Les chroniques de fond de tiroir (23)...
A nouveau quelques chroniques rapides parce que j'aimerais bien évoquer ces films même si je n'en ai guère le temps (voyons les choses autrement, cette concision m'évitera de dire n'importe quoi étalé sur un peu trop de lignes !).
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J'avais déjà vu et apprécié The voices (rien à voir avec l'émission hein) l'an dernier à L'étrange festival où j'avais aussi pu voir l'excellent It follows revu à nouveau lors de sa sortie dite "officielle". On va pas se cacher c'est mon premier Marjane Satrapi en film que je voyais et revoyais (J'en ai lu en BD mais pas vu de film d'elle) vu que j'y avais pris grand plaisir. Le film avait reçu le prix du public lors de L'étrange festival et c'était mérité même si on pourrait chipoter sur deux-trois bricoles. Mais le plaisir de la comédie horrifique, le talent des acteurs (Reynolds assurant toutes les fameuses voix m'a bluffé au passage) et le générique de fin coloré et dansant (cherchez "sing a happy song" sur youtube en recherche associé à The voices, vous allez comprendre... et je ne spoile pas en plus vu que c'est un peu détaché du reste du film) achèvent d'emporter mon plaisir de spectateur ouvert à tout (et peut-être plus ouvert que bien d'autres, vous allez le voir avec Vincent n'a pas d'écailles ou une chronique de Rollin en film cette fois-ci) vers le bonheur.
La séance (avant-première) était suivie d'une masterclass avec Marjane Satrapi très détendue (mais en manque de clopinette) et cool, à l'image de ses BDs et de son film. Et d'une classe folle dans ses réponses, à la fois dans l'aspect technique de la fabrication d'un film comme des petites anecdotes. Cela m'a vraiment donné envie de voir ses autres films dont La bande des Jotas qui n'a pas une réputation si bonne que ça pourtant. Et pis Poulet aux prunes et Persepolis of course.
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Oui alors j'avais jamais vu Dirty Dancing auparavant et je vous emmerde.
Donc je rattrape mon retard (si vous saviez tout ce que j'ai à voir vous seriez littéralement horrifiés alors passons) devant cette oeuvre culte qui n'a ma fois pas du tout vieillie. Parce que la B.O est monstrueusement diabolique alignant les Hits cultes avec d'excellentes autres choses (de la vraie "B.O-compile" mais généreuse comme pas permis et où tout fait sens) sans jamais être kitsch. Parce que la romance entre Jennifer Grey et Patrick Swayze n'a pas besoin de s'étaler sur cinquante nuances pour nous émouvoir (je suis allé la chercher loin celle-là... Cinquante nuance de Jennifer Grey. *sic*) mais qu'elle sonne juste du premier coup. Parce que les deux dansent bien et que les chorégraphies sont franchement épatantes (et le film navigue entre douce romance et situations drôles). Parce que situer un film des années 80 en plein dans les années 60 c'est éviter de se focaliser sur une époque synthétique pour transposer les relations humaines dans un cadre en pleines mutations et qui disposait encore, en réaction je suppose, d'une certaine chaleur. Parce que le film a une vraie tendresse pour ses personnages et à notre époque de cynisme facile, putain que ça fait du bien (et ce n'est pas de la naïveté non). Parce que voilà, toutes ses raisons et sans doute plein d'autres en fait quand on y réfléchit.
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Beaucoup ayant vu le film lui trouvent un air de court-métrage hélas trop étendu, je ne partage pas cet avis pour ma part. Adepte des films contemplatifs parfois eux-aussi très étirés (et pas toujours en bien il faut l'avouer), j'ai apprécié les silences de Vincent n'a pas d'écailles, ces moments suspendus où presque rien si ce n'est rien, ne se passe. C'est évidemment un argument scénaristique facile me dira-t-on mais ces silences, ces riens font partie du personnage mutique de Vincent qui ne pense qu'à une chose, aller barboter dans l'eau quand il le peut (on peut dire de lui pour rester dans le domaine aquatique qu'il est souvent "muet comme une carpe" !).
L'amour n'est qu'une option, mais quand il arrive, le film se réchauffe et le personnage lentement avec. Il faut dire qu'elle est craquante la ptiote Vimala Pons. Si vous n'aviez pas encore succombé à son charme dans La fille du 14 juillet, courez-y tout de suite, elle illumine le film, vraiment (aaaah la "plus longue caresse du monde" !). Alors oui, il ne se passe pas grand chose dans Vincent, son léger manque de rythme et le ton un peu trop contemplatif-étiré auront raison de certains mais pour ma part je salue l'initiative et je le dis même clairement j'ai beaucoup aimé ce film où il ne se passe presque rien mais où les petits riens font tout le sel de la vie. Je crois que le film est arrivé pile dans mon besoin de voir autre chose qu'une certaine hystérie de montage et d'action qu'on peut souvent avoir en salles. Le fait que je suis habitué à la musique ambiant, que je peux parfois rester dans le vague à regarder la poussière qui vole ou un tableau abstrait, complètement le regard perdu dedans peuvent jouer mais en fait je me cherche une excuse pour mieux vous faire comprendre le pourquoi du comment. J'ai presqu'envie de ne mettre que des photos de Vimala Pons pour étirer cette chronique et la rendre plus longue, plus contemplative, comme le film donc mais NAAAAAN je ne le ferais pas.
