Etrange festival édition 2015.
Je commence à être un habitué de l'étrange festival, vous savez ce festival très déviant où l'on voit quasiment un peu tout et n'importe quoi qui ne sortira d'ailleurs probablement pas en salles quand ce ne sont pas quelques pépites qui sont exhumées judicieusement de la vase. Sauf que la dernière fois que j'en avais parlé sur ce blog, c'était dans un post très large il y a deux ans. On voit ma régularité coutumière à l'oeuvre ! Celà dit j'avais découvert It follows et The voices aussi à l'étrange festival dans la cuvée 2014, il me semblait l'avoir brièvement mentionné.
Bon et cette cuvée 2015 alors, que vaut-elle ?
Déjà, un festival, ça coûte de l'argent, aussi bien pour les gens qui vont le mettre en place que pour le spectateur cinéphile acharné et obsessionnel qui va s'ingénier à tout voir, ou en voir beaucoup (ou essayer, disons). Il est donc évident que de mon côté, très subjectivement, je n'ai pas pu tout voir. J'ai dû faire des choix surtout que certaines séances étaient prises d'assaut (Sono Sion, un habitué du festival, Constant en parlera mieux que moi chez lui) quand d'autres films étaient de vraies raretés à voir d'office, parfois séance tenante.
Donc chronologiquement et en mini chroniques cela donne ça... :
Ni le ciel ni la terre - Clément Cogitore (jeudi 3 septembre)
En Afghanistan, un capitaine va perdre lentement ses hommes, ceux-ci se volatilisant dès que le sommeil les prend...
Pour sa première réalisation dans un format long, Cogitore nous emmène dans un film cotonneux qui refuse judicieusement le spectaculaire au profit d'une mise en scène intimiste (j'aurais presqu'envie de dire naturaliste devant l'absence de musique sur les deux tiers du film par exemple), contemplative et à mi-chemin de la croisée des genres. Pas exactement film de guerre, pas plus que film fantastique (la fameuse énigme des disparition restera vierge, ni résolue mais pas plus exploitée non plus dans ses retranchements), peut-être plus drame avec questionnements mystiques. C'est en mettant un pied de chaque côté que paradoxalement le réalisateur arrive à dresser un portrait intéressant de ces hommes loin de tout. Dommage alors que malgré plusieurs qualités (dont évidemment le casting avec un Jérémie Rennier fabuleux, un Kevin Azaïs qui confirme tout le bien qu'on disait de lui sur l'excellent Les combattants déjà et un Swann Arlaud qui ne demande qu'à percer) et un final passionnant, le film peine à décoller tout le long et délivre (pour votre serviteur) un film bien (surtout dans le paysage cinématographique français) mais hélas un peu vite oubliable.
Il y a une sortie officielle en salles le 30 septembre si vous êtes tentés toutefois.
Dark star : H.R.Giger's world - Belinda Sallin (jeudi 3 septembre)
D'une certaine manière, j'ouvre et ferme le festival avec un documentaire sur deux hommes que je considère parmi mes mentors. L'un est encore avec nous malgré son âge très avancé, l'autre nous a quitté trop tôt. Il s'agit ici de H.R.Giger, alias Hans Rudi Giger. Bien sûr je vais me répéter un peu (c'est inévitable avec l'âge, que voulez-vous, je radote, je suis un vieux croûton !) mais entre le regretté artiste et moi c'est toute une histoire... Qui continue encore aujourd'hui. J'ai connu Giger par le biais d'Alien à 10 ans. Mon père ne voulait pas que je voie le film au départ, arguant que je ferais des cauchemars mais je profitais d'un après-midi de libre lors d'un week-end et d'une VHS empruntée en médiathèque pour tenter le coup. Et je fis bien. Et il avait raison, j'en ai cauchemardé de la créature, de ces rencontres qui vous marquent à vie. Au lycée je montrais fièrement mes livres Taschen du bonhomme à ma prof de dessin qui eut cette remarque sur une de ses premières oeuvres noir et blanc (la série des "puits"... J'en mets un en dessous, tiens) "oh c'est fabuleux quand il est à l'encre mais il pourrait pas virer tous ses tubes et ses machins là ?" En 2002, je profitais d'une journée sans cours pour me faire dédicacer l'un de ses livres à la boutique Taschen d'ailleurs. Encore récemment j'allais avec l'ami Johell dans la petite ville de Gruyères pour visiter le fameux musée qui lui était dédié...
