Contes de la folie humaine : Herzog's movies (1).
Récemment, je profitai d'avoir reçu un coffret de films du cinéaste Werner Herzog pour me lancer dans une petite rétrospective de son oeuvre, assez large il est vraie. Je ne me suis donc non pas restreint aux films seulement mais j'ai tenu aussi à embrasser les documentaires et court-métrages de l'auteur afin d'aborder une vision élargie. Le fait de ne pas apprécier un film ne doit pas me détourner d'une carrière et je sais que je peux parfois aimer quasiment un seul film au sein de toute une filmographie. Ce ne fut pas le cas avec Herzog où je trouvai mon bonheur dans son style étrange au travers de plusieurs oeuvres...
Coeur de Verre (1976)
Un village dont l'unique richesse est l'industrie verrière sombre dans la dépression. Mühlbeck, le contremaître de l'usine, vient de décéder, et il était le seul dépositaire du secret du verre-rubis, ce verre d'une étonnante couleur rouge sang. Quelques paysans demandent de l'aide au berger Hias, qui, assis sur le rocher, murmure des prophéties. Plusieurs tentatives de façonner le précieux verre échoueront. Le village semble courir à sa perte et Hias annonce un cataclysme imminent...
L'oeuvre d'Herzog est bien singulière. Chaque film peut ainsi être abordé comme un ovni à part, tout comme un nouveau jalon au sein de ce qu'il serait parfois bien convenu d'appeler des films ethnographiques. Chaque oeuvre en effet n'est que l'instant d'étude d'un fragment du portrait humain. Autodidacte, le cinéaste s'est formé tout seul et entreprend bien de faire en sorte que chacune de ses créations soit une oeuvre très souvent sensitive, à l'instar du processus de la marche qui, comme il l'a si souvent révélé dans de nombreuses interviews, l'aide à penser un film dans ses détails pendant le trajet. Coeur de verre n'y échappe pas et figure une nouvelle expérience étrange. Apparemment ici, il semblerait que le cinéaste ait hypnotisé quasiment l'ensemble des "acteurs" et "figurants"... Tous sauf un, le berger Hias qui prédit de plus en plus d'étranges prophéties apocalyptiques. Il en ressort un film lent à deux à l'heure, austère dans sa narration mais riche dans sa plastique (la seconde capture devrait vous faire penser à certaines peintures à l'huile), traversé de visions de paysages magnifiques. Quand je dis austère, venant de quelqu'un comme moi qui aime les films de Bresson ou Bergman, vous savez donc à quoi vous attendre. Le film est à prendre comme une expérience et c'est finalement parfois plus une épreuve qui attend le spectateur au tournant. Néanmoins même si le film me semble un peu moyen, je ne nie pas une certaine fascination à son encontre. Car Herzog donne une touche profondément romantique (certains plans évoquent Caspar David Friedrich) à ses plans et son talent documentaire fait ressortir certaines séquences avec acuité comme la fabrique du verre passionnante. Au final, un film abrupte, pas forcément celui que je conseillerais pour commencer l'oeuvre du cinéaste, au contraire du génial et superbe Aguirre.
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Rescue Dawn (2007)
1965, aube de la guerre du Vietnam. Lors d’une mission secrète, Dieter Dengler, pilote de l’armée américaine, est abattu au dessus du Laos. Retenu prisonnier en pleine jungle, l’ennemi lui inflige les pires tortures et humiliations. Décidé à lutter pour sa vie, Dengler organise l’évasion…
Curieux film que celui-ci.
A la fois pur film d'action américain comme pur film d'Herzog où le cinéaste délivre des images de toutes beautés. Ici les maîtres mots sont sobriété et intensité. Sobriété de la musique de Klaus Badelt dont le mixage n'est jamais tonitruant, comme si la musique faisait partie des bruits du vent ou soulignait les cadrages magistraux de paysages du cinéaste, ses petits plans contemplatifs (moment magique où Steve Zahn --aussi bon que Bale-- touche des feuilles et des fleurs qui se referment d'un coup (James Cameron, paye tes références ! ). Sobriété du travail des couleurs où le cinéaste isole le vert, le rouge, le bleu en autant de tableaux saisissants de sa passion pour l'homme dans un terrain connu comme de ses obsessions sur la folie, l'absurdité ou l'isolement. Il faut voir ce plan de Bale sur un rocher (une reminiscence à la Caspar David Friedrich encore ? Il y avait aussi des plans similaires dans Coeur de Verre entres autres qui confirmaient l'intuition de l'historienne Lotte Eisner (grande spécialiste de Fritz Lang au passage), à savoir qu'il y a un profond romantisme chez Herzog) qui attend vainement des secours qui ne viendront jamais à ce moment. Ou qui, bêtement, lui tireront dessus au moment où ils les espérait avec ferveur. Quand on vous disait qu'il y avait de l'absurde...
Intensité des jeux de Bale et dans une moindre mesure Steve Zahn, aussi impressionnant que mister Christian. Par contre, Jeremy Davies confirme qu'en dehors de Lost où il est plutôt bon, il est aussi pénible que dans le Solaris de Soderbergh (où je me suis souvenu que j'avais envie de lui en foutre une). Disons que ses nombreux tics d'acteur hystériques m'insupportent pas mal. Ce n'est pas comme ça qu'on devient un bon acteur. Pas en gesticulant et remplissant l'écran comme si l'on essayait artificiellement de faire jaillir une sorte de charisme mou. Intensité aussi des rares scènes d'action qui surgissent toujours à l'imprévu, fugacement mais avec une sournoiserie et une brutalité impressionnante. Ici, pas d'accélérations, de ralentis, d'effets de montage ou autre, du cinéma posé, à l'ancienne, qui fait rudement plaisir. Je n'attendais rien de ce film qui finalement me ravit assez.. On pourra convenir de la fin, purement américanisée, une sorte de concession à ses producteurs et éditeurs, cela ne gâche nullement l'ensemble d'un superbe film (sur un sujet que Herzog avait déjà adapté en documentaire avec "Little Dieter needs to fly").
A noter ma petite chronique est aussi sur Cinetrafic.