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Chroniques visuelles
9 mars 2013

Focus on... (1)

 

Et voilà-t-il pas que je me suis dit que je pourrais faire une petite rubrique non pas sur l'actualité musicale mais des artistes que j'apprécie (voire admire) et dont j'avais acquis de nouveaux disques dernièrement. L'occasion donc de venir à eux plutôt que par l'interminable discographie analysée et commentée (même si pour certains ça va aller très vite vu qu'ils n'ont que 2,3 disques avant de disparaître plus ou moins dans les limbes au grand dam des fans), avec juste 2,3 disques passés et repassés sous toutes les coutures. gneee

 

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Kate Bush - Lionheart (Recto du vinyle et de la pochette du CD).

 

Lionheart (1978), second album de Kate Bush après The kick inside plus tôt dans l'année n'a généralement pas bonne presse chez les fans au regard de l'exceptionnelle qualité discographique de la chanteuse. Il faut dire qu'après le premier disque, original et audacieux sur le fond, proposant un vrai sang neuf dans la chanson pop (qui influencera de nombreuses vocations chez des chanteuses comme Björk, Madonna et Natasha Kahn de Bat for Lashes), Lionheart semble en faire moins : les chansons sont plus calmes, plus apaisées, moins d'instruments, moins d'orchestrations, le disque pourrait presque sonner un peu creux.

 

Néanmoins Lionheart possède d'autres qualités qui lui confèrent un certain charme. Déjà visuellement, Kate a sorti le grand jeu, c'est opération séduction. Il fallait bien ça pour rattraper la pochette imbuvable et un brin foiré sur le plan photo/graphisme de The kick inside. La pochette nous montre une Kate animale, cheveux de lionne brune/rousse (je répète que le disque est pourtant assez apaisé en regard d'autres choses passées et à venir), qui attend presque que l'auditeur vienne la caresser pour ronronner. Troublant. Le tout dans une chambre d'enfant aménagée dans un grenier de vieille maison, une peluche de lion (pour témoigner qu'on est encore plus ou moins dans l'enfance --Kate n'a que 20 ans au moment où elle sort ses deux premiers albums, eh oui), un cocktail magique.

 

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Au verso de la pochette du CD (et sans doute vinyle mais là je ne peux vérifier, il n'est pas chez moi mais l'une de mes mamies), Kate qui nous regarde droit dans les yeux, avec son immense chevelure, dans une lumière rougeâtre qui anticipe presque les années 80. Comme si l'artiste se confiait ouvertement et disait par le regard "mangez, ceci est mon disque, donc par extension, ceci est mon corps". Là aussi c'est d'autant plus troublant que la sincérité de la jeune fille n'a jamais été à remettre en cause. Opération marketing ? Peut-être mais doublée avant tout d'une vraie volonté d'aller vers ses fans (le fan-club de Kate Bush se crée en même temps qu'elle s'envole dans les charts avec ses deux premiers disques), ce que l'Histoire prouvera encore jusqu'à récemment (via son site internet).

Sur le plan musical disais-je donc, c'est plus calme et apaisé que le disque d'avant. Cela ne veut pas dire qu'on a négligé la qualité attention. C'est juste qu'au regard de son exigeante discographie, cela fait un peu pâle. Mais quand même, les chansons sont assez belles. Comme souvent chez Kate Bush, il y a une dimension "homéopathique" : ses chansons réconfortent, encouragent, font du bien. D'autant plus qu'elle ne se borne pas qu'à parler de l'amour comme le font trop souvent nombre de chanteurs et chanteuses. En fait dès le départ (elle ne se destinait pas spécifiquement à la musique même si elle fut aidée par David Gilmour --qui produisit son premier album-- qui l'aida dans sa longue galère pour percer) Kate a un registre plus que varié. Cela est aussi bien lié à sa culture musicale (déjà bien importante) qu'à son goût autodidacte (apparemment, voyant qu'elle pourrait percer dans la musique, elle était même prêt à travailler dans la médecine ou le social).

 

Du coup, ici, elle se risque à parler des sentiments avec Symphony in blue, elle évoque l'homosexualité sur Kashka from Baghdad, livre un hommage aussi bien à sa bien aimée chère patrie sur Oh England my lionheart, qu' aux studios de la Hammer avec Hammer Horror. Il y a aussi un goût pour l'expérimentation qu'on sent poindre par petites touches. Des samples de violons sur Hammer Horror, un bruit de gong à la fin du morceau, ce piano qui sonne volontairement en décalage (avec un ton plus rock en contraste) sur Fullhouse, la création d'une ambiance de théâtre glamour ou pub anglais sur Coffee homeground quand ce n'est pas un peu de fantasmagorique en ouverture de Wow...