Bon on s'éparpille, on s'éparpille. Mais difficile de rester objectif dans mon cas, le doc' m'ayant d'ailleurs bien déprimé vers la fin de la soirée, c'est dire. Tourné quelques mois avant sa disparition, on le voit en compagnie de sa compagne, de la mère de celle-ci, de son chat, des amis venant d'un peu partout. On retrace brièvement son parcours artistique et personnel (évocation de la suicidaire Li par exemple) mais l'on s'attarde surtout sur le présent : Giger qui caresse son chat, Giger qui a du mal à parler (qui suffoque presque, j'en avais mal), Giger qui mange une tarte fort appétissante, qui va inaugurer une expo de ses oeuvre, qui évoque sa petite collection de crânes. Pour un peu on l'aurait vu faire caca d'une manière biomécanoïde que ça ne nous aurait pas gênés. Mais sa disparition n'en résonne que d'une manière plus douloureuse tant ce documentaire rend compte d'un vide énorme dorénavant dans l'Art.
Turbo kid - François Simard+Anouk Whissell+Yoann-Karl Whissell (vendredi 4 septembre)
Dans les ruines d'un monde alternatif où la fin du monde serait arrivée en 1997, un jeune orphelin rêveur et adorateur de comics tente de survivre, tombe amoureux de l'excentrique Apple et doit affronter le terrifiant Zeus (Michael Ironside !) et sa horde de barbares...
Le grand film méta pour nerds cinéphiles en puissance. Sympatique et plein de bonnes intentions au demeurant qu'il multiplie malheureusement tellement trop les références pour (se) faire plaisir que ça en devient fatiguant voire pénible. L'affiche en délivre déjà pas mal. On pourrait les citer (Mad Max, les 80's, Soleil Vert, The legend of Zelda --oui, ils l'ont fait. Mais bon ça, ça me fait sourire plutôt--, la firme Apple --ceux qui ont vu le film feront le lien au passage avec les ordinateurs, c'est pas innocent--, Tron, Terminator...) mais bon il y en a trop. Et le rythme flottant (c'est le développement d'un court-métrage à la base, pas étonnant) pourra en gêner beaucoup. Cela dit je serais clément avec ce film allez, circulez. Et puis bon la B.O qui serait un mélange entre ZOMBI et Tangerine Dream, ça fait son petit effet. Et la jeune Laurence Leboeuf (Apple) est quand même sacrément craquante.
Si, si (Vive le Québec libre).
Chernozem - Judd Brucke (vendredi 4 septembre)
Ah ben le voilà. Typiquement ZE film tout à fait désigné pour L'étrange festival, aussi radical et abscons qu'il ne pourra que diviser ceux qui le regardent. Soit vous accrochez, soit vous détestez cet espèce de croisement entre Lynch & Tsukamoto (plus une pincée de Guy Maddin), l'aspect VHS et la musique industrielle et une histoire théâtrale dont on finit par s'en foutre un peu, plus fascinés par cet espèce de Néo-Glasgow glauque et foutraque à souhait où le héros à tête d'usine (ouaip), croise des soeurs siamoises en mal d'amour ainsi qu'un dieu de métal (son papa ?) et est poursuivi par des punks-renifleurs à masques à gaz ainsi que de leur maître, un monsieur loyal ogre. Après c'est pas parfait, ça surjoue quand ça n'en fait pas vraiment mais qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse. Je ne regarderais pas ça tous les jours mais je voulais du bizarre, j'ai eu du bizarre (et sur l'étrange festival ou ailleurs, j'ai déjà eu pire donc bon).
Upstream color - Shane Carruth (Samedi 5 septembre)
A l'aide d'un ver qu'il fait ingurgiter à ses victimes, un homme arrive à contrôler des personnes qu'il séquestre. Contaminés, Kris et Jeff vont tenter de se reconstruire...
Narration alambiquée et tortueuse pour un film qui croise aisément le cinéma de Roeg et Resnais au niveau de son montage, de ses changements de registres et de temporalité, c'est surtout une nouvelle fois la preuve qu'avec un budget minime et une histoire solide, on peut bâtir un film de science-fiction minimaliste mais intelligent et facinant.C'est de plus terriblement ambitieux dans sa volonté d'évoquer plusieurs thématiques et idées et de les développer tranquillement en les alimentant constamment au fil du film de manière à constamment faire réfléchir son spectateur en le maintenant dans un état d'éveil (d'où qu'on peut décrocher facilement).
