Jenifer...
Qui est cette jeune fille étrange que sauve de la mort, le policier intègre Frank ? Cette jeune fille dont on connaît que le nom, "Jenifer", comme si il n'y avait rien de plus à ajouter à sa nature déjà plus sauvage et animale que profondément humaine. Pour couronner le tout, au corps sublime de Jenifer, répond une tête monstrueuse ornant deux gros globes occulaires noirs et une rangée de dents aussi aiguisées que celles d'un grand requin blanc. En recueillant Jenifer, Frank sombre lentement dans la folie, victime des conséquences des actes d'une créature incontrôlable et faite uniquement de pulsions aussi sexuelles que carnassières....
"On peut parler de la belle et la bête... Elle est les deux." (Blade Runner)
Avec un peu de recul sur la filmographie d'Argento, "Jenifer" réalisé pour les masters of horrors s'avère non seulement une très bonne surprise mais aussi un interessant tour de chauffe du réalisateur qui grâce aux excellents résultats de l'épisode (beaucoup de critiques y ont vu un renouveau chez le cinéaste, et pourquoi pas ?) mais aussi du suivant pour la seconde saison de la série, "Pelts" (pas vu ce dernier) a pu terminer sa fameuse trilogie des sorcières avec "La terza Madre" alias la "Mother of tears", comprendre la troisième sorcière, la mère des larmes, intervenant après celle des soupirs ("Suspiria" - 1977) et celle des ténèbres ("Inferno" - 1980). Tour de chauffe aussi pour votre serviteur qui s'est promis de chroniquer la terza madre très prochainement. D'ailleurs allons-y faisons un pari risqué (car je manque constamment de temps) : le prochain film d'Argento chroniqué ici sera tout simplement la Mother of tears.
Voilà, ça c'est pour le teaser et vous faire baver d'envie (ou pas, ce 3e film ayant autant ses détracteurs qu'admirateurs Argentoesques, je fais partie étonnemment de la seconde catégorie et je tenterais bien évidemment de vous démontrer pourquoi ce film est des plus interessants et non pas forcément le nanar auquel on l'a injustement rabaissé).
Un étrange couple sur la pente raide...
Mais revenons à notre Jenifer, à la base adaptation d'un comics américain des 70's de Bernie Whrightson, humble et génial dessinateur de l'écurie Mad comme des fabuleux Contes de la crypte en compagnie d'autres grands aujourd'hui méconnus (j'adorais par exemple le dessin de Wood). Pour l'habitué d'Argento, la filiation du comics est plus que claire quand on sait la passion des fumettis italiennes que le jeune homme lisait souvent avant de devenir réalisateur et qui si besoin est, figure clairement dans la mother of tears : Argento n'hésitant pas a raconter sous formes d'illustrations qui tiennent autant de la gravure que du pur comics une histoire du passé plutôt que de s'embarasser d'un énième flash-back ! Ici, le comics se situe au niveau du hors-champ mais Argento et son scénariste (qui joue justement Frank), le reprennent avec admiration et passion en se permettant des passages gore et sexe assez étonnants.
Jenifer n'est que ça : gore et sexe. Elle ne parle pas, ne semble pas réagir, ne se comporte qu'animée par ses pulsions, ce qui fera dire qu'elle est attardée par le personnel de l'asile qui l'a en charge et d'où Frank la sortira dès le début. Erreur fatale. Jenifer n'est pas handicapée mentalement, elle est juste pas humaine, une animale. Un prédateur qui n'hésite pas à tuer pour se nourrir comme pour jouer avec ces proies. Il est d'ailleurs étonnant comment Argento renverse le postulat des sexes en reprenant la citation de Blade Runner lancée par le commissaire chargeant le débonnaire Harrisson Ford d'une dernière mission en lui parlant du Nexus-6 qu'est Pris. Jenifer est à la fois une belle et une bête. Belle et figurant tous les fantasmes sexuels de Frank, bête dans sa férocité et ses pulsions carnassières. Mais Jenifer ramenant tout à l'animal, les rapports sexuels de celle-ci avec son protecteur ne peuvent que devenir bestiaux. De même que ça devient méchamment grâtiné avec ses proies.
Avec Frank, elle se comporte plus en gentil animal domestique : Se recroquevillant près d'un meuble comme un chien craignant la colère de son maître quand il est énervé, le léchant pour lui témoigner son bonheur et n'hésitant pas à lui faire l'amour (ou lui prodiguer une fellation --scène un peu extrême et coupée mais visible dans les bonus ! o_O) pour le récompenser et lui témoigner sa gratitude de l'héberger sous son toit. Paradoxalement, Frank subit les actions de Jenifer : nettoyer les corps sans que celà se voit par exemple. Supporter aussi qu'elle puisse être jalouse et veuille s'en prendre à ses proches pour le punir. Ainsi un certain baiser avec la femme de Frank qui manquera de mal se finir (Jenifer à une certaine machoîre qui la rend plus que redoutable) ou le fait de jouer avec un adolescent croyant à l'amour au cours d'une soirée entre amis qui se terminera bien mal : les rôles s'inverseront subrepticement et alors que le jeune homme croit courser une jeune fille inconnue qui s'est invitée à la party, il ne saura même pas qu'il coursera le grand méchant chat qui plus tard le bouffera tout cru ! Avec ses proies, Jenifer n'a aucune pitié de toutes manières, ne distinguant aucunement ce qu'il faut épargner ou pas, se fiant à son propre instinct carnivore et si pendant un instant Argento livrera un hommage à Frankenstein avec une petite fille interrogeant gentiment la créature d'où elle vient, on verra peu de temps après dans la cave de Frank, Jenifer dévorer goulument les tripes de la gamine ! No pity, no remorse. O_o
Et l'histoire de se terminer comme elle a commencé, permettant au réalisateur de signer sans doute l'un des épisodes les plus interessants de la première saison...