Quelques notes sur une poignée de films sortis en salles...
Oh, hello ! Bonne année 2020 !
C'est qu'avec le covid, le confinement, la fin du monde... Enfin bref, 2020, on en oublierait quasiment de mettre à jour son pauvre petit blog. Hmm, bon ce fut le cas. Surtout qu'on a dépassé le milieu de l'année 2020 et que je n'ai aucune excuse pour les quelques âmes qui me suivent encore ici bas. D'un autre côté, suite au confinement je n'ai pas chômé d'une certaine manière. Et même qu'après, grâce à quelques âmes généreuses qui prévoyaient une possible seconde vague/reconfinement, on m'a même crée un compte Netflix. Oui, Netflix, la porte ouverte pour l'Antéchrist et tout abandon de vie sociale, je le crains. Ce qui, vu l'état actuel de notre civilisation n'est en fait pas si mal.
Cela dit, histoire de rallumer une nouvelle fois mon pauvre blog qui n'en finit pas de mourir (lol), voici quelques notes sur des sorties vues en salles de ciné, oui, devant un grand écran noir et une vraie salle de ciné, bien avant... et après le confinement, histoire de remettre les choses à plat (n'en doutons pas, le bilan culturel, et pas que cinéma, de cette année 2020 est assez flippant) et repartir un peu de bon pied.
Voilà un film que j'aurais aimé défendre et qui me laisse au final mi-figue, mi-raisin.
Qui partait brillamment pour inaugurer l'année 2020 avec un sujet fort décliné de l'affaire Weinstein sous le prisme de son actrice et « héroïne » féminine : Sous un patriarcat toujours aussi puissant et ses pratiques de rabaissement et d’humiliations sexuelles dorénavant mieux connues, jusqu'où une jeune femme peut-elle aller pour accepter un rôle au cinéma ? Que peut-elle accepter pour décrocher le métier de ses rêves et se fondre dans l'industrie de l'illusion ?
Midi Z (1), réalisateur taïwanais, co-écrit le film avec son actrice principale Wu Ke-Xi et l'on sent du coup non seulement un certain vécu intérieur mais aussi la volonté de décrire le milieu d'une manière froide, détachée, réaliste. Et pour cela, et c'est tout à son honneur, le réalisateur va se doter d'une mise en scène cadrée parfois au millimètre près, d'un travail brillant sur le son (littéralement étouffant et c'est voulu) et d'une narration tour à tour Resnaienne (2) voire Lynchienne sur l'entrelacement entre réalité, rêve et mise en abîme du cinéma (où la frontière entre réalité et rêve est déjà trouble).
Nos deux compères décrivent ainsi la froide chute d'une jeune femme déjà fortement émotive et angoissée dans un milieu qui va d'emblée la serrer dans son étau : de son agent qui la pousse gentiment sur le film (elle n'est pas obligé de le tourner étant donné qu'il y a une scène de sexe implicite en plein milieu, d'un autre côté il lui fait miroiter un peu trop le film avec l'évidence de suffisamment d'argent à la clé et d'une route pavée de succès qui s'offrirait à elle par la suite (3)) en passant par le réalisateur (froid et sadique et prêt à la sacrifier sur l'autel de l'Art) et un producteur bien salopard et véreux.
Vous me direz que la barque est déjà bien chargée à ce stade, surtout que dans son entourage proche, ça manque singulièrement de compassion (sa famille a déjà bien des problèmes à gérer dont des dettes pour le père et un accident cardiaque pour sa mère sans compter son ex copine qui ne répond jamais à aucun de ses messages sur répondeur) mais en soi curieusement, ça passe.
Et ça passe subjectivement, parce qu'à l'embriquement narratif, le réalisateur ajoute un petit côté thriller (si Nina ne le comprend pas tout de suite, le spectateur se doute que quelqu'un lui cherche des noises) en plus d'avoir retiré des cases du puzzle du film sur certains éléments que Nina a occulté de sa mémoire. C'est cette contextualisation progressive du traumatisme à l’œuvre qu'on replace lentement par indices tandis que l'héroïne perd pied qui permet de rester captif du film, de son étouffement dans la psyché de son héroïne et passionne intelligemment par les non-dits (qu'on imagine plus violent encore que ce qu'on perçoit déjà à l'écran).