Sensitif et intuitif mais passionnant tout le long, de la SF à dominante écologique (avec évocation du Walden de Thoreau comme bible mais aussi élément constitutif de l'hypnose que "l'un des méchants" (guillemets essentielles car rien n'est véritablement manichéen dans le film et une action à toutes les conséquences d'en entraîner une autre --cf les petits cochons) travaille sur le ou la contrôlé(e) comme un sculpteur qui polit lentement son oeuvre jour après jour) qui n'oublie pas de virer au drame intimiste (comment se reconstruire quand on a été pris en otage ? Et de fait être sous le contrôle de quelqu'un comme un gourou de secte, c'est véritablement une prise d'otage émotionnelle profonde) en passant par la romance subtile entre petites touches (d'où le parallèle avec ceux qui ont vécu un même drame ou une même expérience forte et qui ne peuvent plus que se "connecter" entre eux, loin de la société). Et ne parlons pas du rapport de ver à son hôte qui peut s'effectuer comme une transfusion dans toutes les potentialitées Cronenbergiennes qui soient (avec dévelopement de lien emphatique d'un hôte humain à un hôte animal par la suite). Un film d'une richesse formidable pour peu qu'on s'en donne la peine (le rythme et la radicalité de l'histoire, sa mise en forme, volontairement abstraite au départ, en décourageront beaucoup j'en ai peur).
Cooties - Cary Murnion+Jonathan Milott (samedi 5 septembre)
Beware the children ! Suite à l'ingurgitation d'un nuggets avarié, les charmants bambins d'une école primaire se transforment en créatures sanguinaires et en viennent à massacrer leurs profs, voire leurs parents...
J'en attendais rien, j'ai pris mon pied comme un petit fou. Elijah Wood (aussi producteur), Rainn Wilson et Alison Pill se font pleinement plaisir dans ce petit film horrifique assez drôle qui évoquera à certains aussi bien Gremlins qu'un Shaun of the dead. Rien de bien neuf sous le soleil bien sûr mais le film s'en donne à coeur joie et ça s'avère assez communicatif, quitte à jouer dans les clichés. En plus c'est court et ça n'en fait jamais trop. Et en plus ça va sortir bientôt en salles. Là je n'aurais qu'un mot à dire, profitez-en ! :)
Extraordinary tales - Raul Garcia (dimanche 6 septembre)
5 contes d'Edgar Allan Poe (et une des séquences intermédiaires où l'âme réincarnée en corbeau de Poe discute avec La Mort) passés sous la moulinette de l'animation dans 5 styles différents avec à chaque fois un narrateur prestigieux différent. En somme plus une oeuvre à voir comme une prouesse technique où une histoire est narrée tour à tour par le regretté Sir Christopher Lee (dont c'est l'une des dernières participations au cinéma avant qu'il nous quitte), Julian Sands, Guillermo Del Toro, voire Bela Lugosi (en utilisant un enregistrement vinyl. L'effet associé à l'unique histoire en noir et blanc dans un style proche de Renaissance et Sin city donne l'impression presque d'entendre quelqu'un parler du royaume des morts !) qu'un film pouvant nous faire vibrer au plus profond. Toutefois un bel exercice de style que je ne regrette pas d'avoir vu pour le coup. Après une nuit blanche consacrée la veille à des films de John Hugues au Max Linder puis Miss Hokusai en fin de matinée juste après, si le film avait été plus complexe, je pense que j'aurais eu du mal mais non, c'était le film bienvenu. Le reste de la journée allait cependant être plus tendu (moyennement frais pour Moonwalkers plus tard par exemple).
Free fall - György Pálfi (dimanche 6 septembre)
Une femme saute du toit de son immeuble. Ce faisant, elle rencontre dans sa chute, chacun des habitants de l'étage comme autant d'histoires parallèles...
