Univers culturels - 3 : Vintage et passions consommatrices.
Assez curieusement j'ai toujours un peu de mal avec l'aspect dématérialisé de la musique ou des films et livres et pourtant cela ne m'empêche pas d'avoir un Ipod rempli à rabord de mp3 et le casque constamment vissé aux oreilles. De même si les circonstances l'obligent, je regarderais un film qui ne soit pas forcément sur support DVD sur l'ordinateur. D'un autre côté, ma consommation musicale fait que j'achète en moyenne 10 disques par mois (cds et vinyles compris), quand je ne me laisse pas griser par certaines situations et que je fasse péter la carte bleue d'un coup (février et mars, une vingtaine de disques à chaque fois) et cela s'applique aussi pour les films. Mais je ne pense pas être forcément un farouche matérialiste qu'un fervent collectionneur (oui, reconnaissons que la frontière est faible) des belles choses qu'on aime. Et quand on adore un artiste, musicien, chanteur, cinéaste, quelle plus belle preuve d'amour en retour que d'acquérir une part de son univers afin de le faire sien ?
Un des nombreux "coffret" dans le commerce qui permet d'acquérir facilement plusieurs disques pour une somme peu onéreuse. Moi j'adore.
A quel moment passe-t-on la frontière ? Quand on achète plein de disques en un mois, c'est sûr. Quand on achète aussi bien du cd que du vinyle, là aussi ça ne fait plus de doute. J'y ai vu un signe étrange vu que j'ai acheté mes premiers vinyles officiels là, cette année-ci, en 2014. Attention, j'avais déjà des vinyles étant donné que mon paternel m'avait légué sa collection (il ne se sert plus de la platine) et que j'en avais aussi récupéré chez la mamie mais je n'en avais pas encore déboursé de ma poche moi-même en cherchant des références bien précises. Depuis un moment l'occasion me démangeait fortement mais il a fallu que suite à une virée avec mon ami suisse cinéphile Johell, de passage sur la capitale, je me laisse pousser des ailes devant sa joie d'achats culturels en folie avec évidemment la petite protestation de façade bien convenue qui ne trompe personne (du style "oh mais j'ai trop acheté ce mois-ci..." ou le typique Nio : "je vais encore être ruiné") en une seconde pour que je m'abandonne à l'extase du péché d'achat avec lui.
Et l'aspect collectionnite du consommateur avisé (puisqu'il faut bien appeler ça par une quelconque manière) ne s'arrête pas là puisqu'elle englobe évidemment les autres penchants pour fusionner avec et les étaler dans des marges encore plus grandes. Si tu aimes la musique, tu prendras les sympathiques coffrets peu onéreux consacrés à tel ou tel groupe (cf capture plus haut). Bien sûr il n'y a pas de pochette papier ou de livret mais d'un autre côté, c'est la couverture originale du vinyle qui est reproduite à l'identique ici sur les pochettes cartonnées de cd, que ce soit recto et verso. Et cette donnée à son importance puisque les remastérisations n'incluent pas forcément le verso du 33 tours d'origine dans son pressage cd (dans les Miles Davis, le verso du vinyle est par exemple recopié en fin de livret). Et encore une fois, rien n'empêche de prendre des cds évidemment avec livret dans des éditions sublimes avec second disque, dvd, inédits en plus et d'autres goodies qui en font des tonnes (poster, code pour aller récupérer des bonus sur le site de Daft Punk --on sent le vécu pour ceux qui ont tenté le Daft club là--, stickers autocollants...), là aussi la complétude marche très bien dans ce sens. On aime donc l'objet cd ou vinyle pour ce qu'il est, ce à quoi il a été conçu, la musique en premier lieu évidemment mais aussi son esthétique et l'aspect fonctionnel (*).
Et de même qu'on prendra parfois (souvent ?) des éditions dvd doubles ou ultra-blouraytisées avec le dvd en plus si l'on est cinéphile (malgré le manque de moyens par moments), on en profitera pour compléter encore plus nos connaissances avec des livres sur le sujet qui iront tout aussi bien de la biographie de tel cinéaste, acteur/trice, musicien(ne), chanteur/euse à la revue qui se charge du genre musical ou cinématographique en passant par les guides et tops en tous genres. Penchons-nous sur ces derniers car ils ont aussi leur profonde utilité. Bien sûr vous pouvez très bien avoir une culture musicale et cinéma immense et n'en avoir pas besoin selon vous car ils vous pourraient vous paraître un brin gadget. Mais rien n'empêche non plus d'y trouver à la fois des conseils, des informations et anecdotes qui chez d'autres seraient survolées à cause de ce qu'elles sont (de l'anecdote justement), et puis même du réconfort. Non, vous n'êtes plus seul à aimer ce film là puisque quelqu'un dans ce type de bouquin prendra parfois consciemment le parti d'aller à l'encontre de la doxa commune en ce qui concerne telle ou telle oeuvre.
Tiens par exemple, j'avais offert au paternel le guide de Philippe Manoeuvre (capture plus haut) et même si je ne suis pas toujours d'accord avec ce qu'il écrit (Filou en donne une bonne raison dans une de ses chroniques d'un autre guide rock par ici), l'ensemble s'avère toutefois souvent drôle (Manoeuvre multiplie les informations en tous genre sur tel ou tel groupe ou disque qui donnent l'impression d'être avec lui à côté au sein d'une même soirée quand il ne se moque pas de lui-même avec auto-dérision) et suffisamment bien écrit pour être passionnant. Et pour revenir justement à ce que j'écrivais, l'effet "j'aime un disque (film) que personne n'aime mais j'explique pourquoi", Manoeuvre prend le parti de défendre le Pin-ups de Bowie et donc de le faire figurer dans ce qui est pourtant censé être "la discothèque idéale en 101 disques" par son auteur. Comme quoi le bonhomme a de l'ouverture (**) vu que si je devais choisir un seul disque de Bowie à mettre dans une discothèque idéale, comme beaucoup d'autres je n'aurais certainement pas choisi celui-là bien sûr (un semblant de réponse ici pour les curieux).
Bref si j'ai du mal face à la dématérialisation de la culture, c'est tout simplement par amour du support et le plaisir d'avoir quelque chose de tangible entre les mains...
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(*) Il y a des livrets et pochettes qui sentent des odeurs et j'aime à rapprocher mon nez pour sentir ces choses là. Je me souviens qu'en 2000, lors d'un voyage au Canada et au Québec, j'avais acheté des disques. Le livret d'un King Crimson sentait alors fortement quelque chose qui se rapproche de l'essence et du gazoil, ça m'avait surpris mais pas embêté bien au contraire. Quand une amie japonaise quittait la France pour retourner chez elle au Japon, elle m'avait donné des disques et ceux-ci sentaient (et encore maintenant) l'encens dont elle parfumait sa chambre. Du coup quelquefois quand je pense à elle, j'ai le souvenir de ce parfum qui lui est associé.
(*) Cela dit, il pourra effectivement rester "sectaire" pour reprendre les termes de Filou car Manoeuvre en choisit de rester dans les termes à une définition du rock qui ne s'écarte pas trop de la base de ce genre. C'est à la fois un inconvénient et un plus vu qu'ici en 101 disques, ça lui permet de resserrer suffisamment les vis pour arriver à ce qui est cherché : une sélection très cadrée et précise de l'essence du rock à travers les âges, d'hier à aujourd'hui.