YES (Aymeric Leroy)
« Au delà de l'originalité que constitue l'abandon total des carcans pop au profit de formes systématiquement longues, « Close to the edge » se singularise, musicalement, par l'utilisation et l'appropriation d'éléments de vocabulaire encore largement inusités en rock à l'époque, principalement apportés par Steve Howe et Rick Wakeman ».
(p.110)
Après les films, une série, le jeu vidéo, une petite chronique musique. Ou plutôt d'un livre sur la musique. Un livre de musique. Enfin, sur un groupe de musique. On va y arriver...
Né en 73, Aymeric Leroy s'est très vite penché sur le rock progressif. On pourra même dire qu'il est tombé dedans à l'instar d'Obélix dans la marmite de potion (rock) magique. Auteur de nombreux écrits chez l'éditeur Le mot et le reste, il est également reconnu comme un spécialiste de ce qu'on a appelé « L'école de Canterbury » soit une des plus raffinées franges du rock progressif britannique qui emprunte également aux influences jazz et à l'avant-garde et dont un certain Robert Wyatt, légende vivante, fait partie.
Notre auteur se penche ici sur le groupe de rock progressif anglais, YES.
Et pour le fan du groupe que je suis, autant dire que c'est à proprement parler un vrai régal. Toutefois sachons faire preuve d'objectivité un peu : si le livre se révèle véritablement passionnant et riche de bout en bout il n'est pas parfait. Bien sûr on chipotera toujours sur des détails ça et là mais bon, autant dévoiler le tout franco non ? Surtout qu'ici il y a très nettement plus de positif que de négatif au point que je recommande d'emblée l'ouvrage à tous passionné du groupe avant même que la chronique ait débuté !
Déjà la richesse de l'ouvrage surprend agréablement.
Leroy s'est plus que documenté, cite ses sources, allant même jusqu'à interviewer longuement en 2009, Jon Anderson le mythique chanteur de l'entité bicéphale aux multiples batailles d'égos, batailles que l'écrivain, humblement et sans juger ni blâmer évoque régulièrement au sein des 347 pages que compte ce gros ouvrage. Car oui, l'histoire de YES n'a pas été à proprement parler un long fleuve tranquille et n'importe quel fan un peu au courant vous en parlera, ça se ressent même depuis la genèse et l'écoute finale d'une bonne poignée d'albums. YES ça aurait pu s'appeler par moment « LOVE & HATE », voire même « No » pour reprendre la boutade initiale d'un Anderson qui créera le temps d'un album avec d'anciens membres du groupe alors, le « Anderson Bruford Wakeman Howe » en 1989, entité crée en réaction avec le YES du moment des 80's (où Anderson était d'ailleurs lui-même dedans 2 albums avant!). Album que Leroy n'oublie nullement de même que la tournée des disques solos de chacun des membres en 75 après l'indépassable météore de granite noir taillé façon monolithe insurpassable Kubrickien qu'est l'album « Relayer », sorti en novembre 74.
Presque tout est évoqué : l'avant YES par le biais des parcours et de la rencontre de ses deux créateurs initiaux, Chris Squire (basse) et Jon Anderson (chant) ainsi que leur vision musicale ; l'intégralité de la discographie jusqu'à une date très récente (« Heaven and Earth » (2014) est ainsi cité et l'on évoque même la version « alternative » de « Fly from here » (2011) à paraître en 2016 dans le livre et qui ne sortira finalement en fait qu'en 2018) avec à chaque fois donc plusieurs pages sur la création de chaque albums sans oublier les périodes de parenthèses du groupe et même un chapitre final sur les albums live que ce soit purement audio ou audio et visuel, des compléments annexes, un récapitulatif chronologique des diverses périodes. Et comme souvent avec les livres de cet éditeur, de belles photos des pochettes et des photos des membres du groupe à telle et telle période.
Sans compter que les paroles (qu'on a souvent jugées purement ésotériques) de Jon sont amplement décortiquées, de même que l'aspect purement technique de la musique, et ce, en restant toujours clair et sans jamais perdre son lecteur dans un jargon trop compliqué (surtout pour la grande majorité de passionnés non musiciens qui liront l'ouvrage), bref, on touche tout bonnement au sublime et je ne peux que saluer une nouvelle fois tout le travail de Leroy, véritablement « roy » en ce royaume (1).
Bon, évidemment la perfection n'existe pas en ce bas monde (2).
