Jessie
Par curiosité, par amusement, par amour peut-être, Jessie s'est longtemps prêtée aux bizarreries sexuelles de Gerald, son mari. Puis un jour, elle s'est rebellée. Débattue. Avec une violence qu'elle ne soupçonnait pas. Et à présent la voilà nue, enchaînée à un lit, dans une maison perdue, loin de tout. Un cadavre à ses pieds... Un mauvais rêve ? Non. L'horreur ne fait que commencer. Et jamais le maître de l'épouvante ne nous a encore emmenés aussi loin dans la terrifiante exploration de nos phobies et de nos cauchemars...
Après Danse macabre, j'ai voulu passer à un Stephen King plus long, faisant partie de ces livres qui m'avaient toujours intimidés. Cujo, Le fléau ou... Jessie que je n'ai encore jamais lu, que je repoussais toujours un peu constamment. Mon choix s'est porté sur Jessie finalement et je ne l'ai pas regretté malgré un point de non-retour éprouvant que je n'avais encore jamais éprouvé avec le King jusqu'ici (ou alors je ne me rappelle plus des sensations ressenties sur d'autres pavés du maître).
Avec Jessie en 1992, le maître du suspense pose clairement un défi tant à lui-même qu'à ses lecteurs.
Difficile en effet de bâtir un huis-clôs sur une femme enchaînée pendant près de 90% du livre dans une chambre et que nos perceptions en restent au même état que Jessie Burlingham, dans l'univers que compose la chambre du petit chalet de vacances près du lac. Et pourtant King réussit incroyablement son pari, ce qui n'était pas gagné d'avance on se l'imagine. Jessie inaugure pour le King un abandon, disons, une envie de mettre un peu plus de côté le fantastique et l'épouvante pour traiter un peu plus de l'horreur psychologique, celle qui, parfois, sous couvert de banalité, vous fera bien plus peur que les tentacules et autres choses flasques et visqueuses. Misery en 1987 était déjà une porte ouverte entre les pavés que constituaient ça et Les tommyknockers. Avec Jessie puis Dolores Claiborne qui revient également sur la fameuse éclipse totale de soleil des années 60, également ici élément central et pivot déterminant de l'intrigue, King fournit une sorte de diptyque de portraits de femmes dans un lieu (Le Maine, évidemment, sa chère région) où les souvenirs et les êtres vont se télescoper à un point étrange (Jessie enchaînée à la vision d'une vieille femme à un moment, vision qui fait référence à Dolores Claiborne) sans qu'il ne soit nécessaire de lire les deux romans (lesquels sont d'ailleurs deux histoires différentes).
Concrètement Jessie versera grandement dans l'introspection, King utilisant le système des voix intérieures pour expliquer la psychée de son héroïne afin de remonter à un évènement traumatique de son enfance d'où tout à découlé et de fait ensuite, tenter de remonter la pente et essayer de s'en sortir. Certes, King nous fait régulièrement part des pensées de ses personnages dans une bonne partie de ses romans mais on marche d'autant plus que Jessie risque de sombrer de plus en plus dans la folie avec le temps qui passe, le corps qui se tord de plus en plus de crampes, la faim et surtout la soif qui se font très vite jour... On navigue donc constamment dans la tête de Jessie (les souvenirs et le passé) tout en restant auprès de son corps (le présent de cette chambre devenue très insalubre).
Et ça marche, King nous tient en haleine avec toutes les ficelles, parce qu'il reste un grand conteur.
On reste donc accroché aux pages même si l'on sent un peu la longueur parfois et l'on se dit qu'elle va s'en sortir, que ça ne pourra pas être pire. Et pourtant, ça devient petit à petit de pire en pire. D'abord avec ce cadavre à ses pieds, celui de son mari, victime d'une crise cardiaque au moment où il ne fallait pas qui commence à pourrir lentement. Puis ce chien errant qui n'a pas mangé depuis plusieurs jours et qui commence à être attiré par l'odeur au point de s'enhardir de plus en plus. Sans compter les péripéties de Jessie pour obtenir de l'eau sur une des tables de chevet alentour du lit avec la maigre marge que lui laissent les menottes. Et puis dans la nuit, cette tête à peu près humaine aperçue dans un coin de la fenêtre... Un rôdeur ? Une hallucination ? Et quand la présence commence à se profiler dans l'entrebaillement de la porte et qu'on s'aperçoit qu'elle a des bras plus longs que la normale, et une malette en peau humaine avec dedans des bijoux et des ossements, serait-ce la mort en personne ?
Bon je n'en dis pas plus héhé. Malgré un sentiment un peu de longueur à l'approche de la fin c'est assez impressionnant. Excellent roman de King. Peut-être un de ses meilleurs mais je suis loin d'avoir tout lu.