Ma première rencontre avec le cinéma de Palfi (j'avais loupé Taxidermie qui me tentait bien à sa sortie) et quelle bonne surprise. Un humour noir et souvent absurde qui fait mouche où le réalisateur cloue tous les petits travers de la bonne société à travers une sorte de film à sketchs dont ce HLM est en quelque sorte le fil rouge, sauf que les histoires ne sont pas séparées : à chaque étage qu'on passe, on revoit des personnages, on laisse une histoire de côté... puis on la reprend plus tard après la chute de la mémé... et son retour au bercail comme si de rien n'était. Puis sa re-chute du haut de l'immeuble pour aller faire des courses, vu qu'il manquait quelque chose et comme c'est plus rapide que de se farcir les escaliers. Cela donne une bonne idée du délire réjouissant à l'oeuvre. Le tout sur une bande sonore d'Amon Tobin tout bonnement magistrale. Grande découverte !
Moonwalkers - Antoine Bardou-Jacquet (dimanche 6 septembre)
En 1969, l'agent de la CIA Kidman arrive à Londres. Sa mission : contacter Stanley Kubrick et le convaincre de mettre en scène un faut alunissage de Apollo 11 en cas d'échec de la mission. N'arrivant pas à ses fins, il est obligé de s'associer à Johnny, un manager musical de seconde zone...
Pour son premier film, Bardou-Jacquet s'inspire d'une fameuse légende tenace, celle du fameux complot où l'Homme ne serait en fait jamais descendu sur la lune. William Karel avait brillamment exploité ce postulat tordu (et hilarant) dans son documenteur Opération lune, dark side of the moon, ici c'est à une pure comédie décontractée à base de gnons et bourre-pifs auxquels nous convie le réalisateur, sous la houlette d'un Ron Perlman qui ne s'embarrase pas de casser des pieds et des nez. Lui, pour reprendre Chuck Norris, il mets les pieds où il veut... et c'est souvent dans la gueule. En face, maigrichon comme tout, Rupert "Ron" Grint, poisseux comme jamais dans une époque où tout le monde se soucie plus de la fumette que de ces propres ennuis. Et dire que ces deux là doivent s'associer sous peine de se faire éliminer par la CIA... A ce moment là de la journée, comme dit précédemment, j'étais un peu destroy et dans un stade de décomposition avancée. Du coup même si j'ai souri, j'ai trouvé ça un peu gros et d'un autre côté pas assez délirant pour être embarqué à fond comme j'avais pu l'être sur Cooties. C'est sympa mais sa nomination puis sa victoire comme prix du public à l'étrange festival me laissent perplexe quand on a en face un Free fall, un cooties et des Sono Sion. Sans doute le capital sympathie du film, ça je ne peux pas le nier.
Aaaaaaaah ! - Steve Oram (lundi 7 septembre)
Une cité anglaise sans nom. Une écriture réduit à un ensemble de signes alternant, non pas les "0" et "1" mais le "/" et le "_". Des mâles alpha qui dominent les bêtas et les femelles, le tout dans une société humaine qui n'a d'humain que le nom, ne s'exprimant que par petits borborygmes et cris bizarres...
Un autre de mes coups de coeur et un lointain descendant du Mon oncle d'Amérique d'Alain Resnais. Dans ce dernier, le regretté Resnais faisait s'entrechoquer des parallèles évidants entre les traits animaux et primaires et ceux de l'Homme, créature ayant pourtant bâti une civilisation avec ses codes formels de loi, de morale, de principe à travers des observations sur des souris et des hommes (et un aspect éminemment tragique qui aurait plu à Steinbeck quand on y pense). Steve Oram lui, un habitué du cinéma de Ben Wheatley au passage, prend des archétypes humains où il transpose directement les comportements des sociétés de singes avec les dominants et les dominés. Le tout sur une heure trente qu'on ne voit jamais passer dans un ensemble éminemment caustique (marquer son territoire en urinant sur le frigo et dans le couloir dans une fête où l'on est même pas invité pour humilier son adversaire, chiche ? Ton meilleur ami est mort ? N'oublie pas dès lors de rapporter son corps à la cuisine pour manger ses burnes avec les autres membres "du clan". Ton adversaire est décédé ? Petit chanceux, tu vas pouvoir honorer sa femme comme gage de ta victoire, sous l'oeil de ta copine qui t'encourage et t'éponge le front). Bref c'est édifiant mais tape souvent juste tout en étant intelligemment bête et méchant (avec du Robert Fripp et King Crimson en fond sonore, notons le). Après tout, il y a des frontières entre l'humain et l'animal que beaucoup ne se gênent plus de franchir de nos jours.