Et s'il est évident que Leroy se concentre grandement sur l'âge d'or du groupe, les années 70 bien sûr, il est un peu dommageable que passé cette décennie magique, on ait l'impression que l'auteur ne veut pas forcément s'attarder sur pas mal d'albums qui viennent, réduisant et l'analyse et les anecdotes musicales. Qu'un « Fragile » ou « Close to the edge » (reconnu comme l'un des meilleurs albums de rock progressif, à juste titre) aient 10 et 12 pages recto-verso (soit 20 à 24 pages), c'est normal bien sûr. Vu la richesse inépuisable de ces disques et leur inscription à ce titre plus qu'historique dans le paysage rock de l'époque comme d'aujourd'hui, c'est bien sûr même essentiel je pense. Que l'auteur ne laisse que 2 pauvres pages sur « The Ladder » (1999) et « Magnification » (2001) me semble bien triste. Non pas qu'il faille juger dans la qualité de rendement du nombre de pages par rapport à tel ou tel disque attention, mais plus dans le statut accordé finalement au ressenti de tels disques surtout quand Leroy juge avec sincérité ce dernier, je cite, « l'un des meilleurs albums réalisés par Yes après son âge d'or » (p. 310). Ce que j'approuve également personnellement.
Alors bon ? Oui, cela pourrait passer pour un brin de chipotage à première vue. Cela l'est moins si l'on resitue le contexte de la subjectivité qui nous est tous propre. Pour ma part, je n'ai ni grandi dans les 50's, 60's ou 70's et j'appartiens à une décennie de plus de celle de Leroy. J'ai grandi dans les 90's avec non seulement l'apport culturel de l'époque mais aussi celui que m'a apporté mon popa (Pink Floyd, c'est lui qui m'a fait découvrir). J'ai donc découvert YES aussi bien dans leurs 70's que leur dernière période, le tout côte à côte alors que naissait l'Internet et ses fantastiques possibilités de liberté (du moins à l'époque, et ce même si les premiers modems étaient un tant soit peu limités). Et de même que j'allais pas mal emprunter en médiathèque (aussi bien en disque qu'en films ou BDs), j'en profitais aussi avec le net (3).
J'ai donc pu découvrir YES de chaque côté selon une même chronologie mise à plat et non dans une évolution assidue et suivie où j'aurais par exemple acheté chaque vinyle le jour de sa sortie. Du coup bien sûr avec le recul j'ai bien vu que les albums des 80's et surtout 90's et 2000/2010 de YES n'avaient bien évidemment pas tout le potentiel des 70's, leurs auteurs eux-même ont changé, vieilli, se sont adapté ou pas. Mais quand même. Il est donc dommage après coup de voir la portion de qualité rédactionnelle de l'auteur se limiter à ce stade sous prétexte que la musique aurait moins de force dans ces périodes (le comparatif entre l'âge d'or de Yes et ce qui a suivi est évident, pas besoin d'avoir fait bac+15) quand bien même on y trouve de fort belles choses qu'il serait bête de passer à côté.
Un autre détail qui a son importance, la restitution des critiques de l'époque, c'est à dire l'approche des journalistes musicaux et parfois du public de tel ou tel album au moment de sa sortie. Cela est parfois mentionné vite fait (surtout pour des albums qui peuvent par exemple être problématiques au sein des 70's dorés comme « Tormato » et « Tales from topographic oceans »), le reste du temps on en sait pas plus si ce n'est par le biais des charts musicaux US et UK. Or je n'aurais pas dit non de temps en temps à un retour du Melody maker (4) sur « Close to the edge », à celui de Best ou Rock & Folk (5) sur un « Going for the one », voire du NME (4) sur « 90125 ». Je demande pas grand chose hein, une petite coupure de presse, une citation de quelques lignes... la somme de travail de l'auteur est déjà énorme et passionnante comme ça hein, mais on aime bien toujours en avoir plus.
Voilà, voilà, quelques points de détails qui ne changent pas vraiment la donne, à savoir que cet ouvrage se lit comme un roman et s'avère donc indispensable pour tout fana du groupe.
Amis lecteurs intéressés, vous savez ce qu'il vous reste à faire...
Quand à moi je posterais bien des chroniques de quelques disques du groupe en ces lieux, tiens...
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Oui bon, j'ai pas pu m'en empêcher, pardon.
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Si, si. Toi là au fond d'ailleurs, range moi cet énième « Hot Rats » ou « Dark side of the moon » qui dépasse de ton sac, merci. Et ce même si ces disques à titres d'exemples s'approchent de la perfection pour ma part. :)
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Mais qui ne l'a pas fait à vrai dire ? Et qui ne le fait pas encore aujourd'hui tiens ?
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Magasines musicaux de la sainte Albion. Le NME exista de 1952 à mars 2018 pour sa version papier. Le site internet existe encore lui. Plus ancien, le Melody Maker exista de 1926 à 2000, signant par sa fin également la fin d'une certaine époque musicale notamment une partie des mouvements musicaux nés dans les années 90 qui ne passèrent pas vraiment les années 2000 comme le grunge et la britpop (qui ont survécu plus ou moins d'une certaine manière) et surtout le shoegaze. Une partie des journalistes du MM trouva cependant refuge chez le NME.
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Magasines musicaux français du coup. Best exista de 68 à 2000. Rock & Folk, lancé en 66 est toujours parmi nous (heureusement).