Matriculated.
Petite remise en jambe modeste en attendant les vacances qui ne devraient pas tarder et me laisser un champ d'action plus vaste, je vous propose une relecture personnelle du dernier segment des Animatrix (*), le superbe, onirique et brillant "Matriculated" par Peter Cheung, monsieur Aeon Flux (dont il faudra bien un jour que je réagence et modifie ma chronique. La série, pas le film hein) qui nous livre là le court-métrage animé le plus riche de mon point de vue. Riche parce que comme bon nombre de grands films d'une rare intelligence, Cheung nous laisse libre de comprendre par nous-même les images dont il nous abreuve, bien loin de la lourdeur des Wacho sur leur trilogie un peu raté (j'attends toujours qu'on me donne des preuves sensées que Matrix Revolutions, le 3e volet est un grand film hein. Et pas parce qu'il y a du Baudrillard là dedans ! ).
D'où cette relecture personnelle d'un de mes segments préférés. Pour mon bon plaisir, ouaip.
Au début, une clé. Comme la clé des songes, celle d'un "secret place", jardin des délices, des délires, des Alices en perdition...
C'est sans doute la clé de l'appartement de ce nouveau venu en ville. Différent des autres, il ne les connait pas, il est terrifié, il a peur. Pourtant pour évoluer, il va devoir aller au contact des autres et surmonter ses propres angoisses.
Prenant son courage à deux pinces, il s'engouffre dans la cité, bien décidé à devenir un autre.
Il se retrouve bien vite sur la scène devant ces inconnus et tout de suite, il va devoir changer de peau, de style vestimentaire...
Celà ne se fait pas sans regrets. Il est toujours difficile de se construire une nouvelle identité...
Après, il faut bien sûr braver les inconnus, leurs regards, leurs petites attaques mesquines, leurs jeux plus ou moins innofensifs. Mais on peut aussi entrer dans le jeu et accepter celà même en l'appréhendant.
Mais continuer de toujours aller de l'avant, dépasser tout celà. Avoir de nouvelles activitées dans la société, de nouvelles passions, donner un sens à sa vie...
Avec bien sûr toujours ce risque de voir le passé et les ténèbres ressurgir à chaque instant...
A ce stade, la présence d'un ami fidèle, d'un proche n'est certes pas de refus. Même un nouveau contact, qui sait ?
Et peut-être encore plus loin, un nouvel amour, qui sait ? Mais à ce stade, tu es enfin peut-être devenu toi !
" Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d’un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir;
Si tu peux être amant sans être fou d’amour,
Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre;
Si tu peux supporter d’entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d’entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d’un seul mot;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi;
Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n’être qu’un penseur;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant;
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un Homme, mon fils. "
(Kipling)
(*) Je tape toujours autant sur Matrix, surtout les seconds et troisièmes volets j'avoue. Mais bon sang, les Animatrix, quel bonheur sans pareil, quel grâce, quel amour de l'animation. Patch, si tu ne les as pas vus, erreur regrettable à réparer ! :)