A noter, la chronique enthousiaste d'Alain sur le film chez lui, at The movie freak ! Pour les critiques négatives, le reste de la blogosphere je crois. :)
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Curieusement moins connu que L'étrangleur de Boston, du même richard Fleischer, le film n'en constitue pas moins pourtant une même réussite impressionnante. Sans doute que le film a été un peu oublié dans le temps du fait que les gens s'attendaient à y voir une mise en scène constamment portée sur un certain aspect technique comme son prédecesseur qui jouait habilement des Split-screens et du montage. Or ici, la mise en scène de facture plus classique (avec néanmoins des décadrages minimes mais inquiétants qui appuient bien la folie latente de l'étrangleur si vous regardez bien) se fond dans l'étude psychologique des caractères pour livrer un film littéralement glaçant et extrêmement pessimiste.
Ainsi si L'étrangleur de Boston était-il à tendance plus policier et dramatique (l'enquête dans un premier temps puis l'étude psychologique du cas qu'incarnait Tony Curtis) alors qu'ici on aborde un versant psychologique (la première partie du film se concentre sur le jeune couple à problème incarné avec brio par John Hurt et Judy Geeson) qui ensuite se poursuit dans le film à procès (et la dénonciation implacable du système judicier britannique) sans que l'ensemble ne faiblisse nullement. Sur ce compte, il faut parler de la performance des acteurs, parfaite mais notamment de Richard Attenborough que je pensais piètre acteur et qui ici m'a littéralement mis sur le cul. Très grand film, aussi indispensable que différent de son aîné.
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Après Jean Rollin écrivain sur le blog, Jean Rollin cinéaste, fonction pour laquelle il est encore normalement reconnu d'ailleurs. Je lis ici et là généralement que le cinéma de Rollin se prête au nanar fauché mais pour en avoir vu déjà deux (dont celui-là) et avec la même personne qui m'y a initié (il se reconnaîtra), je dirais qu'il faut nuancer très largement celà. Pour moi le cinéma de Rollin aborde le fantastique et l'horreur par un versant poétique, onirique et avec une certaine innocence qui marchera d'autant plus si vous avez gardé une part de grand enfant en vous. Je suis même assez admiratif de la manière qu'à Rollin de placer les grands ensembles français, les décors archi-urbains au sein de sa mise en scène et d'en tenir compte. Je crois que cela suffit à faire passer que ses acteurs ne soient pas forcément bons mais qu'il y ait vu en eux le petit "plus", le petit déclic qui peut faire pencher le film sur la fragile ligne de démarcation du goût. D'autant plus qu'il y croit à son film, c'est bête à dire mais ça fait plaisir de voir quelqu'un filmer ce en quoi il croit profondément, quitte à ce que ça puisse paraître déplacé ou déjà vu pour certains. Il faut prendre le risque de se hisser le regard sur un autre point de vue et c'est en cela que le cinéma de Rollin est une certaine prise de risque.
Donc, après l'excellent Lèvres de sang (bénéficiant de deux affiches fabuleuses du grand Caza pour l'anecdote), Rollin nous bâtit non plus une histoire de vampires mais un thriller paranoïaque avec une légère pointe de fantastique. Plongeant dans l'histoire de deux jeunes filles amnésiques (avec une Brigitte Lahaie qui m'a semblé avoir un peu de mal au début), le regretté cinéaste nous emmène dans des décors de bétons, froides tours de verre entre Paris et La Défense dans un complexe psychiatrique inhospitalier et comme labyrinthique. Contrairement à Lèvres de sang, j'ai eu un peu de mal à adhérer totalement dès le début (le personnage principal masculin étant assez fadasse, heureusement Rollin semble en avoir conscience et l'évacue des 3/4 du film jusqu'à la fin) mais plus le film passait plus j'étais conquis. Rollin travaille son ambiance de pair avec l'histoire et en ayant conscience de l'impact des décors, des personnages, de la musique, qui forment un tout indissociables de son oeuvre. Bref, belle découverte à nouveau et merci à mon pourvoyeur de Rollin !
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Radley Metzger est un grand cinéaste du domaine érotique que je découvre au compte-goutte de même que pour le cinéma du sieur Rollin. Comme pour ce dernier, je n'ai pas vu grand chose mais j'étais à chaque fois conquis. Il faut dire que Metzger n'est pas qu'un cinéaste de l'érotisme et des corps même s'il les filme très bien merci à lui. C'est aussi et avant tout un esthète pour qui un film se doit d'avoir avant tout une histoire et des personnages. Ce qui était déjà le cas de The opening of Misty Beethoven et The lickerish quartet. Ici avec Camille 2000, le bonhomme reprend rien moins que La dame aux camélias de Dumas mais transposé dans le XXème siècle sur les côtes italiennes (avec un petit passage en France, ça fait toujours chouette).
Parfaite étude des jeux de l'amour auxquels peuvent se plier une jeune bourgeoisie, Metzger n'en oublie pas de traiter ses personnages avec tendresse et humanisme tout en critiquant ouvertement ce milieu aisé. La mise en abîmes du début qui nous paraît détachée se révèlera en rappel amer à la toute fin comme un cycle toujours en mouvement qui ne peut s'arrêter. Là est la grandeur de Metzger puisqu'il dépasse la simple étude de caractères à dominante romantique pour dresser un portrait vivant d'une frange de la population qui peut tous nous concerner. Metzger est grand.