Les chroniques de fond de tiroir (13).
Je n'avais pu voir le film de David Fincher lors de sa sortie en salles, avec le DVD, c'est maintenant chose faite. Et je me joins aux multiples louanges dont le film bénéficie. Alors oui, dans The Social Network, les dialogues d'Aaron Sorkin sont brillants, l'interprétation au taquet mais ce qui m'a le plus passionné, c'est évidemment la mécanique qui se met en place dès lors que le réseau social commence à germer, soit après que le jeune surdoué (mais asocial au possible) Mark Zuckerberg se soit fait plaquer par sa copine parce qu'elle le trouvait insupportable (il y a de ça). Dès lors, à l'instar de l'équation (algorithme) tracé le soir même à la fenêtre de la collocation de Zuckerberg à Harvard, tout va suivre une sorte de ligne parfaite et en bout de course, obtenir un certain résultat.
Ce ne sera évidemment pas sans dommages collatéraux et la création de Facebook est en fait plus un prétexte (même si en toile de fond ça y est) pour relater une amitié, des relations et ce qui va fatalement se briser. Fincher adroitement sait jongler avec différents niveau temporels (le passé, 2003 quand le réseau social émerge tout en alternant avec les procès actuels sur la paternité du réseau quelques années après), tout en mettant fidèlement en scène les dialogues de Sorkin. A l'image, ça va à 100 à l'heure et l'on peut rapidement être perdu dans le fatras de dialogues parfois très informatique, à tel point qu'avant d'avoir vu le film je m'inquiétais pour la place qu'aurait l'excellente bande originale de Trent Reznor et Atticus Ross au sein de celui-ci. J'ai été rassuré, tout s'emboîtait organiquement d'une belle manière.
Que dire de plus si ce n'est que le film ne fait qu'appuyer sur le fait que la vacuité du monde réelle n'a jamais été aussi présente que sur le net ? On est dans la société du virtuel, mais la donne n'a fait que se radicaliser : si tu n'es pas à accro à facebook, tu es accro à quelque chose sur le net. Si tu n'es pas sur Facebook, tu as de toute façon un blog où tu consacre une bonne partie de ton temps personnel. Quand à Facebook il n'est que l'accélérateur actuel qui fait que les relations sociales ne sont parfois plus que peau de chagrin, permettant parfois à n'importe qui de briller, voire de trouver du travail sur presque rien. Dorénavant, grâce à Facebook, tu auras beau avoir 454568 amis, tu resteras d'autant plus seul dans ta bulle. Pas nouveau mais le constat devient de plus en plus atterrant si on en vient à le mentionner dans un (grand) film.
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C'est toujours sympathique de se faire sa petite saga de temps en temps. Je me suis dit qu'en quelques jours d'intervalles je pouvais me revoir à la fois 28 jours plus tard et 28 semaines plus tard (qui est une suite mais pas avec les mêmes personnages pour ceux qui n'ont pas vu le film).
28 jours plus tard est en DV, brut de décoffrage et 8 ans plus tard, il faut le dire, ça a méchamment et salement vieilli. L'image n'est plus crasse, elle en devient par moment très moche, surtout dans le rendu de l'image. Pourtant on ne peux nier que l'invasion et la chute de l'Angleterre par Danny Boyle suite à une épidémie d'infectés qui transforme les gens en choses monstrueusement méchantes (et que même si tu cours vite, tu ne peux pas leur échapper), ça a encore une classe et un charme fou. Boyle parsème son film de moments apaisés, drôles, touchants, avec une sélection de musiques façon cartes postales sans oublier d'aligner des moments qui réjouissent. Toute la première demi-heure du film dans un Londres déserté tient presque du miracle et rend le film des plus passionnants. On en oubliera du coup les quelques petits défauts de la suite du film (les militaires qui veulent se faire des meufs parce que la terre, y'a plus de femmes, ziva, HO HO HO) face à ce qui reste toujours dans les meilleures réussites du cinéaste.