Pour autant l'album sonne peu homogène, les musique peuvent un peu lasser (pourquoi croyez-vous que je ne vous ai pas mis plus de liens, d'ailleurs ?). Si Kate Bush est sur la bonne voie, il lui manque les fulgurances nécessaires et le goût du risque car en l'état on a juste au final une suite de chansons, on pourrait aussi bien raccourcir l'album ou faire figurer le tout sur diverses compiles que ça ne nous ferait ni chaud ni froid. Bref Lionheart ? Un disque sympa d'une grande soeur qu'on écoute de temps en temps mais pour lequel on ne nourrit pas toujours de la passion.

 

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Never for ever (1980) s'avère en comparaison comme un pas de géant et préfigure le contrôle total de l'actrice sur son image et son Art. A nouveau la pochette donne le ton. Si Lionheart participait d'un fantasme, Never for ever semble ouvertement témoigner de la liberté d'une petite qui devient grande. A l'image, une Kate qui croise les mains derrière la tête ("et hop, sans les mains !"), et donnant naissance (littéralement !) à un bestiaire de notes et d'animaux parfois complètement fantastiques. Si la dimension érotique de la musique de Kate Bush pouvait apparaître à certains passages dans les textes, le doute n'est plus permis. Inutile d'en faire plus, la musique (arrangements ou voix) aurait pu sortir de sa bouche, voire de son crâne (pour reprendre l'image d'Athéna qui sort du crâne de Zeus, déjà vêtue de son bouclier et son glaive suite à l'entaillage bourrin qu'Héphaïstos y fit vu que le maître des dieux se plaignait de souffrir de maux de tête) mais non, elle provient bien d'un autre endroit. Et dire que les chinois considéraient en des temps anciens que le ventre était le centre de l'intelligence... Je suis songeur. Troublant (mais je vois bien que je me répète).

 

Au verso du vinyle et du CD, une autre surprise qui prolonge l'ambiance de ce disque et de sa pochette : un montage d'une Kate qui vole comme une chauve souris avec une robe et une grimace toute folle quand ce n'est pas un air plus prédateur (en bas). Kate a commencé sa mue, elle est devenue sorcière et vient vous hanter au crépuscule (la lune apparaît dans le ciel mais le jour n'en finit pas de disparaître au loin).

 

 

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Never for ever sort au cours d'une période un peu spéciale et inaugure pleinement l'âge d'or de Kate Bush : les années 80. Juste après Lionheart, la jeune artiste se lance dans une tournée, l'unique qu'elle fera de sa vie. Mais les choses ne se déroulent pas comme prévu, Kate ne supporte pas les confrontations avec le public, un éclairagiste meurt lors d'un des premiers concerts, les retombées financières sont désastreuses et Kate se livre plus que corps et âme à travers ses performances, ce qui la laisse complètement épuisée. Il semble que la chanteuse se soit faite la promesse de ne plus jamais faire de concert, promesse tenue jusqu'au bout aujourd'hui puisqu'elle n'est plus jamais apparue sur scène malgré quelques rares apparitions publiques.

 

Mais il en faut plus pour décourager l'artiste qui monte et Never for ever est clairement l'album qui va casser la baraque, ouvrant une ère passionnante entre disques certes commerciaux mais aussi expérimentaux. Le second servant d'ailleurs ouvertement le premier et ce qu'on pouvait prévoir sur Lionheart se vérifie ouvertement ici avec un vrai panache (pendant l'enregistrement, Kate Bush va expérimenter plein d'instruments avec l'aide et les conseils de Peter Gabriel qui devient en quelque sorte un ami). L'album instaure une tension et un style qui ne faiblit pratiquement pas (la production est superbe, bien loin des travers synthétiques des années 80 et dans lesquels Kate a manqué presque de tomber d'ailleurs) avec d'emblée un Babooshka comme première piste (et single) qui va la faire grimper en haut des charts britanniques d'un coup. Plus jeune, le matraquage de ce morceau dans certaines compiles m'avait un peu pompé et je ne l'avais plus réécouté depuis un moment. Quand je me suis pris le disque, gros choc, je découvrais à nouveau ce titre explosif. Même si il y a du rock bien plus violent alors, on remarque que Kate a su mixer la pop toute douce de ses débuts avec un versant plus abrasif (et encore, le meilleur à ce stade est encore à venir), quitte à insérer ses expérimentations (bruits de verre brisé sur le refrain et sur le final --avec bruits d'horloge furtifs, choeurs masculins). Il y a clairement une image cinématographique qui prend forme ici par le biais du son. 

