, ce film est tout bonnement excellent et même ses rares défauts ne l'entachent guère au contraire. Ce genre de film, respectueux du public, intelligent, sensible, remplit tout simplement son contrat avec le spectateur à merveille, ce qui fait rudement plaisir par les temps qui courent.