Marketa Lazarova - Frantisek Vlácil (lundi 7 septembre)
En Bohême, au XIIIème siècle. Christianisme et paganisme s’affrontent. Des brigands, menés par Mikolas, aux ordres du Seigneur Bouc, attaquent une caravane de chevaliers allemands qu’ils tuent sans pitié, excepté le jeune prince Kristian, qu’ils ramènent à leur camp. C’est le début d’un affrontement violent avec Lazar, allié des allemands, seigneur voisin et voleur, qui destine sa fille, la belle Marketa, au service de Dieu.
Elu meilleur film de toute l'histoire du cinéma tchèque, par des critiques nationaux, au Festival International du Film de Karlovy Vary en 1994.
Au même titre qu'Andréï Roublev avec lequel il entretient le point commun de nous plonger directement et abruptement (comprendre que, dans la manière de raconter l'histoire, on est pas dans un film hollywoodien qui évoquerait cette période) dans un temps révolu du Moyen-âge, Marketa Lazarova est également une fresque monumentale d'une puissance visuelle et lyrique incroyable sur une histoire passionnante. Dans sa mise en scène, chaque cadrage, chaque plan est construit avec le même soin qu'une peinture, Marketa (tout comme Alexandria) sont des héroïnes tour à tour subissant les aléas de la vie (toutes deux dans une histoire d'amour qui finira mal) et icônisées avec un soin plus qu'évident. La musique, hypnotique, renforce la sensation d'un moment intemporel et constamment onirique (échos de la voix et percussions). Quand à l'histoire, elle mélange habilement drame, amour et mysticisme (Alexandria et son arbre aux trophées qui s'élève près des marécages est comme une "sorcière" pas si éloignée de Ingeri (Gunnel Lindblom) dans La source de Bergman --autre grand film sur le Moyen-âge, Kristian qui deviendra un saint vers la fin) pour faire état d'une période sans jamais tourner au ridicule (on connaît le poids de la vie dans un monde partagé entre christianismes et croyances révolues et les dilemmes moraux éclaboussent chacun des personnages --notamment le père de Marketa ou Mikolas qui n'est pas nécessairement un mauvais bougre à la base comme on le découvre), son exigence menant à un ascétisme brillant. Un film éblouissant de bout en bout.
La forteresse noire - Michael Mann (mercredi 9 septembre)
Des nazis sont envoyés pour garder une vieille et mystérieuse forteresse roumaine. L'un d'eux, par erreur, laisse s'échapper une force inconnue qui était prisonnière des murs..
Aie.
Si Le 13ème guerrier, même remonté et charcuté est un film qui tient encore sur ses deux jambes, alors La forteresse noire, lui, ne tient plus que sur une seule, au risque de constamment se casser la gueule. La première demi-heure commence bien, on voit l'histoire, le potentiel, toute l'ambition de Mann de confronter deux versions du mal ultime (le nazisme d'un côté, un démon ultra puissant des temps anciens de l'autre). Et puis durant le reste de la séance, on voit le film faire naufrage en direct et c'est assez ahurissant.
Effets spéciaux non finis (et pourtant le design de Molasar par Enki Bilal a une sacrée classe.... sur le papier. Là avec les yeux rouges comme dans un animé, on reste circonspect), mise en scène qui fait ce qu'il ne faut pas faire (je comprends le besoin d'exalter l'action, le sentiment de cupidité des nazis, montrer le réveil du monstre (ce jeu de mot Bilalien est venu tout seul, désolé) dans ce qu'il peut avoir de grandiose.... mais au ralenti ? Avec des personnages de dos ? Michael, tu étais fatigué), scénario qui, en voulant rester dans la fascination et l'énigme oublie de développer certains personnages ou incohérences (non pas celui de Ian McKellen dont on comprend les motivations hors du camp de concentration pour sauver sa peau --et ce malgré le charcutage vu que j'ai vu des plans sur le net qui n'étaient même pas dans le film, ça donne une idée-- mais Glaeken (joué par Scott Glen, parfait sosie de David Carradine au passage) dont on ne sait qui il est, d'où il vient, dont on ne peut supposer que certaines hypothèses et bribes si on a pas lu une seule ligne du roman de F. Paul Wilson, ce qui doit être le cas de 90% des rares spectateurs qui ont vu le film. Et ne parlons pas des nazis censés être traumatisés par ce qui les tue à petit feu mais prennent le temps d'essayer de draguer puis violer la jeune Eva (Alberta Watson). Michael, tu étais vraiment très fatigué), la musique de Tangerine Dream non pas malvenue au contraire (son utilisation dans le film précédent en témoigne) mais parfois utilisée n'importe comment (exemple flagrant, Mann plutôt que de reprendre un thème de la B.O composée par le groupe, va reprendre des passages de l'album Logos, live enregistré le 6 novembre 1982 au Dominion de Londres. Une improvisation ...de concert ...avec quelques bruits du public... sur des nazis ...qui courent ...au ralenti ...dans des plans semi-obscurs ...avec juste une lumière spectrale de boîte de nuit ohé ohé capitaine abandonnééééé. Michael tu étais vraiment très très fatigué). Et une fin massivement abrupte comme si après s'être bien illusionné et fritté avec les producteurs, Mann lui même, déjà très très très fatigué, baissait les bras et se disait "Oh pis merde, allez tous chier en enfer, je me vengerais sur mon prochain film qui sera un putain de chef d'oeuvre".