 

Delius et Blown Away sont plus dans la lignée des chansons réconfortantes de Kate Bush et ce n'est nullement péjoratif tant le soin apporté en font des morceaux remarquables. Des pauses avant des titres plus aventureux en quelque sorte car All we ever look for et Egypt essaient plus de créer une ambiance étrange, entre musique de film et ambiant. Si cela ne marche pas forcément avec le premier (même si je salue l'interruption de la musique par des bruits de pas, de portes qui claquent qui continuent encore aujourd'hui de surprendre par la mise en abîme provoquée), il y a quelque chose de fascinant sur le second titre. Percussions lourdes, bruit de cordes effleurées, voix fantômatiques. On a l'impression qu'avec presque rien, la chanteuse crée une ambiance et pourtant indiscutablement il y a une science mélodique à l'oeuvre assez importante et l'on se trouve presque les jambes écartées entre pop crépusculaire et musique du monde. The wedding list, plus rock nous permet de nous reposer. La mélodie est aiguichante en diable et savoureuse comme un bon fondant au chocolat, impossible d'y résister (sauf si l'on est allergique au chocolat, ce qui est dommage). Avec ça le matin, on pète la forme. Dans une des rares performances en live qu'elle fit, c'est plutôt la ficelle de son haut qui se pète, ce dont elle s'en aperçoit en direct mais continue avec le sourire (je sens d'ailleurs que l'incident doit plus la faire marrer au fond qu'autre chose), une main plaquée sur le sein pour retenir le vêtement traître de tomber, et ce, sans s'arrêter. Chapeau Kate.

 

Violin sonne plus dissonnante, plus violente mais je ne peux pas dire que ce soit une totale réussite. The infant kiss est un petit moment de communion au piano comme sur un peu tous les albums. Enfin Night Scented Stock, très court est une petite expérimentation à base de voix (là aussi on peut se dire que Kate bidouille un peu mais n'ose pas encore pousser plus. Elle garde des idées en réserve pour la suite) qui montent et annoncent les deux morceaux cultes du disque, les fabuleux Army dreamers et Breathing.

 

Army dreamers (je découvre son clip étrange en même temps que vous pour le coup. Clignements de paupières !) est une brillante chanson pop emmenée par une guitare accoustique rêveuse tandis que des bruits d'hommes et du violon font le fond de la musique. Celle-ci s'arrête et reprend souvent à l'image d'une marche militaire (un tempo de valse en fait). Loin d'être une apologie de la guerre, c'est surtout une chanson qui démontre que cette dernière n'épargne personne et décrit l'histoire d'un jeune homme qui finit par s'y engager faute de moyens et de notoriété (...What could he do ? Should have been a rock star... but he didn't have the money for a guitar. What could he do ? Should have been a politician... but he never had a proper education. What could he do ? Should have been a father... But he didn't even make it to his twenties. What a waste, army dreamers....). Même si je trouve le clip un peu kitsch, il est éloquant dans ce qu'il montre avec cette image d'une Kate-mère qui veut se précipiter vers un ptiot en uniforme pour le protéger (vers 2 mn 20) mais ne rencontre à chaque fois qu'un arbre.

 

Enfin Breathing, tout de noir, sombre, une autre perle. Là aussi je découvre le clip comme vous et il confirme l'impression d'étouffement que la musique pouvait me procurer avant son final qui sonne comme une délivrance. Cela pourrait être une chanson banale mais les paroles témoignent de quelque chose et alors qu'on pourrait couper le clip ou le titre à 3 mn, Kate fait durer la chanson, le malaise s'installe (le clip finalement même s'il a un peu vieilli retranscrit bien ça), on entend des voix au loin comme si une expérience se déroulait en direct et que nous en faisions partie.... Avant que la voix ne ressurgisse, brusque --Oooh please, let me breathe !--, bouleversante avant le final qui se clôt sur une ultime note de basse (plus profonde sur disque qu'en vidéo). Une véritable expérience visiblement conservée dans le clip pour l'un des morceaux les plus surprenants (même, c'est un coup de génie de jouer sur un titre au potentiel commercial mais d'en faire quelque chose qui n'en est pas vraiment) de sa carrière.

 

Presque parfait, Never for ever marque l'ascension de Kate Bush vers une décennie dorée.

 

 

Prochain Focus on sur Slowdive...

 

Edit ! : Une information de dernière minute (11 avril 2013) mais Kate Bush vient de recevoir une médaille. Bon, mis à côte avec ce que je viens d'écrire sur elle, ça peut sembler anecdotique mais ça fait sacrément plaisir en fin de compte. Sacrée reconnaissance.

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