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Chroniques visuelles
26 mai 2012

Le vilain petit canard

 

Vilain_petit_canard_Bluray

 

 

Un beau jour dans une basse-cour, un oisillon bien différent des autres voit le jour. Coqs, poules, canards et oies se moquent de lui et le mettent rapidement à l'écart. Le vilain petit canard est chassé des lieux. Il découvre plus tard qu'il est en réalité un beau cygne...

 

J'avais un peu délaissé l'animation (quelle qu'elle soit) ces derniers temps, voilà une excellente occasion d'y revenir. Et à l'ancienne en plus, suivant le procédé du claymotion, animation de figurines (pâtes à modeler ou marionnettes) filmée image par image à l'instar des travaux du studio Aardman, Wallace et Gromit en tête ! Et comme ces derniers, Le vilain petit canard est une véritable perle qui, surprise, s'adresse en fait tout autant aux jeunes enfants qu'à leurs parents qui y verront subtilement un nouveau niveau de lecture.

 

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Le réalisateur russe Garri Bardine n'est pas un débutant dans le monde de l'animation. Depuis 1975, il signe régulièrement plusieurs courts animés de ses soins (dont les trois volets - 1999, 2001, 2004- de La nounou sortis chez nous en DVD ) mais ce n'est que tardivement que l'envie lui prit de se lancer dans l'aventure harrassante et épuisante du long : le film lui demandera quasiment 6 ans de travail à lui et sa petite équipe soudée, presqu'une nouvelle famille. Six années pendant lesquelles les petites créatures (les "marionettes" mesurant en moyenne entre 5 à 10 centimètres de hauteur) seront photographiées patiemment dans le même décor idéalement construit, avec la même parfaite luminosité restituée à raison de 12 images pour une seconde de mouvement (tandis que dans un film le défilement de la pellicule engloble 24 images par secondes). Quand le film sort en 2010 et donc l'année d'après chez nous dans quelques salles, le réalisateur vient de fêter ses 70 ans. Est-ce que le travail en valait la peine ? Oui, plus qu'amplement.

 

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Tous à l'unisson pour chanter le glorieux hymne (soviétique) de la basse cour.

 

Techniquement la beauté de l'objet stupéfie. Tout est pensé en détail, tout est tellement fignolé (ce sont de vraies petites plumes sur les poules animées !) qu'il y a de quoi tomber à la renverse. On frôle la perfection. Bardine de plus reste sobre et classique dans sa manière de filmer tout ce beau monde même si les angles de vue sont savamment choisis et que parfois le réalisateur se permet deux-trois travellings épatants (dont la caméra qui tourne d'un coup pour dévoiler l'envers d'une petite maisonnée ou dorment une grande partie des volailles du lieu). Dans l'histoire et pour ne pas se faire torpiller, il choisit judicieusement d'adapter le conte éponyme d'Andersen en ne gommant jamais la dureté de l'oeuvre (on oublie trop souvent que les contes sont assez cruels) tout en faisant surnager quand même de l'humour (les deux poussins qui se bastonnent constamment) et une touche d'espoir souvent vibrante, le tout enrobé de la superbe musique de Tchaïkovski. Et il fait mouche le bougre, impossible de ne pas avoir sincèrement les yeux embués de larmes, aussi bien petits que grands.

 

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Ces derniers, Bardine ne les a pas oubliés puisqu'en plus de rassurer d'une tendre épaule leur rejeton avec qui ils verront le film, ils pourront aussi déceler subtilement le constat ironique que le réalisateur tire de la dictature (de l'ancienne URSS dans laquelle il a vécu mais pas que...) tout comme d'une trop grande liberté. Plusieurs fois, nos charmantes volailles vont ainsi pavaner et défiler au son du glorieux hymne de la basse-cour (dont les paroles toujours changeantes sont un régal en VO avec les choeurs de l'armée rouge !) et faire marcher leurs poussins et canetons en rang et au pas. Quitte à faire défiler les oeufs qui ne sont pas éclos (comment ne pas avoir avec beaucoup d'humour le constat de jeunesses déjà embrigadées sous la coquille ?). Dans ce décorum, inutile de dire que notre vilain petit canard mais futur cygne gracieux à tout du marginal rejeté par le système en place. En aidant un caneton qui se noyait, il s'improvise sauveteur malgré lui et s'attire les foudres des parents à plumes. En ne pouvant s'empêcher de danser, il s'improvise artiste, ridiculise un engrenage bien huilé et s'attire les foudres des hauts-dirigeants (le coq et le dindon, caricature modèle du vieux général communiste indigné). Rejeté de tous il survivra tant bien que mal mais l'espoir subsiste et il finira par s'imposer le moment venu face à ce vieux monde qui croûle. Un superbe film d'animation donc et pas que pour les enfants mais aussi les parents qui ont gardé en eux un coeur de mioche et des pensées d'adultes.

 

- Ce merveilleux et très recommendé Blu-ray est distribué par Arte depuis le 4 avril. Un grand merci à eux.

- Retrouvez aussi cette chronique sur la fiche Le vilain petit canard de Cinetrafic.

- Découvrez aussi d’autres oeuvres sur Cinetrafic dans la catégorie dessin animé ainsi que la catégorie film 2011.

 

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Deux bonus accompagnent ce blu-ray. L'un de 8 minutes s'attache à décrire le dur choix des voix françaises. S'il a le mérite de restituer le fait qu'il est bien dur de remplacer les voix et l'âme slaves et que sur ce point, le travail tient d'un perfectionnisme bien venu, on risque de zapper très vite pour se reporter sur les coulisses du tournage, d'une durée de 13 minutes qui là par contre se révèlent trop courtes. Et sur ce point, que du bonheur et de quoi tomber à nouveau à la renverse devant ce qui se révèle un monde incroyablement petit, précis, net. L'expression "doigts de fée" prend tout son sens. Sans oublier, bonheur rare pour l'oeil, les roughs d'un illustrateur russe de génie, aquarelles de maître (et ils trouvent que ce sont juste de simples esquisses ! Les malades ! Je t'aurais déjà mis ça sous cadre et accroché dans les murs de ma chambre moi ! Cela traduit bien la modestie et le perfectionnisme de l'équipe de Garri Bardine du coup) qui parsèment ce trop court making-off.

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Commentaires
N
Merci beaucoup, ça me fait très plaisir. ;)
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T
Salut,<br /> <br /> J’ai adoré ce film d’animation. Cette adaptation est vraiment super ainsi que ton article ! Ciao
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C
Kikou, <br /> <br /> Lol, ils en ont vraiment fait un film. Je ne le savais pas. Je dois vraiment le trouver pour mon frère. Tu ne sais pas où je pourrai le trouver par hasard?
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