Et pourtant il reste quelque chose (comme je l'ai dit, ça tient sur une jambe). Le film fascine un peu de par les portes qu'il laisse ouverte (les dilemmes moraux des personnages), son casting qui y croît (Gabriel Byrne en nazi est assez diabolique), une ambiance poisseuse bien aidée par le lieu en lui-même, filmé comme le véritable personnage du film d'ailleurs, bien plus que tous ces petits humains et ce petit démon qui pataugent dans leurs petites vies de massacres tranquilles. Et surtout le film développe la continuité du style Mann à l'oeuvre observé sur Thief. Alors oui les lasers violets de la fin du film (DISCO ! SORTEZ LA BOULE A PAILLETTES !) ça peut sembler kitsch (ça l'est) mais quand même, c'est le style Mann qui continue d'éclore. Sur Manhunter (le sixième sens), ça y est, ce sera bon.
Du coup mitigé sur ce film. Moyen quoi...
The corpse of Anna Fritz - Hèctor Hernández Vicens (jeudi 10 septembre)
Mystérieusement décédée, l'actrice Anna Fritz arrive à la morgue où travaille l'introverti Pau. Fasciné par le corps sans vie, ce dernier prévient deux de ces amis qui le rejoignent à l'institut. Sous l'effet de l'alcool, les invités cèdent à la nécrophilie. Mais voilà qu'Anna Fritz revient à la vie...
Le film, voulant éviter le sujet de la nécrophilie essaye de bâtir un pseudo suspense avec ses jeunes têtes à claques dont il est impossible de ressentir la moindre adhésion (je sais pas moi, ils sont trop cons à ce stade quoi. C'est humain de ne pas s'attacher aux cons non ?). On sait pas pourquoi Anna revient à la vie, on sait même pas pourquoi elle était morte d'ailleurs (l'était-elle seulement ?). Sinon un zizi ça rentre très bien dans un vagin tout refroidi et dur avec un peu de salive, bien sûr hein. Et puis l'aspect glauque et froid de la morgue, ça va pas t'empêcher de débander si t'es UN VRAI MEC AVEC DES BUUUUUUURNES (amis de la poésie bonsoir ) ....mais on ne verra rien, c'est hors-champ (paye ton "même pas cap'").
Et on voit un peu tout venir. Du coup il ne se passe... rien. Ou pas grand chose. Et la nécrophilie, on en parle, quitte à basculer dans la folie (le réveil d'Anna pourrait être en fait une hallucination provoqué par tous les rails de coke que nos trois crétins ont pris. Mais non, même cette hypothèse est pas même formulée par le film, seulement par le spectateur) ? Mais alors, aucune prise de risque, rien ? Ben oui, rien, on se fait un peu chier mon bon monsieur.
On baille de ci, de là. Et le film se termine... comme on l'avait vu venir. Un Alex de la Iglesia aurait fait un film en béton sur ce sujet là. Mais bon...
Rêves sanglants - Roger Christian (Samedi 12 septembre)
Pour avoir tenté de se suicider, un homme se retrouve interné dans un établissement psychiatrique. Amnésique, cet étrange patient a la capacité de transmettre de manière incontrôlable ses cauchemars dans la tête des personnes qui l’entourent...
