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Chroniques visuelles
10 décembre 2014

La prochaine fois je viserais le coeur

 

affiche_coeur

 

Si vous pensez qu'il y a une énième similitude d'affiche avec un autre film français qui contient un mot similaire dans son titre, vous n'avez pas tort, hoho.gneee

 

 

Pendant plusieurs mois, entre 1978 et 1979, les habitants de l’Oise se retrouvent plongés dans l’angoisse et la terreur : un maniaque sévit prenant pour cibles des jeunes femmes.
Après avoir tenté d’en renverser plusieurs au volant de sa voiture, il finit par blesser et tuer des auto-stoppeuses choisies au hasard. L’homme est partout et nulle part, échappant aux pièges des enquêteurs et aux barrages. Il en réchappe d’autant plus facilement qu’il est en réalité un jeune et timide gendarme qui mène une vie banale et sans histoires au sein de sa brigade. Gendarme modèle, il est chargé d’enquêter sur ses propres crimes jusqu’à ce que les cartes de son périple meurtrier lui échappent.

 

Je ne suis pas un fervent admirateur de Canet, aussi c'est sur les conseils d'un ami et le fait que le sujet m'intéressait que j'y suis finalement allé. Pour me retrouver doublement agréablement surpris. D'abord Guillaume Canet est prodigieux dans le rôle de cet homme tourmenté qu'on comprend devenir de plus en plus fou au fond de lui. Ensuite l'horrible fait divers policier qui a servi de base est intégralement respecté, il s'agit bien de l'affaire du "tueur de l'Oise", le gendarme fou Alain Lamare qui défraya les années 70 (à noter que le lien wikipedia spoile un peu le truc mais pas trop, toutefois si vous désirez vraiment voir le film, n'allez sur le lien qu'après coup). Cette affaire de tueur en série particulièrement retors faisait suite à une même affaire dans la même région. A se demander donc si le second tueur n'aurait pas en partie été inspiré par l'affaire Marcel Barbeault (là vous pouvez cliquer).

 

coeur_a

 

On comprend que l'Oise ça fait peur. Et sans doute pour ne pas raviver certaines blessures du passé et pouvoir filmer sans trop de difficulté, le tournage s'est déroulé dans le Nord pas de Calais pendant à peine une petite trentaine de jours fin novembre 2013 (Potz, j'espère que tu as fait un petit coucou à Canet à cette époque là !). Un tournage express qui laisse parfaitement sentir le froid mordant avec lequel les comédiens durent composer. Canet lui-même donne de sa personne pour une scène de poursuite qui n'est pas sans évoquer de loin celle du Cercle rouge, quand Gian Maria Volonté est poursuivi par policiers et chiens en pleine forêt. L'acteur-réalisateur a même dû un peu patauger dans une eau glacée pendant quelques minutes pour une prise qu'il choisit courageusement de refaire. On est toutefois loin de la réalité quand on sait que le tueur initial comme un surhomme s'est caché dans la rivière pendant plusieurs heures pour échapper aux poursuites.

 

Sur ce point il est intéressant que le film choisisse la description à la reconstitution. Le portrait est tout autant intime (Dès le début on sait qui est l'assassin du film, le but du film est tout autre qu'une simple enquête policière, on est avec le personnage du gendarme dans son appartement, on le voit "vivre" et réguler sa vie comme une horloge bien rangée qui fait lentement froid dans le dos) qu'externe puisque l'on voit les meurtres mais aussi les rondes policières, la traque, les rares moments de calme avec son petit frère, sans doute la seule personne qui a de la valeur à ses yeux (les parents un peu vieux jeu le charriant régulièrement, on peut comprendre que le personnage soit vexé). Un frangin à qui il apprend à tirer à la carabine, avec qui il court dans les bois et se livre à quelques considérations vaguement métaphysiques.

 

coeur_b

 

J'ai écrit "intime" et non "interne". Qui au juste est ce gendarme ? Sans doute ne le saurons nous jamais, ni pourquoi il ne peut résister à tuer des femmes même si de minimes explications se dévoilent par fragments (fascination de la mort et des armes --celles accumulées chez lui, les coupures de presses et photos du précédent tueur qui a secoué la région--, dégoût prononcé des femmes suite à une incapacité à assumer une vie de couple --une scène presque onirique montre le corps de la femme avec qui il vient de faire l'amour et l'on voit une mouche se poser tranquillement. Le personnage a à ce moment là un geste de dégoût visible comme si le fait de consommer l'acte charnel amenait invariablement à la mort, pas la petite mort, l'autre-- même quand l'occasion se présente à lui mais aussi ce qui peut-être perçu comme une trahison de la part de la gente féminine --il manque de s'énerver contre le personnage d'Ana Girardot, une révélation pour moi au passage, quand il s'aperçoit qu'il y a des choses de sa vie qu'elle ne lui a pas dit et qu'elle l'a embarqué avec elle jusqu'au cou).