Pourtant cet art de la suggestion et de la subtilité d'un réalisateur qui a l'intelligence de faire confiance à son spectateur s'effondre (et tout le film avec lui) dans ses 10 dernières minutes (4) qui se vautrent largement en mélangeant vérité et voyeurisme avec lourdeur et dolorisme (et ne le cachons pas une certaine bêtise). Dans sa tentative de démontrer ce qui s'est passé le jour des auditions, tout ce qui était suggéré hors-champ se barre en couille, achevant de démontrer une réalité et une humanité pourrie jusqu'à la moelle et très proche de l'actualité, trop proche pour en être passablement ridicule en soi.
Là où le film reposait encore fragilement sur son équilibre en aiguillonnant le spectateur tout en ne franchissant jamais le fil rouge, le cap est allégrement franchi au final, achevant ce qui aurait pu faire un grand film sur un truc misérabiliste, irritant et frustrant, laissant en soi un sacré gâchis.
Bon sang, sacrément dommage.
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Oui oui c'est un pseudonyme. Pourtant il n'y a pas de quoi s'inquiéter pour son véritable nom de naissance, Kyawk Dad-Yin qui, pour nous occidentaux n'a rien de ravalant. La réponse est probablement à chercher du côté de sa filmographie certes plus politique et engagée...
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Il faut bien créer un adjectif pour tous ces films où les réalisateurs ont été inspirés depuis des décennies par un Marienbad, un Muriel, un Hiroshima mon amour ou Un je t'aime, je t'aime, tous signés d'Alain Resnais. Si ça se trouve l'adjectif existe déjà.
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L'agent disparaît ensuite de tout le film, laissant un sous-fifre accompagner Nina, le nez souvent plongé sur les jeux de son téléphone portable. Une manière de gérer avec sa culpabilité en envoyant son artiste dans la gueule du loup ?
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Ce n'est qu'un avis personnel mais moi – et là je m'adresse à ceux qui ont vu le film et comprendront-- j'aurais probablement coupé pile au moment de la scène du téléphone portable pour enchaîner sur un fondu au noir avec juste les voix pour imaginer ce qui s'est passé ce jour là à l'audition. Et même si le procédé a fait ses preuves et n'est pas nouveau (le final de « Répétition d'Orchestre » de Fellini par exemple), ça aurait été incisif et glaçant, assurément.
Bon je voulais activer dès le départ ici le mode « Mini chro' » les zamis mais en fait ce ne sera involontairement pas le cas ici non plus.
Parce que bon, j'avoue ne pas être non plus un grand fan de Shinkai et sa dernière livraison m'a laissé un peu pantois (deuxième film de l'année qui me fait cet effet... J'attends le troisième pour savoir s'il faut que je consulte sous peine de déprime invisible labellisée 2020 sous-jacente). Autant le dire, il fut un temps où je fus fâché avec le réalisateur, et ce dès son premier long, « La tour au delà des nuages » (2004 ... Et chroniqué ici en ces lieux tiens) qui n'exploitait pas vraiment son formidable potentiel (une uchronie similaire à celle d'un Maître du haut-château de Philip.K.Dick) au profit d'un triangle amoureux inavoué et platonique entre 3 jeunes (deux garçons, une fille). Je ne me suis vraiment réconcilié avec le bonhomme qu'avec Your Name. Ce dernier n'était pas parfait non plus mais équilibrait idéalement l'histoire d'amour avec le drame science-fiction en toile de fond jusqu'à donner aux deux la juste part qui leur revenait, c'est à dire les mêlant tous deux adroitement au premier plan.
On ajoutait à ça une empathie bienvenue et de l'humour qui faisait passer sans problème les rares gags lourds à base de nichons (une obsession de l'auteur un peu gênante qui n'était d'ailleurs pas à l’œuvre sur ses premières travaux si je me rappelle bien) et une bande-son un brin « binaire » (pour montrer que là c'est triste hop un peu de piano (1), tout va bien dans ta vie hop de la pop-rock indigente japonaise à 2,3 reprises (2), ça s'accélère y'a un peu d'action, vite rajoute un peu de beats électro.... et c'est tout). Mais ça allait car au sens noble, Makoto Shinkai venait de réussir un vrai divertissement populaire pour tous, petits et grands qui de plus dans son histoire se rapprochait plus ou moins d'une véritable catastrophe nationale, j'ai nommé Fukushima de bien sinistre mémoire.
