Pêches musicales - Part 2 - Avril / mai 2013.
Après le premier trimestre, voilà un nouveau volet, que dis-je, une nouvelle sélection d'oeuvres musicales toute aussi subjective et je l'espère, éminnemment sympathique. Cette fois je ne me cantonne plus à un trimestre, trop de choses se passent qu'il ne suffit plus de quelques chroniques pour en parler. Encore plus que d'habitude, 2013 est une année faste.
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Les choses commencent pourtant bien mal avec l'album qui fâche, ou du moins a totalement dérouté une partie des fans du groupes comme des audiophiles passionnés, l'épuisant, harrassant mais passionnant The terror des Flaming lips. Il est loin le temps où Wayne Coyne pouvait se permettre de faire des pop songs terrassantes de beauté comme dans The soft bulletin (accessoirement pour moi l'un des plus grands disques existants mais c'est subjectif. A une autre époque ou génération on m'aurait plus cité les Beatles ou les Kinks dans ce domaine). Désormais cela ne l'intéresse plus (ça n'empêche pas un mini-disque (!) inclus en bonus dans l'oeuvre avec une reprise complètement shootée de All you need is love des scarabées justement). The Terror se veut plus dans la lignée du monstrueux, chaotique, bordélique et fascinant Embryonic (que je réécoute en ce moment-même, tiens). Embryonic et sa pochette dégénérée qui annonçait bien les hostilités :
Sauf que The terror s'avère plus "ramassé". Ici on a plus 18 morceaux courts mais juste 9, parfois assez longs (13 minutes de You lust qui vont paraître une torture pour certains beaucoup) où la structure pop est délibérément abandonnée au profit d'un travail qui vire parfois à la musique indus (même si rien à voir avec Nine Inch Nails) ou ambiant. Un disque donc hautement complexe qui arrivera mal dans vos oreilles surtout si vous n'avez pas écouté Embryonic (car il reprend ses bruitages décalés et expérimentaux mais plutôt que d'en faire un hors-champ laissé à l'imagination du spectateur, les reprend pour des rythmiques hypnotiques et répétitives), les Flaming lips (car on est complètement dans la continuité d'un style qu'on reconnait aisément mais qui s'est complexifié d'albums en albums, de ruptures en ruptures) et d'autres curiosités sortant des sentiers battus. L'an dernier, on avait eu le disque de Swans (que je me réécoute de temps en temps avec plaisir pour certains morceaux), là on a les Lips. Chaque année à ses ovnis musicaux.
Sortons des sentiers inconnus pour approcher des rivages plus rassurants et balisés mais néanmoins d'une grande qualité avec des albums qu'on pourrait ranger en musique soul comme le nouveau Nicole Willis and the soul investigators : Tortured soul (2) et le premier album de Michael Kiwanuka : Home again (4) sorti en 2012 mais habilement récupéré grâce a une promo Fnac qui passait fort à propos par là et me permet de rattraper mon retard. A la croisée des chemins, Neve Naïve et son inner peace of cat and bird (3) surprend adorablement par un mélange de soul certes mais conviée a de la pop et de la folk. Un cocktail rafraîchissant qui n'a rien à envier aux deux autres disques. Certes, si les musiques raffinées du duo masculin et féminin de Berlin ont beaucoup tournées sur mon ipod ces dernières semaines, elles risquent de s'effacer devant la concurrence et le savoir-faire de la chanteuse New-Yorkaise et son groupe de Finlandais rôdés d'un bout à l'autre à une soul qui convoque les plus grands, de même que le britannique Kiwanuka (d'origine Ougandaise à la base) qui pour son premier album m'a mis littéralement par terre : parfois j'ai crû y déceler la puissance émotionnelle et la sincérité d'un Curtis Mayfield mais à travers des arrangements plutôts dépouillés qui renverraient plus à Nick Drake. Sur le web on peut même lire des comparaisons et rapprochements avec Otis Redding et Bill Withers carrément. Une certaine image en tout cas de la modestie et de la pureté à travers des textes et une musique qu'on sent parfois assez boulversants.
Nicole Willis et ses soul investigators.