 

Le film ne prend jamais parti, ni du côté des victimes, ni du côté du tueur, toujours à bonne distance. C'est à la fois sa force et sa faiblesse. La prochaine fois je viserais le coeur est un bon film, même un très bon film dans le paysage policier français. Il a le mérite d'éviter la psychologie plombante et l'aspect sociétal pénible et rouillé de la société française qu'on nous assène souvent avec plus ou moins de force (je n'ai jamais pu digérer ce truc horrible qu'était Sans laisser de traces, pardon) dans de nombreuses productions. Les paysages du Nord, brumeux, sont retranscrits avec une belle vigueur (je sais de quoi je parle, c'est le pays d'une de mes mamies hein) et la musique, en mode répétitif joue des violons froids comme une lame afin de témoigner de la déchéance du personnage.

 

coeur_c

 

Sauf qu'au bout d'un moment la musique agace et lasse le spectateur. Pour tenter une analogie simple, j'avais évoqué le Cercle rouge et une scène bien spéciale mais je crois me souvenir qu'à ce moment la musique de Demarsan se dote de percussion, de quelque chose de subtil et dans le même temps bruitiste qui retranscrit bien la sensation de poursuite à défaut de celle d'être pris. Ici les même notes reviennent plaquées et même dans l'illustration d'une scène comme ça de poursuite, on réentend la même composition. Peur de se trahir ? De pencher du côté de l'assassin ? En négligeant l'ambiguïté nécessaire à plusieurs scènes tant musicalement que du point de vue de la mise en scène ou du personnage, le film évite tout faux bond mais s'enlise de fait. Il pourrait aller très loin... S'il avait l'étincelle nécessaire. Celle qui fait décoller, qui met K.O, qui nous fait dire "mais attends là... OH PUTAIN" (même si le final est bien fait).

 

 

En l'état personnellement je trouve ça bien. Sans être un grand film, La prochaine fois je viserais le coeur impressionne et fascine dans sa volonté de s'inspirer d'une affaire célèbre et de la réinterprêter à sa manière en respectant pour beaucoup les faits (notamment ceux écrits, un carton l'indique en début ou en fin de film je sais plus). Une très bonne surprise pour votre serviteur donc.

 

 

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Pour ouvrir vers d'autres pistes :

► Ma chronique d'Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçons, film au thème plus que proche.

► La chronique de Filou qui, s'il a quelques réserves sur le film, a semble-t-il toutefois bien apprécié.

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Commentaires
B
merci beaucoup cher Nio pour le lien et pour ta chronique très détaillée et très analytique du film... tu dis qu'on évite avec joie la psychologie à outrance dans ce film, moi c'est ce qui m'a un peu géné, cette distance et ce coté très clinique des faits cette tendance comme on voit beaucoup dans le cinéma français actuel de rester toujours à distance pour éviter le lyrisme et l'émotion...<br /> <br /> et en meme temps il y a une tentative de psychologisation avec notamment ces scènes d'auto scarification mais celles ci ne sont pas forcément convaincantes... mais cela dit la mise en scène reste d'Anger reste quand même assez épatante dans sa maitrise formelle et je persiste et signe: Canet tient là le role de sa vie... ma chronique sur l'acteur m'a d'ailleurs valu quelques remarques désagréables sur twitter et autres de personnes qui déploraient le fait que je lui léchais le c... et qu'il n'en avait nullement besoin : cqfd :o)
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P
Je fais partie de ceux qui n'aiment pas Canet. Si Ne le dis à personne m'a plu, le reste m'a laissée froide (je n'ai pas réussi à voir Les Petits Mouchoirs en entier). En tant qu'acteur, je ne le trouve pas trop mauvais surtout dans ses premiers films. Il y avait de la fraîcheur chez ce type. Maintenant, on ne peut pas dire que ça soit lui le plus expressif... sauf peut-être dans La prochaine fois je viserais le cœur que je n'irai pas voir en salles. Je vais plutôt attendre le DVD pour me faire une idée :)
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A
Une belle chronique ! Pas sûr que j'aille voir le film, le sujet 'faits divers" et les histoires de tueurs en série ne m'intéressent pas vraiment… Mais ton article donne envie.<br /> <br /> Moi aussi je ne suis pas un grand fan du cinéma français récent. Mais dans le polar, on peut être très bon. Et le dédain régulier quant à Guillaume Canet m'agace un peu. J'aime bien ce comédien / réalisateur, son envie de se démarquer des films à ambition Téléramesques pour être dans la bonne voie française du cinéma "d'auteur" donc avec de jeunes actrices rapidement dénudées et un scénario pompeux-chiant :-)<br /> <br /> On peut ne pas aimer ses films mais il a au moins le mérite de vouloir réaliser des œuvres qui restent des divertissements ciné sans se prendre trop au sérieux. Et NE LE DIS À PERSONNE a eu au moins le mérite de faire redécouvrir François Cluzet…<br /> <br /> Quant à l'acteur, il ne s'est jamais laissé aller à des choix faciles de jeune type "propre sur lui" comme son allure général pourrait le cantonner, comme ce film présent. Je ne sais pas si tu as vu NARCO, le film n'est pas un chef d'œuvre mais il sort des sentiers battus à la française et Canet y est très attachant.
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