Focus on (3)...
Suite de ma petite rétrospective modeste à l'occasion de l'anniversaire de Brian Eno.
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- Ambiant 1 : Music for airports (1978).
- Ambiant 2 : The plateaux of mirrors (avec Harold Budd - 1980).
- Ambiant 3 : Day of radiance (avec Laraaji - 1980).
- Ambiant 4 : On land (1982).
Après avoir tâté le terrain, Eno amorce clairement une carrière placée sous le signe d'une électronique minimaliste et ambiant quand elle ne se permet pas de joyeuses échappées pop, voire ethniques et tribales (My life in the bush of ghosts en 1981 avec David Byrne, le leader des Talking heads, petite révolution qui utilise les samples de téléviseurs, radios, discours évangélistes (!) sur fond de rythmes world. Un disque passionnant). Point d'orgue d'un parcours musical fascinant qui n'en finit pas (pour le bonheur de millions de personnes), la série des ambiants qui est bien sûre loin de se cantonner à ses 4 disques principaux mais qui du moins pose des bases et directions qu'Eno reparcourera pendant longtemps, inlassable dans sa créativité inépuisable.
Verso du disque Ambiant 1.
Ambiant 1 : music for airports semble contenir tout son programme dans son titre même. De l'aveu d'Eno, une musique qu'on puisse entendre dans un lieu peuplé et bruyant (un aéroport en est un bon exemple) et qui illustre dans le même temps cette notion de départ vers l'inconnu sans qu'on ait à se soucier d'une mélodie qui serait gâchée par les diverses nuisances sonores. En somme une musique de fond qui puisse apparaître et disparaître dans l'éther et se fondre dans nos vies le plus simplement du monde sans jamais trop en faire. La discrétion même donc, au son d'un piano léger et là, de quelques choeurs fantômatiques dans une structure vouée à se répéter tout en étant à chaque fois différente. Le verso du disque le montre clairement : pas de titres, juste l'indication graphique et abstraite de quelque chose qui crée un cycle, une frise même, dotée d'un motif se répétant mais qui, si l'on regarde bien, n'est jamais tout à fait pareil. De sa répétition et ses silences naît alors une étrange beauté qui en fait son charme. Ce principe de morceaux sans titres se retrouvera pour un Lux (2012) tout à fait dans la droite ligne de ses glorieux aînés d'ailleurs.
Ambiant 2 : The plateaux of mirrors est lui à nouveau une nouvelle direction. Tout comme Ambiant 3, il s'agit d'une collaboration où un musicien intervient et Eno se met un peu plus en retrait, laissant l'artiste faire presque tout, se chargeant juste d'introduire une architecture sonore quand ce n'est pas la production. Ici avec Harold Budd, on se rapproche de la musique d'Erik Satie au piano. Et si c'est moins mélancolique que chez Satie, il y a en revanche une grande douceur, une espèce de tendresse et de beauté précieuse à travers de courtes pièces qui forment pour moi un régal de chaque instant. Mon préféré de la série des ambiant avec le 4.
Lux (2012) ou comment renouer avec un style inimitable.
Ambiant 3 : day of radiance est un disque étrange. Il se rapproche plus de la transe que de la musique ambiant mais sans doute que la fascination et l'hypnotiques ressenties s'avèrent du même ordre, ce qui fait qu'on peut le prendre comme un nouvel opus du cycle... mais un peu à part. Ici, Eno s'associe avec Laraaji, musicien de rue rencontré lors de ses pérégrinations. Tout de suite l'ami Brian est fasciné par la capacité qu'à Laraaji de jouer sur des cordes une musique cristalline et continue sans aucune pause (ce qui peut d'emblée terrasser l'auditeur ou l'emmener dans quelque chose de beau mais qui dure, qui dure...). Le disque se partage entre les "dances" purement énergiques et enchaînant suites de cordes presque mécaniquement et les "meditations" où les cordes laissent entrer de la brume et du silence, semblant noyées au loin. Un beau disque mais assez spécial et à part, sans doute le plus faible des 4 volets.
Ambiant 4 : On land est le plus sombre de tous. Des bruits inquiétants parfois perdus, de rares nappes de synthé et un son étouffé volontairement comme si la musique nous parvenait des ténèbres. C'est à la fois glaçant et proprement fascinant. Ce qui devait être à la base la musique d'une installation personnelle d'art vidéo de l'artiste s'est mué au final en un disque faisant naître d'étranges images et échappant à la simple illustration de quelque chose d'impalpable à l'écran. On dit que ce disque a inspiré d'une certaine manière le genre du "dark ambiant", ce ne serait pas étonnant au fond. Même les titres s'y mettent (une référence à la plage de Dunwich, petite ville de la côte du Suffolk en Angleterre mais aussi ville imaginaire des écrits horrifiques de Lovecraft). Et une nouvelle fois, la dernière, ces pochettes un par cartographiques, comme si l'on explorait des territoires inconnus. Ce qui l'était à l'époque d'une certaine manière et le reste plus ou moins aujourd'hui à l'écoute de ces disques étranges et brillants.
Steal away.
Not yet remembered, un de mes morceaux préférés d'Ambiant 2.
Les cordes éblouissantes de Laraaji et la réverbération d'Eno.
A clearing et ses petits bruits (Ambiant 4).