Et puis il y a Bonobo (5) et le EP de Soap&Skin (6) avec sa belle jaquette au visage nimbé d'un flou hamiltonien aux tons chaud, annonçant l'album imminent à venir (je l'espère). Deux expériences qui se situent clairement ici dans l'electronique. L'artiste compositeur et DJ Bonobo (alias Simon Green) d'abord qui délivre une électronique assez sensuelle (un album essentiellement instrumental mais avec plusieurs collaborations dont une de la chanteuse Szjerdene ou bien Erykah Badu. Il faut vraiment que j'écoute cette dernière au passage, histoire de boucler mon passage en territoire soul --voir plus bas). Quand à Soap&Skin, difficile de juger encore (3 titres seulement) mais cela annonce quelque chose de grand qui part dans des territoires inconnus déjà défrichés par le passé par des têtes chercheuses comme Brian Eno ou John Cale. Sauf que là, l'ouverture monstrueuse de Sugarbread avec ses hurlements de femme et ses cuivres de film d'horreur, on est chez Scott Walker. Et le Scott Walker de The drift, pardonnez du peu. Mais Anja Plaschg n'a pas vocation à nous faire peur (the drift dans le noir, c'est le meilleur cauchemar que je vous souhaite) et il reste quand même une mélodie portée de choeurs et de violons agressifs. Une vraie bande originale gothique qui impressionne en 3 mn 30. Le second titre, Me and the devil poursuit dans cette veine sans toutefois être aussi extra-terrestre. La troisième piste en regard paraîtrait presque anecdotique, c'est une mélodie calme au piano qui nous renvoie plus au style qu'on lui connaît sur ses deux précédents disques. Mais si l'album est du niveau de Sugarbread, j'ai furieusement hâte. Ce disque ne va pas plaire à certains j'en ai peur mais avec ses dissonances étudiées, c'est typiquement le genre d'expériences musicales ovni pour moi ça.
"Salut, je suis la chanteuse de Soap&Skin et je vais rendre ta vie vachement plus joyeuse".
Et puis on termine par d'étonnantes surprises. Le dernier album d'Alizée (sobrement intitulé "5") qui renvoie pratiquement à la chanson française des années 60, un aspect moderne en plus dans sa production. Bon, ce n'est pas du Françoise Hardy (ça se rapprocherait un peu de France Gall par moment) non plus mais les musiques s'avèrent de sympathiques pop song acidulées et parfois mélancoliques dans le même temps. Croyez-moi je ne pensais pas que je m'intéresserais à Alizée il fut un temps. Et puis elle publia Une enfant du siècle, virage assez remarqué que je n'eus le temps d'écouter mais qui eut sa part de louanges comme de revers (apparemment le disque a été un échec commercial). Du coup en écoutant ce 5, j'ai plus qu'envie de me pencher sur son album précédent même si je me doute que c'est fort différent mais pourquoi pas ? Belle surprise.
Au rayon des surprises, Daft Punk qui publie un album.... de funk. Exit l'électro parfois dance au risque de se mettre tout son public à dos qui n'attendait que ça. Après plus de vingt ans dans la musique et d'innombrables compositions, collaborations, productions, les musiciens du Daft pouvaient se le permettre. Ils n'ont de toutes façons rien à perdre. Du coup, on est comme revenus en 1977, le disque est publié par Columbia (même couleur rouge de disque que sur mes albums de jazz-rock et funk de la décennie seventies en plus) et si j'ironisais gentiment sur facebook en "continuant à chercher où était le featuring d'Herbie Hancock", ça reste vraiment très sympa, n'en déplaise à ceux qui ne voulait que "des tubes, des tubes et encore des tubes". Après je vais me reciter pour ceux qui me lisent ailleurs où je me suis bien expliqué déjà (alors je vais faire plus synthétique), ce disque ne me surprend pas venant des Dafts. Au contraire après la B.O Tron legacy sous influence un peu trop marquée de l'écurie Hans Zimmer (et là pour le coup je suis hélas péjoratif) qui laissait pondre un album finalement très impersonnel (même remarque pour le bidule de M83 pour Oblivion), on voit bien qu'il y a un virage opéré. Je ne vais pas non plus sortir la valise-cliché "album de la mâturité" (pas plus que je ne l'aurais sorti pour Alizée remarquez bien) parce que comme dit, ils sont dans le métier depuis un moment, ils savent ce qu'ils veulent, ce qu'ils désirent et le résultat à obtenir. 5 ans de gestation pour ce disque et quasiment aucun sample utilisé, que des bruits de voix enregistrées un peu partout, que des vrais musiciens engagés (dont Nile Rogers, Pharrell Williams, Panda Bear, Giorgio Moroder...), un hommage à Moroder, un orchestre symphonique et un son dantesque (il faut l'écouter au casque ou sur une chaîne hifi doté d'une belle qualité sonore). Nostalgique les dafts ? Faux procès puisqu'ils l'étaient déjà dès leurs débuts. Par exemple, Da Funk n'invente rien je suis désolé et si le morceau marche bien dans sa structure rythmique, son riff de guitare est en droite ligne du funk et du hard rock de la fin des 70's. Quand à Discovery il retrace visuellement avec les clips de Leiji Matsumoto une enfance qui est maintenant plus celle des trentenaires quand ce n'est pas celle des geeks, des cinéphiles parfois ou des fans d'animés japonais qui comprennent bien les références. Allez expliquer à une nana de 15, 16 ans ce qu'est Albator 78 ou Albator 84, elle vous répliquera que "ça fait vieux" pour elle, voire que vous avez des goûts de vieux. ça fait mal hein ? C'est toute la relativité de la musique et de son rapport à notre monde moderne qui va tellement toujours plus vite. Les Dafts utilisent le rapport au passé pour construire le son du présent. Pour autant la musique de Daft Punk a cette volonté d'universalité qui fera que même votre paternel (mon popa en tout cas), votre petite soeur de 10 ans ou vous-même serez happés forcément d'une certaine manière. Et là, pas besoin de références. Donc les Dafts se font plaisir, pas de tubes (attendez vous quand même à deux, trois surprises), des morceaux pour l'été, pour attendre le beau temps (qui tarde), la chaleur en terrasse, un verre à la main... Un disque de vacances presque. Moi ça me va.
