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Chroniques visuelles
24 octobre 2019

Once upon a time in Hollywood

 

chro7

 

 

A la vue de la nouvelle livraison de Tarantino, il est évident que ce film va directement diviser le cinéaste avec son public et les cinéphiles. Ou tout simplement, Tarantino ne fait un film qu’en direction des cinéphiles, et seulement eux, serait-je tenté de croire. Deux heures quarante et une minute de film que certains vont clairement sentir passer (la petite minute en plus c’est pour le petit gag en noir et blanc du générique de fin si vous restez jusqu’au bout héhé).

 

Ce qui ne fut pas mon cas tant j’ai adhéré pleinement à ce buddy movie gorgé d’hommage au cinéma, à Hollywood et à son propre égo (parfois aussi gros que son menton, hihi) où Tarantino se paye le luxe de faire référence à son propre cinéma, histoire de s’inscrire dans le grand cycle incessant du 7ème Art. Or là où chez Gaspard Noé dans un « Love » ça m’a tout proprement énervé (et je reste poli), ici ça passe.

 

Di Caprio qui calcine du nazi, ça sent bon les réminiscences au napalm de Inglorious Basterds, voyons (et je ne suis pas spécialement un défenseur du film à la base). Le capot de la voiture en gros plan ou bien les pieds filmés de ses héroïnes, ça rappelle directement Boulevard de la mort (Là non plus. D'ailleurs c'est l'un de ses films que je vois le moins. D’ailleurs euh, mollo sur les plans de pied Quentin, tout le monde n’a pas ton fétichisme plantaire (1)). La violence inhérente aux films du réal ? Elle passe ici largement en sourdine, au second plan, Tarantino ne la réservant que pour quelques fulgurants moments qui font mal vers la fin.

 

Quentin commencerait-il à s’assagir avec l’âge ?

 

C’est probablement tout le bien que je lui souhaite tant ici le film semble planer sur une bulle euphorique et mélancolique, ne cachant pas le virage que prend ici la société américaine en 1969, rattrapée non seulement petit à petit par les soubresauts extérieurs (la guerre du Viet-Nam) que ceux, plus profondément intérieurs de son Histoire (1969, c’est bien sûr le drame horrible lié à Sharon Tate mais aussi en décembre de cette même année, le festival tragique d’Altamont qui marque définitivement la fin des illusions hippies).

 

La décennie 70 sera ainsi marquée d’une violence et d’un désenchantement brutal qui pourtant occasionneront la naissance d’immenses cinéastes (2). D’ailleurs à la violence de sa propre société, Tarantino choisit de masquer celle de son cinéma, ne la rendant que plus forte quand elle explose à la fin comme je l’ai écrit plus haut, faisant preuve pour le coup à mon sens d’une vraie subtilité. Une manière de répondre logiquement à l’une des phrases des hippies sectaires et violentes de Manson quand elle déclare que finalement nous ne sommes que le produit de cette société violente qui nous élève au biberon avec du meurtre à la télé constamment. J’ai eu l’impression que dans les scènes qui suivent ça (et que je ne spolierais pas comme à mon habitude Taratata), le cinéaste retourne ça à sa manière (bourrine donc) comme une manière de dire « non, c’est vous qui êtes endoctrinés, c’est vous qui reproduisez la violence pour vous l’approprier et êtes les purs produits de celle-ci et je vais vous montrer ce qui aurait pu tout aussi bien se passer si vous et cette société que vous décrivez n’étiez pas aussi malades ».

 

Car il ne faut pas s’y tromper, le film est à la fois un hommage et une représentation rêvée de Hollywood et du cinéma américain en cette fin de 60’s.

 

Tarantino exacerbe volontairement ce monde, imaginant une série télé n’existant pas mais qui, inspirée d’autres, aurait très bien pu. Des giallo et westerns-spaghettis italiens à sa façon ? Il va le faire, affiche incluse, se permettant même lors d’un arrêt sur l’image de restituer à sa manière généreuse les coulisses (avec une petite flèche rigolarde sur la voiture et dire « Brad Pitt, il est caché ici ») du cinéma. Alors comment prendre au sérieux dès lors son Bruce Lee arrogant qui se prend une tatanne dans la tronche qu’il avait pas vu venir. Un rêve de gosse. De sale gosse. Qui au fond m’a réjouit. Le cinéaste pourtant ne ridiculise pas à mon sens Lee (même si c’en est une représentation évidemment pas réaliste, pas mal de critique manquant de recul étant donc tombé dans le panneau) puisqu’on le voit même entraîner Sharon Tate a quelques prises de kung-fu, ce qui est véritablement arrivé dans la vraie vie, oui. (3)

 

J’ai parlé de buddy movie plus tôt ?

 

Oui c’est un film de potes.