28 semaines plus tard reprend donc, comme son titre l'indique, le même décor 28 semaines après le début de la contamination. La reconstruction est fragile et le pays se relève péniblement, bien aidé en cela par les Etats-Unis (ami lecteur, tu dois sentir la critique spéciale politique américaine qui sous-tend le film). Après un début sous adrénaline toujours aussi impressionnant, le film prend le temps de développer l'histoire de la déconstruction graduelle d'une famille et apporte une piste ouverte à une possible immunité au fameux virus. Le film regorge de petites idées mais se coltine parfois de petites incohérences. Néanmoins comme le premier, sa force est de s'attacher à dépeindre des survivants dans un monde devenu impossible. Il fut un temps où je préférais ce volet au premier mais curieusement maintenant, je préfère un peu plus le film de Boyle malgré son image parfois immonde. M'enfin bon, les deux films restent assez forts et bien foutus. Si il y a un troisième volet de prévu, il faudra faire aussi passionnant que les deux premiers, exercice souvent difficiles dans la continuité et le respect des codes qui sont souvent imposés à la base.
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D'Ophuls, je ne connais quasiment pas la période américaine, raison de plus pour essayer de voir ce que donne ces Désemparés (1949). J'ai passé un agréable moment mais je m'avoue que je m'attendais sans doute à un peu plus aussi... Si le film réserve de grands moments (Joan Bennett avec ce qui reste du petit ami peu fréquentable, cette scène aurait été inspiré par le néoréalisme de Rossellini comme l'indique le spécialiste de la période américaine d'Ophuls, Lutz Bacher sur l'un des deux bonus du DVD Carlotta), j'ai trouvé subjectivement qu'on restait avec un goût de "pas assez". Histoire policière pas assez poussée, drame mélodramatique pas assez poussé, empathie, relations pour les personnages pas assez poussées (Bennett restait trop tendue face à un Mason impérial et charismatique, touchant lui par contre et finit par l'éclipser) quand elles ne servent juste qu'a souligner l'emprise du cadre social avec les personnages secondaires (le gamin et le beau-père qui ne servent qu'a renforcer le constat évident qu'elle est prisonnière de sa situation --comme elle le dit elle-même avec lucidité à son maître chanteur dans la voiture quand il la raccompagne). Mais d'un autre côté la maîtrise du cadre, les décors très bien réalisés (3 jours seulement en extérieurs avec construction du garage/hangar à bateau en fonction du script), les rares mais élégants (hélas trop courts quand on a goûté à la jouissance de La Ronde par exemple) plans-séquences et travellings et les petits détails qui caractérisent les personnages sont assez bien vus. Mais comme le film ne va pas jusqu'au bout de ses possibilités, cela reste juste agréable là où ça aurait pu être un grand film.
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D'abord je tiens à dire qu'elle est belle cette affiche, et mine de rien elle spoilerait presqu'un peu le film (non ce n'est pas une biographie de Van Gogh, je vous rassure). D'un autre côté, je n'avais rien lu et la surprise se révèle très grande : c'est un excellent crû. Autant Vicky Christina Barcelona m'avait ennuyé car je considérais qu'il alignait un peu une suite de poncifs sur l'Espagne en apportant pas grand chose (j'aime beaucoup la musique de Vicky cela dit...) Ici, si clichés il y a, Woody s'en débarasse dès le début dans une ouverture faisant agréablement penser à Manhattan (sans voix-off) en alignant 5 minutes de plans de Paris (parfois très beaux et puis ça fait toujours plaisir de voir des quartiers qu'on côtoie) quand il ne les retourne pas complètement. Par la suite, le film dévie vers une comédie gentiment fantastique, déclaration d'amour cachée envers la France (et surtout sa culture), se permettant un casting joyeux et inattendu aussi bien d'acteurs américains comme français (y'en a, oui, oui). On trouvera donc Owen Wilson, Marion Cotillard, Gad Elmaleh, Adrian Brody, Léa Seydoux, Alison Pill (Kim dans Scott Pilgrim, c'est elle ! *gasp* )... Casting totalement improbable qui en devient jubilatoire souvent en fonction des rôles que chacun un. Alors oui, c'est une version fantasmée et très américaine on sera d'accord mais elle est à l'image de celle qu'avait Woody de Manhattan, c'est peut-être des gens aisés mais ce sont les relations qui intéressent comme toujours le cinéaste. Oui on voit bien Carla Bruni mais son temps d'apparition ne doit pas dépasser les 5 minutes dans le film et puis j'ai été surpris, elle joue bien. Et puis la photographie est belle, les hommages sont sincères et drôles (la suggestion pour Buñuel) sans jamais en faire trop, Allen se permettant même de livrer une mini critique à ceux qui continuent de relativiser envers la nostalgie d'un temps jamais vraiment connu vers la fin tout en gardant beaucoup de tendresse pour ses personnages. J'ai hâte de le revoir au plus vite à l'instar de certains films vus en salles récemment.