We want Miles !
Je suis enfin en vacances, du coup j'en profite enfin pour parler de tout et de rien... D' Avatar de James Cameron bien sûr (Cameron qui prouve que le blockbuster intelligent n'est pas mort, ça fait plaisir), du sempiternel bilan cinématographique personnel à venir et de Miles Davis que j'ai redécouvert en fin d'année, avant, pendant et après une excellente exposition à la cité de la musique dont ce post va se faire le compte-rendu...
(cliquez pour voir en plus grand)
Profitant du fait que le vendredi, c'est nocturne jusqu'à 22h, j'ai pu enfin convaincre un pote (totallement fana du Bitches Brew
de l'ami Miles) et sa copine de venir voir l'expo que je pressentais
comme assez intéressante (et puis, n'habitant pas sur Paris, je pouvais
dormir chez lui et ça, c'est bien.
). Je m'étais plus ou moins préparé ces derniers temps en achetant pas
mal de disques de jazz-rock dont une bonne partie dans la discographie
du regretté musicien. Certains furent d'ailleurs de grosses claques,
d'autres de fabuleux voyages mais dans l'ensemble la redécouverte de Miles Davis (que je connaissais surtout pour la superbe bande-son d' Ascenseur pour l'échafaud et une poignée de ses classiques), axée autour de sa période jazz-rock pour l'essentiel, fut tout bonnement splendide.
L'expo ne m'a pas déçu loin de là.
Tenant sur deux étages, elle se sépare distinctement entre deux grandes
périodes qu'on pourra qualifier de classique et moderne, les dates de 1968 et 1969 (quand Miles au contact de sa charmante nouvelle compagne Betty Mabry --à qui il dédie la chanson "mademoiselle Mabry" sur l'album "Filles de Kilimanjaro"
(1968)-- devenue ensuite Betty Davis sur scène lui parle d'un certain
Jimi Hendrix...) faisant office de dates charnières puisque Miles
progressivement va ouvrir son jazz sous la bannière du rock à ce moment
là.
On arrive donc à la cité de la musique, qui fournit juste avant l'expo
des casques audio (mais si on a le sien comme moi, c'est bien aussi) vu
que les deux étages disposent sur le mur de petites prises où écouter à
chaque fois des pistes de différents albums (la très très bonne idée de
l'expo !
) afin de se faire une idée de la progression et de l'évolution de la
musique de Miles, mais aussi nombre de documents audio qui explique la
trompette, la sourdine, des extraits audios divers de live, de
making-of...
La splendide pochette Psychédélique, op-art de Miles in the sky (1968).
La première partie évoque la jeunesse de Miles jusqu'a 68. Tout y est
passé en revue, de l'anecdote (Miles se faisant agresser par un
policier en 58, le fait qu'il mit sur de nombreuses pochettes ses
compagnes ou épouses du moment...) au travail de l'artiste en lui-même
(extraits d'Ascenseur pour l'échafaud avec possibilité d'écouter au casque ce qui est projeté sur le mur --une Jeanne Moreau désemparée sur les Champs-Elysées--
, un jeune Louis Malle qui observe avec son équipe Miles improvisant
sur des images --moment tout bonnement fabuleux ! --; trompettes sous
verre, live d'époques, photographies en tout genre, batterie du
quartet...). Des sortes de cabines sont même à disposition uniquement
pour évoquer un album et le passer par haut-parleurs en entier tandis
que le regard se promène sur les partitions et photos des séances
d'enregistrements : je suis resté dans la cabine dédiée au chef
d'oeuvre Kind of Blue (1959) afin d'écouter la grâce majestueuse des 11 mn 33 d' All Blues
sur le banc. Pur bonheur les yeux fermés, le sourire aux lèvres et ce,
même si je connais l'album quasiment par coeur. Mais là, on était au
coeur de quelque chose qui semblait reconstituer l'évènement, c'est
dire avec quel bonheur j'ai parcouru l'exposition.
Bitches Brew (1969) et sa mythique pochette.
La seconde partie au sous-sol va de 1969 (les sorties des monumentaux "In a silent way" et "Bitches Brew")
à la mort de Miles en 1991. Le plus impressionnant, ce sont les toiles
qui furent utilisées pour les pochettes de certains albums, ici livrées
à taille réelle (et c'est énorme
), littéralement impressionnantes. Au milieu de cette partie/étage, un
petit couloir plongé dans les ténèbres pour représenter le black-out
silencieux qu'opéra un Miles déprimé et totalement cassé (opérations
chirurgicales en masse d'ailleurs) entre 1975 et 1980. Silence radio
mis ici par la scénographie de ce couloir peu éclairé où le public
curieux pourra utiliser son téléphone portable ou une lampe afin d'y
voir un peu plus clair. Une musique comme un requiem, composée par un
Miles au bout du rouleau résonne, composée à la mort de Coltrane.
On
sort du couloir pour rentrer dans les années 80, le grand retour
"people" de Miles. Les années Tutu, Decoy ou You're under arrest
où Miles colore son jazz de touches pop et synthétique (quitte à reprendre Michael Jackson, hu hu). Le vieux lion,
qu'on commence à sentir fatigué, veut rester le plus en phase avec
l'époque. Ce sera donc aussi en plus de la musique, la peinture (que
Miles réalise pour exercer sa main un peu engourdie suite à une
opération) que le musicien découvre et adopte ensuite totalement,
passionné. Mais il ne faut pas oublier que Miles, aussi bien qu'il
était en phase avec les 60's et 70's, sera totalement immergé avec les 80's, pour
le meilleur ...comme pour le pire. On peut donc voir ses pubs (pour
boisson comme scooters ! ), l'un de ses clips réalisé par Spike Lee himself, la réutilisation de sa musique chez d'autres cinéastes (hop, un extrait de The Hot Spot
de Denis Hooper), ses tenues en concert voire défilé de mode. Y'a de
tout. On évoque même le dernier concert (assez émouvant) de l'artiste,
justement en France à la Villette 5 jours avant sa mort comme son album
posthume de Hip-hop, assez intéressant (mais où Miles ne semble servir que de remplissage en toile de fond j'ai l'impression).
On ressort de là totalement conquis. Le temps paraît trop court (j'y
suis pourtant resté 3,4 heures) et un passage à la boutique de la cité
de la musique se fait donc finalement évident pour conclure cette
superbe exposition.