Petite perle de série B horrifique de 1982 perdue on ne sait où et repêchée par L'étrange festival (pas de DVD chez nous, une pauvre zone 1, une VHS qui doit maintenant être introuvable...), Rêves sanglants valait assurément le déplacement. Sur un pitch proche du Scanners de Cronenberg (la guerre de clans télépathes en moins) et de l'influence Hitchcockienne (montée crescendo du suspense, rigueur et efficacité de la mise en scène malgré un petit budget qu'on devine serré (avant ça, le réal' fut chef décorateur sur Alien. A la bonne école donc), influence du personnage castrateur de la mère proche de Psychose (et encore mais je ne vais pas dévoiler trop à ce sujet), Christian assure un film sous-estimé qui ne doit pourtant rien à envier à ses influences et lointains cousins cinématographiques. Et malgré une copie bien rougeâtre et accusant les ravages du temps (ouh les jolies griffures...ça m'a rappelé les copies dans un état similaire à la cinémathèque de la fac), on distinguait nettement le travail efficace du chef de la photographie. Et on adjoint à ça un Trevor Jones à la musique, mélancolique et efficace, un an après son travail sur Excalibur et juste avant Dark crystal. Un perle je vous dis. Et apparemment ça sort en blu-ray dans une édition de pauvre. On me dira, oui mais y'a le film au moins... Oui mais c'est toujours pas pour nous, pffff....
Et hop, les 5 premières minutes du film. :3
Jodorowsky's Dune - Frank Pavich (dimanche 13 septembre)
Dès sa sortie en 1965, le livre de Frank Herbert s'impose comme un succès et une oeuvre culte de la SF. En 1975, le producteur Michel Seydoux persuade Jodorowsky d'en faire un film. Ce dernier sans même avoir lu le livre, accepte. Et charge Moebius de lui en faire un storyboard extrêmement détaillé. Plus le projet avance, plus il commence à prendre une certaine démesure que le documentaire arrive tout à fait à faire comprendre (d'autant plus que l'artiste qu'est Jodorowski est assez drôle à dévoiler anecdotes et souvenirs persos avec une sincérité toujours aussi étonnante. J'étais déjà au courant depuis un moment de ce qu'aurait pu être ce grand film jamais fait à la fois via Jodorowsky tout comme Moebius et d'autres mais de voir là les images et photos qui retracent tout ce processus créatif, ça reste follement dément). Une démesure aussi bien à l'échelle du génie du livre que de la folie créatrice de Jodorowski. Et celui-ci d'embrigader son jeune fils, Brontis, déjà vu dans El topo pour qu'il apprenne les arts martiaux et ait un entraînement ardu de 6h par jour. Et d'embaucher en plus de Moebius, Dan O'Bannon, Chris Foss et H.R.Giger (des talents que l'on retrouvera dans Alien et où plannera d'ailleurs une partie de l'énorme influence du Dune de Jodorowski, voire même encore aujourd'hui sur Prometheus. Ce que je soulevais par recoupements et diverses recherches dans ma chronique se retrouvant confirmé en partie ici dans ce documentaire --un truc de fou, j'ai payé personne en plus) et de vouloir un casting ultra complet avec à la musique, Pink Floyd et Magma et en guests ultimes, Dali et Orson Wells, auxquels le cinéaste doit ruser fortement pour les faire venir sur le futur tournage (allant même jusqu'à proposer à Wells d'embaucher son chef cuisinier !)...
Qui finit par prendre l'eau de partout, aucun studio ne veut de ça, trop risqué, trop complexe, trop en avance, trop cher, trop long (Jodo' prévoyait un film de près de 12h...), trop fou sur son temps. Il faut donc le voir pour le croire, à la fois si on aime Dune, Jodorowsky mais aussi la Science-Fiction dans son ensemble pour voir tout ce que ce non-film aura inséminé malgré lui (les storyboards, dessins et peintures seront regroupés dans un gros livre distribué à chaque studio... Il n'en existe aujourd'hui plus que deux de par le monde). Après cet échec, Jodorowsky saura rebondir avec l'Incal où il transposera une bonne partie de ses visions avec Moebius, puis au cinéma, avec le rare Tusk puis Santa Sangre, mais ça, c'est une autre histoire...