Avec Les enfants de la pluie (3), Shinkai va traiter du réchauffement climatique en mêlant à nouveau la pluie (déjà toile de fond narrative de The garden of words en 2013) à l'honneur en en faisant la nouvelle catastrophe probable qui s'abat sur le Japon. Pourtant avec de bonnes idées de départ, le réalisateur semble perdu d'emblée, ébauchant à peine certains concepts (par exemple les « poissons d'eau » entr’aperçus dans les rues ne serviront à rien dans l'histoire), les liant pour la base poétique de son film sans finalement aboutir à quelque chose (la fin du film elle-même semble un renoncement spectaculaire façon « ah mais bon ça va tant qu'il y a de la vie y'a de l'espoir »... Ah ouais, même si le monde et l'humanité disparaît quoi, on va pas trop faire grand chose, OK...).
On retrouvera également, sans cette fois que ça serve vraiment à l'histoire un héros qui ne peut s'empêcher de regarder les poitrines féminines (une fois on sourit, c'est maladroit, réutilisé plein de fois ça devient un effet de style pénible dans le film, c'est bon Makoto on a compris, tu peux arrêter les coups de coude au spectateur masculin jeune japonais qui lutte généralement avec sa libido et à qui s'adresse en partie ton film) et une musique « binaire » comme expliquée précédemment sauf qu'ici le cocktail sera largement 30% piano basique et 70% rock-pop indigent et pauvre franchement pète-couille et mixé à fond pour bien t'exploser les oreilles de joie au cas où t'aurais pas compris que la-vie-malgré-tout-elle-reste-belle-youpla-boum-youpilong (4) ! Raaah pitié. J'ai crû mourir.
Et qu'on m'explique pourquoi de plus en plus pour montrer une sensation de liberté extraordinaire qui te transcende dans l'animation japonaise de ces dernières années on fige une ou deux personnes dans le vide au déjà du ciel et des nuages comme dans une sorte de suspension ? Surtout si c'est pour faire tourner ça en figure de style déjà vue et revue d'un film et d'un réalisateur à un autre et que au final ça n'apporte plus grand chose tellement le procédé tourne au cliché. Je m'explique, on voyait déjà ça en 2018 chez Mamoru Hosoda sur Miraï ma petite sœur, on le voit également ici en 2020 sur Les enfants du temps de Makoto Shinkai et je crois qu'on le voyait aussi probablement dans Your Name. Alors quoi ? On copie par dessus l'épaule de ses petits camarades de l'animation ?
En soi ce n'est pas une scène proprement nouvelle dans l'animation, il faut remonter à la descente suspendue (5) de Pazu et Sheeta dans Le château dans le ciel (1986) de Hayao Miyazaki, quand nos jeunes héros sont poursuivis par les pirates et tombent lentement dans l'immense puits noir, soutenus par la puissance du cristal que Sheeta porte au cou pour sentir toute la magie qui se déroule là. Miyazaki suspend littéralement le moment, faisant fi de la gravité pour apporter une grâce toute personnelle et simple à travers ces enfants qui se prennent à rire de joie et de bonheur en voyant que leur chute ne sera plus mortelle mais qu'elle les envoie dans une obscurité salvatrice (ils échappent aux pirates et aux ignobles inconnus) et magnifique (dans le noir le plafond de la grotte s'illuminera de multiples roches comme autant d'étoiles). Le réalisateur poussera l'acmé de cette chute qui est sienne en en faisant une révélation d'espoir et de bonheur final, comme une délivrance magique émouvante dans Le Voyage de Chihiro (2001 et je m'arrête là sinon je spoile), c'est dire. Un peu triste dès lors que des générations de passionnés qui vont ensuite travailler dans l'animation n'en retiendront que ça au final : une figure, déclinable au gré de multiples films par de multiples réalisateurs pour rabaisser un moment unique à quelque chose de déjà vu et revu.