Un film sur l’amitié indéfectible entre un acteur et son cascadeur, copains comme cochons, quitte à bazarder la Grande Histoire en la sabordant par la petite. Et c’est touchant. Tous les acteurs sont formidables, on s’amuse même à rechercher la « Tarantino crew », sa bande d’acteurs potes durant tout le film, même s’ils n’apparaissent que pour de petits caméos (coucou Michael Madsen, coucou Zoë Bell, coucou Kurt Russell…). Et oui, on a même des séquences très humaines, ouvertes et qui sont gorgées d’émotion (ahhh Margot Robbie qui revoit son film à l’écran avec ses lunettes et mime les mêmes gestes en se marrant, se rappelant que le tournage n’était pas si loin).

 

Mais surtout il y a Brad Pitt et Leonardo DiCaprio.

 

Et ces deux là ont atteint un tel jeu d’acteur, une telle plénitude que le plaisir est immense.


DiCaprio en Rick Dalton hyper-sensible, écorché vif, au bout du rouleau de plus en plus, constamment en train de douter, se rendant bien compte qu’il vieillit, qu’il devient un has-been (toutes les scènes où il est avec la jeune actrice Julia Butters relèvent du génie).

Et Brad Pitt, nonchalant, pragmatique mais cachant une blessure secrète au fond de lui, mélancolique, désabusé (on apprendra qu’il a un passé chargé mais Tarantino ne s’appesantit pas dessus et c’est tout à son honneur) et qui semble se confier uniquement à sa chienne Brandy, qu’il adore plus que tout (nan mais Brad Pitt avec son toutou chez Tarantino, c’est du régal, je fonds moi). Forcément les deux sont énormes, complices de bout en bout.

 

Alors oui au final on reconnaîtra qu’évidemment Once upon a time in Hollywood est un film à part dans sa filmographie. Et oui j’approuve les rares fois où le cinéaste sort de son ironie ou de son cynisme parfois envahissant pour proposer de l’humain, de la chaleur humaine (Jackie Brown, Presque tout Kill Bill vol.2), de l’émotion. Oui le cinéaste ne s’adresse qu’aux cinéphiles ici et à ceux qui sont passionnés de cinéma (on peut être passionné sans se reconnaître dans la cinéphilie and that’s ok). Oui le réal délaisse ici les bons jeux de mots et les dialogues à sa sauce pour rester dans une déambulation mélancolique qui rejoint certains films d’auteurs. Oui le film m’a laissé dans une sorte de bulle euphorique personnelle… qui ne sera pas forcément celle de tout le monde j’en ai bien conscience. Il fait en quelque sorte son film de noël. si, si.

 

Parce que finalement dans le fond, Tarantino ne dit rien. Mais il le fait si bien.

 

C’est juste pour la beauté du geste, à l’image de ces tours qu’on construit avec des petites pièces de bois, les kapla (ou Jenga pour ne se limiter qu’à l’aspect tour en lui-même), qu’on admire avec fierté juste avant l’inévitable chute parce qu’un autre gamin aura poussé le tout volontairement. Tarantino filme comme un gosse un monde qui le fait rêver, il l’idéalise, le coupe d’une part de sa réalité et s’attends à ce qu’auprès du reste du monde, le tout chute, se réservant pour lui-même et ceux qui voudront bien le suivre cet unique moment, celui d’avant la chute et le retour à la réalité : l’extase.

 

======

 

(1) Anecdote fun fact : Une fois avec des amis, passablement éméchés, nous avions émis l’hypothèse que Tarantino serait capable de faire un film expérimental à la Warhol pendant plus de deux heures avec que des gros plans de pieds et aucune histoire. On a bien ri ce soir là comme des abrutis. Mais devant ce genre de film en réalité, on se ferait sacrément chier.

 

(2) Avant un second revirement pop, série B et cocooning promu à fond, esthétique synthétique métallique et de néon par les années 80. Une mode ou une évolution en chasse une autre, c’est comme ça dans le cycle de l’humanité, faut s’accrocher… Mais je ne vous apprends rien hein ? :)

 

(3) Ce qui est le cas sur « Matt Helm règle son compte » (The Wrecking Crew - 1968) avec Dean Martin, Elke Sommers et Sharon Tate où cette dernière apprit du grand Lee quelques prises d’arts martiaux. Une manière aussi de montrer que Tarantino respecte à sa manière le personnage.

 

Deux petits points en plus en forme de Post-scriptum aussi tiens.



(4) J'ai même pas parlé de la musique, ben c'est excellent une fois de plus chez Q.T.
Rien que ce morceau de fin par exemple, ouais <3 : https://www.youtube.com/watch?v=Bc6ssKCZ-9U



(5) Pour ceux et celles qui seraient un brin choqué(e)s des hippies et leur rapport au sexe dans le film, je leur conseille de lire la biographie de Pamela Des Barres, pure groupie de cette période 60's,70's qui raconte un peu tout côté potins de cul dans le monde de la musique. c'était "la minute Closer" de cette chronique. *badumTss*

 

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