Enfin l'inusable Pat Metheny qui se fait la joie de reprendre quelques compositions de John Zorn. La rencontre de deux personnages importants et aussi à part dans la musique du XXème siècle ne pouvait déboucher que sur un disque de haut niveau. De fait et si Pat Metheny s'occupe de tous les instruments (il concède juste la batterie à Antonio Sanchez) --et il y en a (on passe de la guitare accoustique à l'électrique sans oublier du barytone, une sitar, du piano, de la basse, du marimba, des cloches à la mike oldfield, du bandoneon, de l'orchestrion (et un autre lien ici, ça mange pas de pain)...), le fana de Metheny pourra sensiblement faire un peu la fine bouche. On est loin du "choc" annoncé par le magasine "jazzman" de mai 2013 --page 68-- mais l'ensemble reste indubitablement assez bon. Une preuve de plus que l'américain peut se renouveller à nouveau avec des projets toujours inattendus et fournir une porte d'entrée inattendue vers l'immense discographie de John Zorn pour ceux qui comme moi sont intéressés mais restent encore un peu craintifs, sur le pas de la porte.
Découvertes à part ?
A. B.
C. D.
Côté découvertes, je n'ai pas chômé non plus. Outre un nouveau Keith Jarrett dont je connais la virtuosité pianistique sans faille qui arrive encore à me surprendre (un album d'improvisation... à l'orgue. Impressionnant), je connais aussi assez bien le hard rock de Deep Purple (A). Pensez donc, c'est un peu de ma jeunesse... sauf que je ne connaissais qu'une poignée de morceaux live d'un même CD que nous avons aussi en vinyle dans la famille --une sorte de trésor familial si on veut--, le Made in Japan de 1973. Mais aucun album studio jusqu'ici ! L'occasion de réparer le tir quand un ami m'offrit récemment à mon anniversaire quelques disques dont Machine Head, 1972 (autres merveilles qu'il m'offrit en ce jour sympathique que je fêtais cette fois non plus dans un resto Ethiopien ou russe comme les dernières fois, mais... français (soyons original), normand plutôt, le London Calling des Clash ainsi que le Who's next des Who. Deux merveilles que je n'avais pas non plus, eh oui). Peu de temps après, enivré, je me prenais In rock (1970), autre classique du hard, voire du rock. Des moments d'énergie qui vous foûtent la patate comme pas possible.
Depeche mode (B), pareil, je connaissais une poignée de morceaux, non pas avec un live mais grâce aux clips d'Anton Corbijn, à la base photographe talentueux et maintenant réalisateur doué. Mais je n'avais aucun disque et donc en suivant un peu les chroniques du net mais aussi les commentaires avisés de Jordan dans une précédente session musique de mon blog, je me suis lancé dans l'aventure avec Violator et je ne le regrette pas, l'album est un petit chef d'oeuvre de métissage électronique-pop. Toutes les musiques sont excellentes, aucune baisse de régime, le qualificatif "parfait" n'est pas de trop ici.
Ce besoin de revenir à la musique soul entâmé d'une certaine manière avec Kiwanuka s'est poursuivie vers le passé et deux monstres sacrés (en même temps dans la soul --et même ses cousins proches, rythme and blues comme disco--, on ne trouve généralement que des grands des 60's au début des 80's), Terry Callier (C) et l'organiste Booker T. Jones (D) et ses fameux MG's (MG : Memphis Group. Comme ça c'est plus clair). Callier est une sorte d'être à part, sa soul fermente avec une touche folk qu'on rencontre rarement chez des musiciens noirs de l'époque. Une vraie alliance magique souvent discrète et intimiste sur une voix d'une belle douceur. Un magicien. Le groupe à Booker T. distille lui une soul instrumentale basique (un orgue, une batterie, une guitare électrique, une basse), souvent proche du rock. Musiciens pour le label Stax, ils jouaient les instrumentistes des grandes stars qu'étaient Otis Redding ou Albert King, ce qui ne les empêcha pas d'enregistrer des albums pour eux 4 pour le plaisir. Et quel plaisir, on sent des musiciens qui en veulent, qui s'amusent, qui livrent compositions originales détonnantes et reprises sympathiques de plusieurs classiques de l'époque. Un bonheur.