Du coup, je râle je râle mais le film se révèle assez regardable n'allez pas dire que j'en dis que du mal non plus. Et puis personnellement, voir ces immenses cumulo-nimbus disposant d'un peu de verdure au sommet (un autre monde inédit que Shinkai ne développe pas plus non plus hélas, les réduisant à un simple décorum impressionnant et joli mais vide, décidément) m'aura permis de me replonger dans les peintures de paysages majestueux de Roger Dean (6) où les rochers flottent dans les airs par magie (7), où la roche se fait comme éclaboussée et gicle en de multiples endroits et où les cavernes et montagnes se dressent comme des cumulo-nimbus de pierres majestueuses qui nous happent au premier coup d’œil avec bien plus de consistance. Sans espérer qu'on ait un nouveau Miyazaki comme beaucoup l'espèrent sur le web à travers Shinkai, je dirais que pour les quelques sympathiques à-côtés que le film procure, ma foi, c'est déjà ça.
1.Et du truc basique avec quelques notes seulement pour effet probablement de créer du minimalisme mais même faire de la musique un brin minimaliste avec un piano ce n'est pas ça.
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Écoutez par exemple les merveilleux disques de Maaya Sakamoto produits ou non par Yoko Kanno puis écoutez les chansons de Your Name et surtout Les enfants du temps, vous allez en tomber de votre chaise au vu du fossé médiocre qu'on a.
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Le titre original est Weathering with you, que l'on pourrait probablement traduire maladroitement par « faire la météo avec toi » tant le terme initial « weathering » mis à part de sa racine de base, le mot « weather » qui désigne le climat météorologique signifie en fait basiquement l'érosion.
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Que William Sheller m'excuse, je le referais plus.
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Remonter la descente : il n'y avait que moi pour tenter ça.
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Les nombreuses pochettes signées pour le groupe YES par exemple.
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Une possible inspiration pour le Avatar de James Cameron par ailleurs.
Bon là, heureusement ou malheureusement, on va faire court. Une vraie mini-chro comme prévue initialement dans ce post.
Mi-comédie satirique, mi-dénonciation de la guerre et de la propagande par la psychée d'un enfant décalé, tout le film peut en fait se percevoir comme un conte étrange bien loin de la réalité de la guerre (les rues de cette petite bourgade allemande sont bien propres et curieusement pas trop touchées par le conflit) avant que celle-ci ne viennent tout rattraper. L'intelligence du film est d'assumer tout ça et finalement d'être l'histoire d'un gamin qui va grandir dans un monde inconnu et apprendre à devenir adulte avant l'heure. Et c'est beau (et drôle aussi).
Du coup pas le film de l'année (qui débutait encore à ce moment là, avant que le covid nous tombe sur la gueule) mais une simili comédie dramatique plus riche et subtile que prévue même si je comprends que de nombreux gimmicks humoristiques du film soient ressentis comme un peu "lourds" pour certains spectateurs. Mais oui, un bon moment.
Celui-là pour le coup je regrette sur l'instant d'avoir un avis court parce que je trouve qu'il y aurait beaucoup de choses à en dire.
En l'état j'ai adoré le film. Adoré.
Probablement ma première vraie excellente séance post-covid-confinement, surtout que je n'en attendais rien à la base.
"En avant" dispose d'une vraie relation frangin mise en avant, du fait de trouver sa place dans l'adolescence mais aussi une nouvelle école (à rapprocher de Vice-Versa), de mettre en avant la nécessité de lier l'historique au moderne (ou à la technologie) en n'oubliant ni l'un ni l'autre, de questionner la place du mythe (via le jeu de rôle comme le parcours d'aventure) face au réel et de toucher au coeur comme souvent avec Pixar en parlant cette fois-ci de l'absence d'un être cher. Mine de rien à l'instar justement de Toy Story on parle du deuil et de la mort avec une subtilité qui fait honneur au studio. Et il y a une vraie tendresse pour les jeux de rôlse et l'héroïc-fantasy qui transparaît alors que je suis plus SF mais ça passe complètement. Enfin les rares scènes d'action démontent largement ce que fait un Dreamworks mais ça c'est un peu normal quoi venant de Pixar.
Bref que du bonheur.